Les « Valeurs occidentales » : quelles sont-elles ? et mode d’emploi.

          Wikipedia : les « Valeurs » sont des principes auxquels doivent se conformer les manières d'être et d'agir, ces principes étant ceux qu'une personne ou qu'une collectivité reconnaissent comme  idéales… Elles constituent une morale qui donne aux individus les moyens de juger leurs actes etc….

 Les « valeurs » qui nous intéressent  ici ne sont pas celles d’individus, mais celles communément admises par la société occidentale toute entière. Elles ne se créent pas du jour au lendemain, mais sont plutôt comme les roches sédimentaires : chaque siècle en remet une couche, pas forcément identique à la précédente. Elles s’organisent parfois autour de croyances, qui, elles-mêmes, ne sont pas nécessairement des valeurs, étant plutôt des chemins menant à elles.

 Dans ce texte,  j’ai mis en caractères gras ce que je pensais être ces valeurs. Chacune d’elles mériterait à elle seule un débat, dans lequel j’ai évité de rentrer.

 Examinons ces valeurs des civilisations occidentales successives (je laisse à d’autres que moi le soin d’envisager les croyances asiatiques), dont nous sommes, volens nolens, tributaires.

             Commençons par les Egyptiens. Nous avons une bonne connaissance des croyances Egyptiennes : le pharaon est quasiment divin, et les Dieux s’organisent en deux trinités père, mère, fils, une au Nord, l’autre au Sud (nous laissons de côté le précurseur de monothéisme, Akhénaton , adorateur très contesté du Dieu unique, le Soleil). Cependant, il nous est resté peu de choses des vies quotidiennes dans cet Empire, donc des valeurs de cette société. Tout au plus peut-on supposer que la religion, l’esthétique (l’élégance semble avoir été inventée par les sculpteurs de haut-  et bas-reliefs!) et la vie de famille tenaient une grande place chez eux.

 Les Grecs  révéraient des Dieux qui étaient des surhommes : ils étaient immortels  mais avaient des relations de type humain entre eux. Ils personnifiaient  souvent (mais pas toujours) des valeurs: puissance (Zeus, Poséidon), beauté (Apollon, Aphrodite), force (Heraklès), courage (Athéna), fidélité (Héra) etc….Encore que ces « idoles » n’avaient pas de morale explicite liée à eux ; mais dans les légendes, ces Dieux, qui se mêlaient souvent aux humains, racontaient les bonheurs et malheurs archétypiques de la vie Humaine,   affichés comme inexorables, d’où le fatalisme (fatum), dans un monde  cyclique, immuable.

 Bien sûr, les Grecs ont produit à côté de cela  des savants comme Euclide, Pythagore, Thalès, Eratosthène, Archimède, etc… , des philosophes comme Socrate, Platon, Aristote, et un organisateur comme Périclès, mais les valeurs avancées par ces personnes , oh combien importantes, ont surtout créé des valeurs pour  nos civilisations ultérieures.

 Quelles étaient les valeurs de Romains ? Leurs croyances étaient héritées de celles des Grecs, ils s’étaient contentés de changer les noms ; mais la ferveur semblait avoir décliné : il y avait bien des temples Romains, mais rien d’équivalent à ceux de Delphes, ou d’Epidaure.  Mon avis est que la conquête tenait le premier rang : il était hautement moral d’agrandir le territoire national, et par voie de conséquence le territoire personnel. La festivité la plus importante était le « Triomphe », au cours duquel le généralissime revenant de guerre montrait tous les trésors et tous les prisonniers et esclaves qu’il ramenait (50.000 pour Trajan de retour de Dacie). L’année « liturgique » commençait en Mars, avec l’ouverture des portes de la guerre, pour se finir en Novembre avec leur fermeture. Toute forme de théâtre était interdit, (jusqu’à  Pompée), comme ramollissant. Le courage, l’esprit d’équipe et d’organisation, l’insensibilité au malheur des autres, (jeux du cirque) étaient alors au plus haut. Bien sûr, ces valeurs n’étaient pas partagées par tout le monde, mais les valeurs de liberté, personnifiées  notamment  par Marius et Cicéron, étaient  finalement minoritaires. Rajoutons la valeur de justice, avec l’avènement du droit Romain (on oublie souvent que Rome, avant l’Empire, avait des règles démocratiques très strictes, énoncées notamment par Cicéron).

          Arrivent les Chrétiens, issus du Judaïsme. Le christianisme s’est répandu non pas par l’affirmation de nouvelles valeurs, mais par un événement : la résurrection miraculeuse du Christ, qui avait séduit beaucoup de Juifs d’alors en s’attaquant aux pharisiens qui géraient le temple. Après cet évènement, rien ne pouvait être pareil qu’avant. Le monde chrétien n’est plus cyclique mais Historique.

