Pour vivre heureux faut-il s'abstraire du monde?

       La question est : que faire avec ou sans le monde qui nous entoure, le conjoint, les enfants, les collègues, les amis, les « relations » ?

Prenons le cas du sport, qui, comme tous les jeux de bonne qualité, est emblématique des activités humaines. Il y a les sports individuels,  et les sports collectifs, où l’on dépend aussi des autres. Les sensations qu’on retire d’un sport individuel, liées à une gratification personnelle et à l’indépendance, sont plus intenses peut-être, mais moins complètes que celles d’un sport collectif, car s’y ajoute  dans ce dernier cas le plaisir de participer à une œuvre commune.

Ce qui est vrai pour le sport est vrai aussi pour toutes les entreprises humaines. Dans les activités individuelles citons la création artistique ou littéraire, la réflexion, notamment scientifique, la spéculation boursière, l’exercice personnel du pouvoir, la méditation… ;  auxquelles on peut ajouter les addictions (alcool, tabac, drogue, jeu), les soins en cas de maladie…. Pour les activités collectives, citons la politique et la religion, la production industrielle, les expériences scientifiques (depuis le vingtième siècle, elles ne se font plus en solitaire), la guerre, et bien sûr la vie de famille.

 

Il est temps d’approfondir notre définition du « monde » .  Ceux qui nous ont précédés ont établi des normes, des conventions, des manières de vivre,  éprouvées par le temps. Ces manières de se comporter sont pour certaines évidentes : montrer du courage, de l’ardeur au travail, de l’empathie (savoir s’intéresser aux autre), de la générosité, de la politesse etc… Mais d’autres viennent seulement d’habitudes de classes sociales : on ne met pas ses coudes sur le table, et on n’y rote pas,   on dit bonjour, s’il vous plaît  et merci ; certaines de ces habitudes peuvent masquer des envies de domination : par exemple, il est bien vu de rire aux plaisanteries du chef, ou bien, dans les religions ou les partis politiques, de réciter le catéchisme à tout propos.  Ces contraintes ne sont pas les mêmes suivant le pays et la classe sociale.

 

Question : le « monde »  est-il  mauvais ?

 Dans certains cas, oui. Il peut par exemple exiger de vous le sacrifice de votre vie, pour des raisons qui ne semblent pas très claires, sauf à certaines personnes. En échange, le « monde «  vous fournit une perspective de gloire, voire d’éternité, ou  de richesse (le fameux butin). En réalité, le « monde » n’est pas aussi fort qu’on peut le penser, et il ne peut pas toujours éviter les guerres : la guerre semble inscrite dans le génome humain.

Il peut aussi éditer des lois racistes, ou xénophobes, ou  homophobes, à votre encontre. Mais dans une démocratie qui fonctionne bien, ces lois ne sont pas courantes. Cependant, un problème arrive avec le progrès : ce progrès est par nature difficile à intégrer par la majeure partie de l’humanité. C’était le cas du progrès chrétien, affirmant que « il n’y a plus d’esclave et d’Homme libre, il n’y a plus que des fils de Dieu », ce qui était contraire à la doxa de l’époque (beaucoup avaient un ou plusieurs esclaves).  C’est le cas actuellement avec le progrès scientifique, incompréhensible à la majorité, car trop compliqué. Et puis il y a des faux progrès : la chevalerie médiévale, pour laquelle certaines personnes étaient supérieures aux autres de par leur « sang », le régime communiste « dans le sens de l’Histoire », le régime nazi pour lequel les « Aryens » étaient supérieurs, etc….

Donc le « monde » peut être très mauvais. Mais ce n’est pas toujours le cas.

Il y a alors deux niveaux différents d’attitude différents, pour ceux qui veulent se libérer complètement des conventions « mondaines » : se retirer du monde, ou, moins définitif, s’abstraire de ses conventions, prendre du recul par rapport à elles.

 

 Dans bien des cas, se retirer du Monde (dans le sens de société) est une nécessité pour progresser dans les occupations qu’on s’est fixé, la philo, les sciences, ou plus prosaïquement les collections d’objets, ou les addictions, ou encore simplement le fait de savourer sa présence sur Terre. Il n’y a alors aucun mépris des contemporains.

Quelques exemples Historiques d’Hommes se retirant du « monde » .

Diogène, adepte du dépouillement, répondant à Alexandre le Grand qui lui demandait ce qu’il pouvait faire pour lui : « Ote toi de mon soleil » .

 Jean l’Evangéliste, pour qui le monde est essentiellement mauvais, à fuir.

Les ermites de tous temps, les moines de beaucoup de religions.

Le Mathématicien Grigori Perelman, qui a refusé les prix les plus convoités pour « ne pas être montré comme une bête dans un zoo »..

Glenn Gould, abandonnant sa carrière de pianiste virtuose à quarante ans.

 

S’abstraire du « monde » est plus une attitude de recul par rapport à lui, il s’agit d’accepter notre dépendance du « monde » pour les bienfaits qu’elle fournit, tout en ne se faisant pas une obligation de ses  conventions arbitraires.  C’est ce que nous faisons tous… quand nous le pouvons !

   Car les relations avec les autres peuvent mal tourner. Dans « Huis clos », Sartre fait dire à un protagoniste : l’enfer c’est les autres. Il voulait dire par là que « si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l'autre ne peut être que l'enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu'il y a de plus important en nous-mêmes, pour notre propre connaissance de nous-mêmes. » (www.philo5.com/Les%20philosophes%20Textes/Sartre_L'EnferC'EstLesAutres.htm) »

Cette dernière phrase est importante : l’autre peut vous aider à vous révéler à vous-même, on ne peut mieux dire ce que le « monde » peut vous apporter, quand tout v

                                                             Benoît Delcourt. 12 Janvier 2019.

 

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