Le salaire à vie : une utopie ?

1.      Préambule

 A partir des travaux de Bernard Friot (repris par Réseau Salariat[1]) sur le salaire à vie d'une part et la sécurité sociale d'autre part, nous allons débattre pour examiner cette utopie.

 2.      Exemple de salariés

 Essayons dans un premier temps de voir les caractéristiques d'une infirmière dans un hôpital (type CHU[2]). Elle est sous statut de la fonction publique et perçoit un salaire à vie.

 2.1.     La fonction publique

 Le statut[3] généralisé de la fonction publique d’État[i] s'appuie sur 2 éléments : 

 ·         le grade (et le corps) qui est attribué au fonctionnaire par concours. Ce grade est attaché à la personne.

         Des exemples de grades :

 ◦       catégorie A : professeur, cadre administratif, directeur d’hôpital

 ◦       catégorie B : rédacteur, adjoint cadre hospitalier, assistant de bibliothèque

 ◦       catégorie C : adjoint technique, brigadier

 ·         la fonction définit le poste de travail. Un même grade peut donc exercer plusieurs fonctions. Par exemple un attaché territorial pourra se voir confier le poste de responsable du service foncier ou des affaires scolaires. Il verra donc ses missions successives changer, mais son grade demeurer. Les changements de poste peuvent se succéder au gré des besoins de la collectivité.

 

2.2.     Salaires

 Le salaire de l'infirmière (et plus généralement du fonctionnaire) est versé en fonction du grade et à vie.

 Il provient de la cotisation sociale mise en place lors de la création de la sécurité sociale.

 Une caractéristique importante de ce mécanisme de financement est qu'il ne passe pas par l'épargne ou marchés financiers.

                                        Cotisations sociales   –---------->    salaires (soignants,…)

 

                                                              –----->    ÉPARGNE --------->

 Aujourd'hui ce type de financement représente près de 35 % du PIB[4] de la France, une part non négligeable hors du circuit des marchés financiers. Et 12 millions de personnes (5 millions de fonctionnaires et 7 millions de retraités) bénéficient de  ce principe et ont déjà un salaire à vie.

 3.        Généralisation salaire à vie pour tous

 Sur la base de ce qui existe déjà (35 % du PIB) :

 Comment poursuivre :

 ·         sur l'exemple du grade de la FP, attribuer une qualification à tous, qualification qui va servir à moduler les salaires. Voir ci-après.

 ·         sur la base de ce qui existe dans la FP et par généralisation de la cotisation sociale, attribuer un salaire à vie à tous en fonction de la qualification.

 

 Cela revient à définir le droit politique d'un salaire à vie pour tous (à partir de 18 ans par exemple).

 On peut imaginer 4 niveaux de qualification[ii] correspondant à des salaires allant de 1500€ à 6000€[5], par exemple. 

 Et la question qui vient de suite :

 4.       Où allons-nous trouver l'argent ?

 Aujourd'hui le total salaires (nets) + cotisations sociales : 1200 milliards €.

  Un salaire moyen de 25000€/an[6] x 50 millions de personnes = 1250 milliards €.

 4.1.     Mécanisme

 Un mécanisme similaire à celui de la cotisation sociale est mis en place : les entreprises versent un pourcentage de la valeur ajoutée à une caisse des salaires (CS) qui verse un salaire à tous, comme la sécurité sociale verse un salaire au personnel soignant aujourd'hui.

 4.2.   Étapes

 Plusieurs étapes peuvent être envisagées pour arriver au salaire à vie.

 Par exemple :

·         Une augmentation de la cotisation sociale[7] (de 16%, comme en 1946) permettrait de verser un salaire aux 18-25 ans. 1500*12*5millions = 90 milliards

       On peut s'inspirer de ce qui est en place pour les intermittents du spectacle qui perçoivent un salaire direct et un salaire indirect [iii] et généraliser.

          etc

5.      Financement des investissements

 Un mécanisme similaire à celui de la caisse des salaires peut être envisagé pour les investissements dans les entreprises.

