L'instinct et l'intelligence : une réponse à l'adaptation ?

Avant de répondre à cette question, précisons ce que l'on entend par instinct et intelligence et quel rôle jouent-ils dans l'adaptation ? Ceux-ci déterminent une partie importante de nos comportements, dont ceux de l'adaptation. Il existe, parmi les comportements possibles, ceux que les instincts engendrent directement et ceux que l'intelligence prépare par la réflexion. Ces comportements se manifestent sous forme d'actions susceptibles de pallier ou de remédier aux effets des  accidents, circonstances, conditions, particularités... de la vie.

À noter que l'intelligence est le contraire de l'instinct. Si l'instinct est, comme l'intelligence, la faculté de pouvoir s'adapter, c'est une faculté programmée génétiquement alors que l'intelligence produit des actes volontaires et conscients.

Les définitions du mot instinct ne peuvent être que vagues car il n'est tenu compte, pour leur étude, comme pour celles du comportement, que de leurs manifestations externes. Malgré tout en voici deux approches du grand Robert :

- tendance innée et puissante, commune à tous les êtres vivants ou à tous les individus d'une même espèce (instinct de conservation, sexuel, maternel ; instinct de vie et de mort, instinct d'agression...)

- tendance innée de savoir-faire d'actes déterminés (selon les espèces animales, y compris l'espèce humaine), exécutés parfaitement sans expérience préalable et subordonnés à des conditions de milieu (instinct d'imitation, de mellification des abeilles, de nidification des oiseaux, etc. Instinct migratoire, instinct de recherche du sein et de succion des nouveaux nés...).

Les instincts proviennent de nos gènes et existent en puissance dans l'inconscient. Ils prennent corps par la mise en jeu de conditions internes et externes, par leurs interactions, par un comportement toujours bien défini. Ces instincts ne sont pas des modes de connaissance mais bien des modes d'action. Ce sont les instincts de préservation de la vie, pris au sens large, qui nous intéressent ici.

- ces instincts de conservation de la vie, certains intéressent tous les êtres vivants, d'autres sont spécifiques à chacune des espèces. À ne pas confondre avec les actes réflexes et avec les situations contrôlées (conditionnements, apprentissages). Ils se manifestent par une réaction immédiate et irrépressible, adaptée aux dangers et aux périls de la vie (manquer de se noyer par ex.). Ce sont des tendances innées et puissantes, involontaires et irréfléchies, qui interviennent instantanément quand les circonstances mettent en danger l'être humain, son organisme ou son psychisme. Ce sont :

- l'instinct sexuel qui est l'instinct très puissant de conservation de l'espèce,

- l'instinct d'agressivité, fondamental pour l'humain, qui permet à l'organisme de prélever sur ce qui l'entoure les besoins essentiels à sa vie...,

- l'instinct maternel, un des plus puissants et des plus beaux, apparaissant chez toutes les femelles, y compris les femmes (à ne pas confondre avec l'amour maternel), après la conception, il commande à celles-ci, devant les dangers de la vie, de prendre soin d'elles et de protéger leur future progéniture, y compris après la naissance.

- l'instinct très particulier de recherche du plaisir (au sens large du terme), puisque la nature a fait que celui-ci est très présent dans notre vie. Il agit sur nous quasiment en permanence et pratiquement toujours sans qu'on le sache (L'homme est né pour le plaisir : Pascal). Mais avant d'accomplir cette mission il a pour rôle de soulager l'être humain de tout déplaisir, de tout déséquilibre, de toute insécurité s'il le peut.

Le mot intelligence désigne un ensemble de fonctions qui concernent la connaissance et l'action sous toutes ses formes, toujours plus ou moins éclairées par la réflexion préalable. Ces fonctions sont remarquables par la diversité de leurs aspects et l'inégalité de leur développement chez l'individu. L'intelligence possède trois fonctions principales :

- la faculté de comprendre la matière en tant qu'objet de connaissance conceptuelle et rationnelle (idées, compréhension, conception, abstraction, etc);

- la faculté de concevoir et fabriquer des objets inorganiques et artificiels qui prolongent et améliorent nos capacités corporelles (ex. : prolongement de l’œil par des lunettes mais aussi par des microscopes et des télescopes pour dépasser les capacités visuelles de l'œil humain) ;

- la faculté de découvrir des solutions aux problèmes et aux difficultés que pose la vie matérielle et sociétale. Son rôle se réalise à l'aide des deux dernières facultés citées ci-dessus grâce à l'intelligence discursive. 

Distinguons encore l'intelligence du cœur, l'intelligence d'harmonie (vivre en bonne intelligence) et l'intelligence de finesse (avoir l'intelligence de la situation) qui facilitent la compréhension  de ce qui touche à l'irrationnel.

Examinons enfin le dernier terme du titre.

L'adaptation. Voici pour commencer deux allégations de Comte-Sponville pour étayer le texte qui suit : « s’adapter c'est changer ce qui peut l'être, pour affronter ce qui ne le peut. C'est pourquoi la vie est adaptation : parce que le réel lui impose sa loi ». Et il cite Descartes pour appuyer ce propos : « Changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde ».

L'observation des comportements est à la base des différentes théories qui explicitent les mécanismes et les modalités de l'adaptation. À cet objet d'étude pluridisciplinaire sont principalement associées les idées d'évolution, d'accommodation et d'intégration.

- l'adaptation, au sens commun, fait appel à l'intelligence conceptuelle pour parer à des accidents, des circonstances fâcheuses de la vie sociétale. Ce mot signifie, en fait, les accepter comme tels en les affrontant par une réflexion préalable aux actes, ce qui permet d'y faire face, de les résoudre et de les digérer. Ce fonctionnement permet de nous intégrer à une nouvelle vie ainsi créée, en nous harmonisant avec elle, en nous familiarisant avec les changements des conditions de vie, soit extérieures (après une inondation ou un tremblement de terre), soit psychologiques (après avoir subi une opération mutilante et traumatisante par exemple).

- au sens fort, l'adaptation au milieu extérieur fait appel aux instincts pour pallier les accidents des conditions naturelles de vie (les changements climatiques, la canicule de 2003 par ex.) susceptibles d'agir négativement sur les organismes vivants (instinct de conservation et de survie dans les cas extrêmes),

- au sens psychologique, l'adaptation se fait par des réactions pré-programmées dues aux instincts de protection de la vie psychique, qui enfouissent le problème dans l'inconscient et le remplacent en le compensant tant qu'il n'y a pas prise de conscience du problème. Deux exemples feront mieux comprendre : les deux compensations inconscientes les plus importantes de la timidité sont l'orgueil et l'autoritarisme tant qu'il n'est pas pris conscience du problème ; l’enfant qui a mal négocié la phase anale de son développement psychologique a de grandes "chances" de devenir avare ou quelque chose qui s'y apparente.

En conclusion : l'instinct et l'intelligence ne sont pas conçus par la nature pour les mêmes fonctions. L'instinct constitue la faculté de sentir la vie et est donc plutôt un mode d'action direct pour l'adaptation à celle-ci. Alors que l'intelligence est conçue pour que l'homme s'adapte par la réflexion à ce qu'il a lui-même créé : à l'utilisation des outils et du matériel mis à sa disposition, aux conditions de vie à la campagne, à la ville, à la  société. Pour ce qui regarde la loi d'adaptation, retenons que l'instinct est une puissance d'adaptation orientée mais involontaire et irréfléchie, l'intelligence une puissance d'adaptation consciente, volontaire et réfléchie.  

Claude PERTUISOT

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