1 ère version: La crise bancaire à l'origine de la crise économique
(extrait de Jean-Pierre Clève, au cours d'une réunion du Modem)
Il s'agit d'un drame en 5 actes :
11. Les « subprimes » (prêt à risque)
Pour loger les plus pauvres, trouver le financement nécessaire à ces dépenses et par là-même gagner beaucoup d'argent, les systèmes bancaire et immobilier des Etats-Unis ont inventé un système d'une extrême vulnérabilité. Depuis 2002, des commerciaux proposaient des prêts à des taux très attractifs les 2 premières années, mais qui ensuite évoluaient au prix du marché. Une spéculation implicite s'est opérée avec une montée des prix de l'immobilier américain. Cela a fini par faire retourner le marché et augmenter les taux.
La crise a eu lieu lors de l'été 2007, au total, sur la période, 3 millions de ménages n'ont pu faire face à leurs échéances de remboursement et y ont perdu leur logement et leur épargne. La valeur de l'immobilier devenu propriété des banques s'est effondrée devant le nombre de logements à vendre.
12. Le marché monétaire
Les opérateurs ont mélangé le financement de l'immobilier des USA avec les SICAV monétaires. C'est ce qu'on a appelé la « titrisation », on transforme des titres immobiliers en titres monétaires, en échappant à la surveillance des banques centrales.
Les « subprimes » boostent alors le marché monétaire et pourrissent le tout, à l'exemple d'une paella où l'incorporation de coquillages de mauvaise qualité entraine la dégradation de l'ensemble du plat.
En 2007, la dégradation s'étend à l'ensemble du marché monétaire.
13. Des faillites
Les risques de faillites se sont développés, certains établissements ont été repris et certains ont disparu. On pouvait penser qu'il n'est pas possible de faire faillite quand on est d'une taille importante, c'est ce qui est arrivé à Lehman Brothers, un des plus importants opérateurs au monde qui n'a pas été sauvé par l'Etat américain. Cela s'est réalisé le 15 septembre 2008, c'est symbole le plus grave de la crise bancaire.
14. La diffusion de la crise
La transmission s'est généralisée car tous les établissements bancaires interviennent sur le plan mondial, et quand l'un ne peut faire face à ses échéances, cela a des conséquences pour les autres qui lui ont fait crédit. Progressivement, suite à ces défaillances, le crédit que les banques se faisaient entre elles s'est effondré. Comme il y a des besoins de liquidités, en particulier pour les fonds de pension américains qui sont en charge de l'essentiel des retraites, à régler chaque mois, les agents ont vendu rapidement ce qu'ils possédaient, en particulier les actions dont les cours se sont effondrés. C'est alors que l'on a observé la baisse vertigineuse des Bourses mondiales, les valeurs principales de la Bourse de Paris ont perdu 60% en un an, alors que la situation réelle des entreprises et la valeur de leur patrimoine ne justifient pas cet effondrement.
La règle dans les crises économiques est que les plus vulnérables sont toujours ceux qui en payent le prix le plus lourd : les pays en voie de développement (l'Afrique en particulier), les personnes au chômage, les bas-revenus...... Certains prix alimentaires baissent mais pas tous. D'autre part, la crise climatique, lié au réchauffement reste d'actualité, 75 millions d'habitants sur la planète vont devoir changer de région d'ici 2020.
15. La position de l'Europe
Dans un premier temps, il y a eu une réponse européenne commune et coordonnée. Il faut rétablir la confiance et cela nécessite du temps et des actions durables. Le renforcement des fonds propres des banques limite leur fragilité. Des interventions des Etats sont engagés pour se substituer au crédit-interbancaire défaillant afin de sauvegarder les possibilités de distribution du crédit.
L'existence d'une banque européenne et de l'euro sont une chance, car sinon il y aurait eu des dévaluations successives concurrentes. Le coût du crédit est ainsi plus réduit, les recours bancaires sont plus importants....
Les interventions coordonnées des autorités européennes et américaines en octobre 2008 ont été stratégiques car à quelques jours, le système était au bord du précipice avec un effondrement complet du système bancaire international. Pensons que des pays aussi libéraux que les Etats-Unis et le Royaume Uni ont nationalisé des banques !
Mais tout ceci est un travail de pompier lors du déclenchement de la crise, la suite est encore plus compliquée.......
2. Pourquoi tout ceci est arrivé ? Quelles sont les causes de la crise ?
21. Un marché financier international sans foi, ni loi
L'origine de la crise est essentiellement lié au fait qu'il n'y a ni réglementation, ni surveillance dans ce domaine. Les « subprimes » aux USA ont été gérés hors du bilan des banques. S'il n'y a pas de garde-champêtre, les voleurs de poules font la loi. Il faut organiser et réglementer le marché financier mondial, à chaque crise, des ajustements sont possibles. En 1994, le Mexique a eu une crise importante, le FMI n'a pas pu intervenir. Quelques années plus tard, suite à la crise asiatique, il a été demandé au FMI d'intervenir mais la mise en œuvre des mesures a été reportée.
Aujourd'hui, 3° crise, de très loin la plus importante, qu'en sera-t-il ?
22. Les acteurs
Ce qui a failli, ce sont les hommes et pas les techniques. C'est une faute morale, on a prêté alors que l'on savait qu'il existait un risque majeur de non-remboursement.
On a vendu des produits dont les vendeurs ne comprenaient pas eux-mêmes le fonctionnement. Face à l'attrait de ces produits, les banques voulaient toujours faire mieux que leurs concurrents.
