Que restera t-il de moi quand je ne serai plus là ?

A très long terme, il ne restera rien de personne, quoi qu’on ait pu faire dans sa vie. Mais dans l’immédiat, les dix, les cent années qui suivront ma mort ? Des biens, des valeurs, des faits marquants ? Ma bibliothèque, mes photos, mes écrits, les objets auxquels je tenais ? Des souvenirs évanescents dans l'esprit de personnes qui m'ont connu ? Que deviendra mon corps? Qui cela intéressera-t-il ? Est-ce vraiment important ?

Supposons que demain je meure. Que restera t-il de moi, sur tous les plans imaginables ?

Sur le plan physique, mon corps disparaîtra, peu à peu si on m'enterre, immédiatement si je me fais incinérer. La Bible le dit très sobrement : « Tu es poussière, et tu retourneras en poussière », quoi qu'on ait pu faire dans sa vie. Eventuellement, des archéologues futurs trouveront des ossements, mais aucun lien ne pourra alors être fait avec celui qui était moi des millénaires auparavant.
Dans les jours qui suivront mon décès, on fera l'inventaire de mes biens matériels, que se partageront mes proches. Si j'ai fait un testament, je pourrai léguer spécifiquement certains objets précieux (précieux pour moi) à mes enfants, à mon épouse, à des amis, à des associations, à l'Etat, mais qu'en feront-ils ? Que deviendra ma bibliothèque ? Mes écrits ? Mes photos et mes films ? Ma maison ? Ce qui était précieux pour moi a peu de chances de l'être pour d'autres personnes, et toutes ces reliques finiront tôt ou tard dans une décharge ; certains objets, précieux en valeur monétaire subsisteront peut-être mais perdront toute référence spirituelle reliée à celui qui fut moi.


Qui est d'ailleurs ce « moi » qui figure dans le titre de ce texte ? Nous avons déjà évoqué peu ou prou cette question au cours d'autres débats, et je n'y reviendrai pas ici. Le point important est celui-ci : que peut-on connaître d'une personne ? Peut-on même avancer qu'on se connaît soi-même ? Dans l'esprit, dans la mémoire de ceux qui m'ont bien connu ou à peine croisé, demeureront des bribes de souvenirs, parcellaires, évanescents, incomplets, pas forcément représentatifs de qui je fus. Ce qui subsistera à ce niveau dépendra plus de la personne qui se souviendra de moi que de la personne que je fus : certains ne conserveront que de bons souvenirs, d'autres pointeront surtout mes manques, mes faiblesses, au sein des courts épisodes qui nous ont fait nous côtoyer. Cependant, le souvenir de ma personne pourra encore dormir des siècles au sein de documents administratifs archivés (état civil, actes notariés, filiations généalogiques, etc) mais si personne ne s'y intéresse, ce qui est fort probable, cela équivaut à ne pas exister.
 

Au-delà de cet aspect individuel et daté de ce qui fut ma vie, que peut-il rester de moi en tant que membre de la communauté humaine ? Il faut ici bannir l'aspect événementiel du déroulement de mon existence. Le fait d'avoir vécu dans un groupe a sûrement contribué à l'évolution de ce groupe, que ce soit au niveau darwinien de l'espèce, par exemple par la transmission de mon génôme, qu'au niveau du changement de mode de vie, de la sociologie des relations entre individus. Perdue dans la masse, ma petite existence aura participé à l'évolution globale de l'humanité, sans qu'on puisse la distinguer des autres : l'individu aura été sans importance mais utile à la collectivité.

Sur le plan spirituel, métaphysique, on se rapproche aussi d'idées maintes fois évoquées également dans notre café-débat : quand mon corps physique aura disparu, restera t-il « quelque chose » de moi ? Sommes-nous dotés d'une âme ? Y a t-il une autre vie après la mort ? Faut-il croire en la réincarnation ? Que deviendra ma conscience individuelle ? Dieu existe t-il ? Là aussi je n'entamerai pas à nouveau ce débat, bien qu'il procède assurément de la problématique du sujet de ce jour.
 

Cet inventaire -très partiel- brièvement évoqué, il reste à nous poser la question de l'importance de cette affaire. En quoi est-il important, nécessaire pour certains, de laisser une trace dans l'histoire ? En quoi est-il important qu'un lointain descendant sache que Monsieur Untel a vécu et a fait telle ou telle chose ? Plus ce sera lointain, et plus ce qu'on aura retenu sera ténu et sans importance, quelle que soit la grandeur de l'individu dans son époque. Par exemple, que connaît-on aujourd'hui de la personne de Gengis Khan, en dehors des invasions barbares qu'il a conduites ? De Hugues Capet ?  De Kheops ? De Périclès ? Comment se comportaient-ils dans leur vie quotidienne ? À quoi cela nous sert-il ? Et surtout, à quoi cela leur sert-il, à eux, alors qu'ils n'existent plus ?
 

Ce qui compte dans une vie, ce n'est pas ce que nos descendants retiendront de nous, c'est d'avoir mené une existence en accord avec nos valeurs. Ce qui se passera quand nous ne serons plus là, n'a aucun intérêt pour nous puisque nous n'existerons plus : ce qui importe, c'est de bien vivre son propre présent.
                                                                                  Jean-Jacques Vollmer, débat du 17 Septembre 2022



Quelques réunions autour de ce sujet ayant eu lieu au Café-Débat (il y en a d'autres !) :

http://quentin-philo.eklablog.com/pourquoi-suis-je-moi-a47606279
http://quentin-philo.eklablog.com/science-et-croyance-p401841
http://quentin-philo.eklablog.com/qu-est-ce-que-la-mort-a93373539
http://quentin-philo.eklablog.com/de-l-intime-a-l-universel-a211853143
http://quentin-philo.eklablog.com/la-vie-a-t-elle-un-sens-a47606345
http://quentin-philo.eklablog.com/c-r-du-22-janvier-2022-dieu-est-il-une-enigme-une-personne-ou-il-n-exi-a211846126
http://quentin-philo.eklablog.com/sommes-nous-predestines-a47606179

 

Pour revenir au blog et voir les commentaires


vérité ?