 Il faut se rappeler que les CHU dans les années 70 ont été construits sans faire appel aux marchés financiers. Une augmentation de la cotisation sociale a permis de trouver les finances nécessaires.

6.      Structure PIB[8]

6.1.   Définition du PIB

 Exemple baguette.

 Le prix de vente correspond aux consommations intermédiaires (farine, électricité du four, etc) + valeur ajoutée.

 La valeur ajoutée correspond au salaire du boulanger, à la cotisation sociale et au profit du boulanger propriétaire, dont une partie pourra servir à renouveler le four.

 La somme de toute les valeurs ajoutées au niveau France donne le PIB. Il est actuellement de 2000 milliards d'euros.

 

              

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|  Profits : 700 Mrds

|

 

|  Trav. ind:100

 

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| Cotisations : 700[iv]

 

|  Salaires : 500.

 

 

 

 

Toute la richesse est produite par le travail (2000 Mrds €). Elle se répartit en :

 

- Les cotisations + salaires = 1200 Mrds €

- profits : 700 Mrds € (dont environ 400 vont à l'investissement).

- travailleurs indépendants : 100 Mrds €

 

 

 

 Note : Le personnel soignant (hôpitaux par exemple) travaille et produit de la valeur économique (hors du circuit marchand)[9]. Le salaire qui lui est versé correspond à cette création de valeur.

 Après généralisation du salaire à vie, la structure du PIB deviendrait :

 

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| Investissement : 700 Mrds

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|  Salaires : 1250 Mrds

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|

 

 

 

 

 

 

 

7.      Conclusion

 Cette utopie que nous venons d'examiner rapidement est sous nos yeux et fonctionne déjà. Elle représente 1/3 du PIB de la France. Est-ce encore une utopie ?


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8.      Références

8.1.   Liens

http://www.reseau-salariat.info : information sur le salaire à vie, les vidéos de Bernard Friot, etc

 8.2.   Livres

L'enjeu des retraites : Bernard Friot

Puissance du salariat : Bernard Friot

Émanciper le travail : Bernard Friot

L'enjeu de la cotisation sociale : Christine Jakse


[1] L'association Réseau Salariat (www.reseau-salariat.info) diffuse ses thèses et ses travaux.

[2] Centre Hospitalier Universitaire

[3] Mis en place en 1946

[4] Produit Intérieur Brut

[5] En 2010, Angus Deaton (Nobel économie 2015) et Daniel Kahneman (Nobel d’économie 2002), ont montré que l’argent faisait le bonheur, mais pas au-delà de 75 000 dollars par an, soit 6 200 dollars par mois .

[6] C'est le salaire moyen en 2014 (2100€ *12). Rappel le salaire médian est de 1700€

[7] En fait il faut simplement se remettre sur la trajectoire d'augmentation de la cotisation depuis 45, et qui a été stoppée en 1990.

[8] Produit Intérieur brut

[9] En effet c'est l'ensemble des salaires des fonctionnaires qui est pris en compte dans le calcul du PIB. C'est bien qu'ils correspondent à une valeur économique produite.

 



[i]
  Qui comprend la fonction publique d'état (FPE) 50 % des effectifs, la FP territoriale : 30 % des effectifs, et la FP hospitalière 20 % des effectifs.

 

[ii] L'écart inter-décile entre les plus hauts salaires et les plus bas salaires dans la fonction publique est de 4. Il est aussi 4 dans le privé dans le cadre des conventions collectives bien négociées. D'où la proposition d'avoir quatre niveaux de qualification.

 

[iii] Le régimes des intermittents du spectacle montre le chemin.

   Ils perçoivent un salaire direct versé par l'employeur et un salaire indirect versé par l'ensemble des employeurs. Ce salaire indirect peut représenté entre 40 et 60 % du revenu de l’intermittent.  

 

[iv]   700 Mrds : 150 M pour les fonctionnaires, 250 M pour les retraites, 200 M personnels soignants, 70 M chômeurs, 30 M famille. La contribution de l'administration au PIB est bien mesurée par la somme des salaires.