Pour le christianisme  les valeurs ne sont pas ce qui est au départ le plus important, mais elles viennent liées au message oral du Christ : il n’y a qu’un Dieu, le créateur du monde, seul détenteur d’une vérité inaccessible à la raison humaine,  avec lequel il est possible d’entrer en relation par la prière, d’où la valeur de piété (pas partagée actuellement par la majorité des Français !) ; Dieu  exige de l’humain  la charité, mélange de respect de l’autre et d’empathie, et l’humilité : le chrétien se reconnaît incapable de traduire parfaitement dans le concret ces valeurs, il est par essence pécheur.

 On voit bien que ces valeurs s’opposaient à celles des Romains. Et  pourtant ces dernières ont survécu jusqu’à nos jours. Au Moyen Age, les jeunes nobles étaient éduqués bien plus au combat guerrier et à l’élégance mondaine qu’aux valeurs Evangéliques. Ces dernières cependant n’étaient pas mortes, mais restaient l’apanage de certains monastères, pas tous.  Il y a eu les croisades, et plus près de nous, les guerres coloniales : les « valeurs » Romaines ont persisté !

 Arrive maintenant la Renaissance, suivie  des « Lumières » deux siècles après, avec d’une part la redécouverte des valeurs des Grecs, et d’autre art  l’avènement de la Science et de la Raison. Cette valeur était sous-jacente chez les Grecs, mais oubliée, peut-être parce que la religion chrétienne était faite pour le plus grand nombre, qui n’a pas envie de se torturer les méninges. Elle prend place à côté des autres valeurs, sans chercher à les combattre.  Elle joue un rôle d’arbitre, disant uniquement ce qu’elle peut démontrer (par exemple que la Terre n’est pas le centre de l’Univers). La raison et la mondialisation progressive ont contraint les religions à la tolérance, car chacune d’elles doit bien reconnaître qu’elle ne sait pas la Vérité ultime ; en France,  la tolérance est remplacée par la laïcité, communément admise, bien que chacun ne mette pas la même chose sous ce mot.

De la Science est née la technique, et sa valeur l’efficacité, qui a provoqué la révolution industrielle, et donné du travail à tout le monde (enfin presque), ce qui permet l’accomplissement de soi , au moins partiellement , de même que la créativité, dans un monde de moins en moins cyclique.

 Comment les « valeurs occidentales » ont elles évolué depuis un siècle ?

Tout d’abord, il y a eu des essais sans lendemain. Le nazisme et le fascisme, qui reprenaient d’ailleurs l’idéologie de Sparte, pour lesquels on  pouvait adopter  comme valeur suprême la haine du « métèque », et même la cruauté. Ou encore le communisme, dans sa version Stalinienne ou Maoïste, pour lequel l’ « homme nouveau » perdait sa personnalité, son individualité, au profit d’une communauté supposée parfaite, mais en fait aux mains du premier tyran venu.  Ces idéologies n’ont fait que conforter les valeurs opposées.

Depuis 1945, il a pu sembler évident  que le monde pourrait jouir d’une croissance éternelle, pourvoyeuse infinie  d’emplois : la justice sociale, ou plutôt l’équité sociale, serait alors automatique.  Actuellement,  pour tempérer cet enthousiasme,  montent en puissance  l’impérieuse  nécessité du  respect de l’environnement et son corollaire, la sobriété, notre planète étant fragile d’une part, et d’autre part limitée.

Enfin l’égalité homme-femme, dont on ne peut pas dire qu’elle soit maintenant encore bien maîtrisée, semble de plus en plus admise.

 Dernière question : est-il important de lister les valeurs occidentales ? Ne serait-ce pas pour tenter d’exclure de nos sociétés les personnes dont les racines ne sont pas occidentales, ceux dont les racines sont musulmanes par exemple, ou bouddhistes, etc… Telle n’est pas mon intention.  Les valeurs de notre société sont ce qu’elles sont, mais, on l’a vu, elles peuvent changer lentement au cours du temps, dans un permanent dialogue entre ce qui se vit et ce qui se croit. Les valeurs ne sont pas figées, celles des siècles futurs sont à inventer par les Humains. Comme dit le Pape, « n’ayons pas peur », vivons nos vies sincèrement, défendons  ce à quoi nous croyons, sans recourir à la violence: nous ne sommes pas les propriétaires de ces valeurs,  nous en sommes que les dépositaires pour le temps de notre vie, et les témoins actifs. Et ayons une attention bienveillante, mais pas naïve, à la nouveauté, venue parfois d’apports extérieurs.

                                                              Benoît Delcourt.      le 8 Octobre 2016.

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