Comment prendre une bonne décision?
Comment prendre une bonne décision ?
par Jean-Jacques Vollmer,
Tout au long de notre vie, nous sommes amenés à prendre des décisions. Mais, quand nous parlons de « décision », de quoi parle t-on exactement ? Il est bien connu que décider, c'est choisir, et que choisir, c'est éliminer. Il est donc avéré que, quelle que soit la situation, il n'y a pas qu'un seul choix possible, et que notre volonté, par conséquent, peut s'exprimer librement, de manière aussi bien aléatoire que raisonnée. Décider consisterait donc à choisir, entre différentes possibilités, celle qui transformera une intention en acte. Avec cette définition, tout événement qui advient à la suite de notre intervention procède de notre volonté, que celle-ci soit consciente ou inconsciente, et nous en sommes responsables.
Certaines décisions régissent notre quotidien et nous y pensons à peine, elles font partie des habitudes, des automatismes que nous avons mis en place une fois pour toutes pour ne plus y revenir. Dans cette catégorie nous pouvons classer une foule d'actions banales telles que le choix des ingrédients du petit déjeuner, le trajet pour aller à son travail ou promener son chien, le choix des vêtements qu'on va mettre, ou même le fait de s'arrêter sans y penser quand les feux sont au rouge. Il n'y a pas là d'enjeu majeur, et par conséquent pas de jugement de valeur pour dire que ce qu'on fait à ce niveau est « bon » ou discutable. Nous laisserons donc de côté, pour le thème du jour, cette partie de la question qui présente peu d'intérêt, pour nous focaliser sur la prise de décision consciente dont l'intentionnalité seule permet de discuter la valeur.
Prendre une bonne décision, c'est essayer de faire un choix optimal en vue d'atteindre un objectif qu'on s'est donné. Cet objectif peut être très général, si bien que de nombreuses voies existent pour s'en rapprocher, plus ou moins bien, plus ou moins facilement, et on ne sera jamais sûr d'avoir pris la « bonne » décision avant d'en avoir vécu les conséquences. De nombreuses variables interfèrent dans ce système complexe de relations entre l'objectif, notre intelligence, nos connaissances, notre caractère, les autres personnes forcément impliquées, l'environnement social, etc. Comme dans un système physique chaotique, il suffit que l'une d'elles ne soit pas conforme à ce qu'on en attend pour que l'objectif ne soit pas atteint.
Décider quand on est seul en cause est la plupart du temps simple, car on sera seul à en supporter les conséquences si on a fait un mauvais choix. Il n'en va pas de même quand notre responsabilité est engagée vis à vis d'autres personnes ou d'une organisation. Par exemple, décider d'avoir un enfant ; accepter ou non une mutation professionnelle en tenant compte des répercussions sur la famille ; choisir une destination de vacances quand il y a des avis divergents dans son entourage ; acheter une voiture ou une maison ; etc
La qualité d'une décision dépend beaucoup du temps dont on dispose pour la prendre. Dans les cas cités ci-dessus, on peut réfléchir en profondeur sur la possibilité d'avoir un enfant, mais comment bien décider de ce qu'on va faire si un enfant s'annonce sans qu'on l'ait voulu ? Que faire si on vous propose un poste à l'étranger en demandant une réponse pour le lendemain ou si on vous laisse quelques semaines pour réfléchir ? On voit bien sur ces quelques cas (il y en a bien sûr d'autres tout aussi typiques), qu'en plus de la complexité des relations entre les variables identifiées et du temps dont on dispose, l'intervention du hasard occupe une place majeure dans le processus de décision.
Si vous explorez Internet sur cette question de la prise de décision, vous trouvez des centaines de méthodes, de conseils, de recettes, de trucs pour vous expliquer comment faire pour bien décider de vos choix, de vos actions. La plupart du temps elles sont ciblées sur un créneau précis et adaptées à celui-ci, et font appel à des degrés divers à un nombre limité de préconisations. En voici quelques unes :
s'informer largement pour décider en toute connaissance de cause, faire un comparatif avantages / inconvénients de chacun de nos choix (mais il paraît que ça ne marche pas toujours, ou que cela peut même être contre productif, ou encore qu'on va s'encombrer l'esprit de choses inutiles),
faire confiance à ses émotions et à son intuition (mais tout le monde n'en a pas au même degré, et puis, c'est quoi exactement l'intuition ?). Les « coups de coeur » irréfléchis, impulsifs, peuvent aussi bien aboutir à de bonnes décisions qu'à de grosses catastrophes ; il faut dans ces circonstances pouvoir prendre du recul et essayer d'objectiver ce qui nous anime,
avant de décider, passer un moment à évacuer de son esprit tout ce qui a trait à la question, faire le vide, penser à autre chose, notre inconscient travaille de manière sous-jacente, notamment quand nous dormons,
écouter les avis des autres, en particulier de ceux qui sont impliqués par les conséquences de nos décisions, et de ceux qu'on sait être de bon conseil. Savoir aboutir à des compromis satisfaisants, aussi bien vis à vis de nous-mêmes qu'envers notre entourage, car décider ce n'est pas simplement vouloir imposer son point de vue aux autres. Mais ne pas se laisser non plus influencer par les beaux parleurs...
réfléchir à l'aspect irréversible ou non de la décision à prendre, et de ses impacts à long terme,
connaître sa capacité à réagir de manière appropriée en cas d'événement inattendu et savoir se faire confiance dans certains types de circonstances,
avoir toujours à l'esprit que décider, même de manière incomplète ou insuffisante est généralement préférable à ne rien décider du tout. La recherche de la perfection éloigne souvent de la décision optimale,
être conscient en permanence que les décisions que l'on prend peuvent conduire à un échec. Cela ne doit pas être un élément bloquant qui nous empêche de faire des choix, mais il faut assumer les conséquences de ses choix sans se lamenter et en tenir compte pour l'avenir.
Cette liste est loin d'être exhaustive, et s'applique différemment selon le type de décision à prendre et le contexte qui l'entoure.
Sur le plan personnel, il faut avoir conscience que nos décisions révèlent peu ou prou notre manière d'être, notre personnalité, les valeurs qui sont les nôtres.
Certains aspects difficiles n'ont pas été abordés, mais on pourra en discuter car ils existent réellement, on peut en voir tous les jours des illustrations autour de nous : lutte pour la prise de pouvoir dans un couple, décisions autoritaires (ou au contraire absence d'autorité) vis à vis de ses enfants, besoin d'être « reconnu » dans un cercle d'amis ou de relations, penser que décider en permanence pour tout le monde c'est savoir bien décider, que c'est une preuve de « caractère ». A l'inverse, les vrais décideurs sont souvent ceux qu'on ne voit pas, qui savent convaincre plutôt qu'imposer, bref, qui savent y faire... Par exemple les enfants, vrais décideurs pour le choix de leurs cadeaux de Noël ou pour leurs choix vestimentaires, ou encore les femmes vis à vis de leur conjoint, dans l'univers pré-féministe1...
Jean-Jacques Vollmer
26/12/2021
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1 Voir par exemple la pièce « Lysistrata » d'Aristophane, où les femmes d'Athènes, pour atteindre leur objectif de faire cesser la guerre, se refusent à leurs maris, décideurs en titre, mais pas en fait...