Il n'y a pas de pilote, personne n'est en charge de surveiller ses pratiques. Le FMI (Fonds Monétaire International) n'a aucun pouvoir dans ce domaine, mais ses avis annuels comprenaient régulièrement des mises en garde aux Etats.
3. Que faut-il faire ?
31. Le soutien aux banques
Les banques vont en France, signer des conventions avec l'Etat via un Institut de Régulation des banques qui doit contrôler les ouvertures de crédit aux PME, la rémunération des dirigeants, les règles de fonctionnement. Un médiateur a été mis en place avec un rôle d'arbitre. Quand il n'y a plus de confiance entre opérateurs bancaires, il ne reste de confiance que dans les Etats, qui interviennent pour permettre d'ouvrir à nouveau des crédits.
32. Une réglementation internationale minimale
Il faut donner un statut aux agences internationales de notations, réglementer les « hedge funds » (fonds spéculatifs), et pour surveiller tout cela confier une mission au FMI ou créer un autre organisme. Comme ce rôle sera très important, il est nécessaire qu'à côté des techniciens, il y ait des politiques avec un mode de gouvernance. Il faut que le pouvoir donné corresponde au poids économique réel, dépasser le G8 et même le G20, aller sans doute jusqu'à 24 pays. Tout ceci doit être contractualisé dans des traités pour légitimer.
Il est indispensable également de mettre en œuvre un plan de soutien aux pays les plus pauvres.
Le G 20 doit prochainement se réunir avec le nouveau président des USA pour négocier ces nouvelles règles et également aborder la réforme du système monétaire international.
33. Les plans de soutien à l'économie
Dans ces circonstances, il est essentiel de soutenir les PME et le secteur du bâtiment, ne pas arrêter la loi SRU, renforcer la politique de la ville......
Tout ce qui touche à l'investissement est essentiel car cela prépare la société de demain. Si on veut être cohérent avec les inquiétudes de l'avenir, il faut investir fortement dans les technologies de l'environnement, facteur de rentabilité car les USA vont s'y mettre et les marchés vont se développer. La relance de la consommation serait pour la France, porteur d'un risque de détérioration de son commerce extérieur déjà très mal en point par manque de compétitivité. Elle aurait pour effet que l'aide de l'Etat bénéficie davantage aux pays exportateurs à destination de la France. Le risque de développement du protectionnisme est également fort, chaque pays protégeant ses produits, avec comme effet inévitable, la réplique identique de ses partenaires commerciaux au détriment de ses propres activités.
34. Un problème d'éthique
Les valeurs fondatrices d'une économie de marché sont aujourd'hui manquantes, les « néo-libéraux » ont effacé les valeurs liées à l'économie de marché telles le respect de l'autre, le sens de la mesure....Il faut bien se rappeler que l'idéologie néolibérale représente le fondement des idées économiques des républicains américains au pouvoir depuis 10 ans. Il y a un énorme devoir d'éducation civique dans l'économie d'aujourd'hui. Il faut éveiller nos concitoyens au sens de l'universel, car l'économie actuelle ne peut être que mondialisée. Comment peut-on négocier le problème des paradis fiscaux, zones de non-droit ? par une volonté commune de boycott ? Sans doute faut-il proposer une imposition internationale sur les transactions ?
2ème version : La dette et les inégalités à l'origine de la crise économique
(Jean-Paul Knorr)
De nombreux économistes américains ont prédit la catastrophe. Tous ont été ignorés, ridiculisés ou discrédités à titre de pessimistes. Je dirais tout d'abord que nous avons une crise de la dette sur laquelle s'est greffée une crise financière, les deux étant bien sûr liées. La crise financière est d'ailleurs loin d'être dernière nous. D'après Nouriel Roubini, les pertes de crédit des banques américaines pourraient culminer à 3600 milliards. Le système bancaire des Etats-Unis est virtuellement insolvable parce qu'il représente un capital de 1400 milliards. Le système est en banqueroute et en Europe ce n'est guère mieux.
La prochaine bulle qui va éclater est celle des cartes de crédit et dire qu'on oublie le marché des emprunts immobiliers Alt-A et le gigantesque marché des dérivés qui peut lui aussi exploser.
Je suis convaincu que nous sommes entrés en dépression et non en récession. Rappelons qu'une récession est caractérisée par une croissance négative pendant au moins deux trimestres et une dépression par une croissance négative pendant au moins trois ans. La crise actuelle est une crise de la dette. Quelle est l'ampleur de cette dette ? Commençons par le pays-phare, les Etats-Unis. L'ampleur de la dette totale est de 50 000 milliards de dollars. Il est facile de trouver tous ces chiffres maintenant avec internet comme ce rapport de Natixis http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=44998 Les liens ci-dessous.
Nous sommes dans la même situation qu'avant la crise des années 30 : dettes monumentales et inégalités extrêmes.
Que se passe-t-il depuis environ 20 ans aux USA ? Ce pays qui est de loin la 1ère économie du monde est en train de prendre un chemin qui ne peut que conduire à un désastre : celui du surendettement.
Traditionnellement, et depuis les 150 dernières années, le taux d'endettement total des USA était entre 100 et 160% du PIB. C'est une référence historique qui a déjà été largement dépassée en une seule occasion : pendant les années qui ont précédé la grande dépression des années 30. En 1929 on a ainsi atteint un niveau d'endettement de 280% du PIB...les choses sont rentrées dans l'ordre. Dans la douleur et au prix d'une crise économique terrible dont tout le monde se souvient !