Sous prétexte d'innovation, d'emploi ou de compétitivité, la cause de la création d'entreprises occupe depuis longtemps une place de choix dans notre société et nos politiques. Au moins en parle-t-on régulièrement. Un argent conséquent y est d'ailleurs consacré. Mais est-il bien dépensé ? Nous voudrions proposer de nouvelles démarches et de nouveaux dispositifs.
L'écosystème de la création d'entreprises est dense de dispositifs en tous genres, portés par l'Etat, les collectivités locales, les chambres consulaires, de nombreux acteurs privés et associatifs.
De l'émergence au financement ou au suivi opérationnel, en passant par la maturation du projet ou l'aide pour les formalités administratives, ce sont dans chaque région, des centaines de guichets et d'interlocuteurs qui se proposent d'aider les créateurs d'entreprises.
Il suffit pourtant de passer une paire d'heures dans l'un des nombreux salons dédiés à la création d'entreprises pour se rendre compte que sous cette grande variété se cache en fait une grande uniformité, un conformisme : statut juridique + étude de marché & prévisionnel (business plan) + financement. Voilà à quoi se résume la préparation à la création de la majorité des créateurs d'entreprises aujourd'hui : des prescriptions stéréotypées qu'ils s'échinent à satisfaire oubliant de cultiver leur capacité d'action.
Dans la pratique, l'immense majorité des créateurs, se retrouvent très vite seuls et totalement démunis quant au travail à accomplir pour faire décoller leur affaire. C'est, leurs formalités d'inscription accomplies, qu'ils vont, face à leurs clients, vérifier les hypothèses qui sous-tendent leur création, sans même les avoir énoncées comme des hypothèses et, à la va comme je te pousse, améliorer leurs cycles de fabrication de leurs biens ou services et découvrir le reste de leur nouveau métier.
Les entrepreneurs des professions qui se pratiquent de façons traditionnelles — restauration ou second œuvre du bâtiment par exemple — s'en sortent mieux car ils peuvent se contenter de largement répéter les pratiques professionnelles qu'ils ont apprises au fil de l'eau. Mais pour tous les autres…
Tant mieux pour ceux qui réussissent. Cependant pouvons-nous nous permettre de gâcher autant d'efforts, d'argent, de temps, d'idées ? Dans les circonstances difficiles qui sont les nôtres, notre réponse est négative.
Et ce d'autant plus que depuis une quinzaine d'années, depuis l'effondrement de la bulle Internet à la charnière des années 2000, des efforts de recherche et d'expérimentation ont abouti à l'énonciation de nombreuses innovations qui renouvellent profondément la création d'une entreprise ou plutôt qui pourraient la renouveler.
Sur la base d'espaces de « coworking » 1, de méthodologies inspirées du "développement par la clientèle", du "canevas du modèle économique", du lean startup, de l'effectuation 2, voire grâce à des ateliers de prototypage ouverts, pour ceux qui ambitionnent de produire quelque chose, se dessinent de nouvelles voies pour créer des entreprises et de la richesse (à moins qu'elles ne soient anciennes et de bon sens…).
Fondées sur l'expérimentation et le prototypage, sur des pratiques de compagnonnage et d'entraide pour échanger expériences, savoir-faire et bons tuyaux, et sur des cycles courts pour éviter de se perdre en route, des solutions existent.
Et maintenant imaginons qu'un réseau de tels tiers lieux se mette en place, avec la culture de l'action lui correspondant… Quelle vitalité serait injectée dans l'économie française ? De quels retours sur investissements dans ces politiques pourrions-nous nous prévaloir ?
François BUNNER
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1 Un espace de coworking, ou de cotravail, est un lieu avec une ou plusieurs salles équipées de bureaux, connexion à l'internet, imprimante, vidéo-projecteur, etc. (et d'une cafet') offrant toutes les facilités pour travailler et faire des réunions, ce lieu est partagé et permet aussi à ses usagers d'échanger voire de s'engager dans des travaux communs.
2 Le "développement par la clientèle" (2005), le "canevas du modèle économique" (2010), le lean startup (2011) et l'effectuation (2010) sont des méthodologies de développement d'entreprises respectivement développées par Steve Blank, Alexander Osterwalder, Eric Ries, Stuart Read et leurs équipes