Les sciences, quels enjeux pour notre avenir ?

Le monde pour les anciens était soumis aux caprices de dieux indifférents au destin humain. Sacrifices et offrandes étaient le prix pour leur clémence. Certains troublés par des conjonctions astrales y virent des signes prémonitoires pour leurs destins. Astronomie et astrologie ont un long passé commun. La numérologie, qui traite des vertus accordées aux nombres, remonte à la Kabbale. D’autres enfin, comme Aristote s’engagèrent dans une vaste entreprise : observer, répertorier et classer êtres et choses pour essayer d’y mettre un peu d’ordre et d’intelligibilité. La science était en partie née, mais pour l’être réellement, elle attendra encore Galilée qui la consacrera par le début de l’expérimentation et « l'écriture mathématique du livre de l'Univers » Il jettera les bases de la mécanique avec la cinématique et la dynamique. Le monothéisme chrétien ne fut pas indifférent à son essor. Un monde créé se devait d’obéir à des lois simples et universelles. Les découvrir rapprochait du dessein divin. Kepler recherchait dans la trajectoire des planètes une harmonie divine. Mais l’ambition du 20e siècle d’embrasser toute la physique et de la clore par une théorie unitaire du tout est demeurée vaine.

Mésestimée, une véritable révolution agricole, technique, économique, et philosophique s’engagea à partir du 11ème siècle en occident chrétien, prémisses de notre monde actuel. Bien que tout n’allât pas sans heurts ni résistances (l’on fit bien brûler quelques esprits trop indépendants et visionnaires comme Giordano Bruno en 1600), les sciences prirent leur essor pour bientôt supplanter de plus anciennes croyances.

La question de savoir comment l’occident a pris cette avance sur les autres cultures fait l’objet d’âpres débats. Un des facteurs incontestables fut l’extension de l’Imprimerie qui permit une rapide diffusion de savoirs devenus cumulatifs. A l’inverse, en orient, les sultans Bayazid II en 1485 et Selim Ier en 1515 l’interdirent aux musulmans. Aussi, des travaux en mathématiques, très en avance sur ceux de l’occident, sont restés ignorés. Mais surtout l’occident sut gagner son autonomie par rapport aux religions : « le Ciel aux religieux, la Terre aux scientifiques ». L’histoire de la pensée occidentale est celle de son conflit avec les dogmes chrétiens et de son autonomisation progressive à leur égard. En Extrême-Orient, nombre d’innovations ne purent se diffuser, comme les horloges par exemple, monopole d’un Empereur maître du temps. Par ailleurs, une conception holistique du monde ne facilita pas l’essor des sciences. C’est à partir du 18e 19e siècles que le monde occidental, fort de son avance technologique s’imposa à d’autres sociétés. Ces sociétés, aujourd’hui redevenues maîtresses de leur destin, comblent rapidement leur retard. A nous désormais de veiller à demeurer dans le peloton de tête.

Des techniques empiriques

Artisans et ingénieurs ont su au cours des siècles utiliser avec intelligence les forces de la nature immédiatement perceptibles au sens commun, comme la force du vent pour pousser des embarcations, la force hydraulique pour animer les moulins, moudre et fouler, la chaleur du feu pour forger l’acier. De manière empirique au cours de l’histoire, de véritables savoir-faire parfois extrêmement complexes se sont développés et accumulés pour transformer la matière : cuire l’argile pour réaliser poteries et céramiques. Une métallurgie extrêmement sophistiquée s’est développée pour fondre des alliages, forger des métaux. Des trouvailles archéologiques récentes nous révèlent parfois des réalisations stupéfiantes de modernité, pour des époques reculées comme la fameuse machine Grecque d’Anticythère du 3e siècle avant J-C avec des engrenages complexes pour calculer la position des astres. En Chine aussi, des découvertes stupéfiantes démontrent que l’inventivité est un talent bien partagé.

Sciences fondamentales, sciences appliquées et techniques de l’ingénieur.

Une hiérarchisation entre sciences fondamentales, sciences appliquées et la R&D de l’ingénieur, est communément admise, les dernières découlant logiquement des précédentes. Mais les contre-exemples ne manquent pas : les principes de la thermodynamique ont été établis par Carnot un demi-siècle après l’invention de la machine à vapeur de Watt. Inversement, il est indéniable que ni les transistors ni les lasers n’auraient pu être inventés sans les découvertes fondamentales en physique quantique. Dans des domaines réputés fondamentaux comme l’astronomie, les techniques de l’ingénieur sont indispensables pour concevoir des télescopes. Techniciens et scientifiques, parfois miraculeusement réunis en un même homme, coopèrent pour mettre au point des instrumentations. Ainsi, Pierre-Gilles de Gennes, a reçu le prix Nobel de physique en 1991 pour ses travaux sur les cristaux liquides et les polymères à l’origine des écrans plats.

En médecine, sciences fondamentales et pratiques empiriques s’entrecroisent. Des expérimentations permettent d’isoler des molécules qui agissent sur des pathologies sans que l’on sache vraiment comment. Exemple type, un diurétique permettrait de réduire des troubles autistiques. Également, des laboratoires envoient des pharmaciens courir le monde à la recherche de remèdes ancestraux. A l’opposé, en biologie moléculaire, c’est le décryptage du génome qui autorise la mise au point de stratégies pour bloquer la réplication de pathogènes. Plus la recherche avance en biologie, plus on s’étonne de l’extraordinaire complexité du vivant. La prise de conscience récente de phénomènes épi-génétiques insoupçonnés bouscule ce qui semblait établi.

Il en est de même dans les autres champs de recherche. En physique certains phénomènes qui ne peuvent s’exprimer qu’au travers d’équations complexes, défient l’entendement et interdisent toute représentation mentale. Phénomènes qui conduisent à des paradoxes comme le fameux chat de Schrödinger simultanément mort et vivant, expérience fictive heureusement.

Sciences fondamentales, sciences appliquées et techniques de l’ingénieur sont indissociablement liées. Ceux qui ont cru astucieux un temps de ne développer que de la recherche appliquée à partir de la recherche fondamentale des autres, se sont vite rendu compte qu’ils décrochaient.

Inventions et brevets

Faire la part entre les brevets issus de travaux théoriques et les brevets de procédés, dispositifs ou mécanismes, est difficile. Pour avoir participé à trier un grand nombre de PCT (brevet en cours d’extension à l’étranger) dans le cadre de FRANCINOV, peu nombreux étaient ceux issus de travaux hautement théoriques. Dans leur grande majorité, ils mettaient en œuvre des principes de la mécanique classique. Mais entre le brevet lui-même et son industrialisation il faut parfois recourir à des technologies de pointe, comme des capteurs et autres composants mécatroniques sophistiqués. Même dans un domaine aussi basique que l’électroménager, les 2400 brevets déposés par Dyson, fabricant britannique d’aspirateurs, lui ont conféré une avance technologique qui lui permet de résister à une concurrence à bas coût.

Des chercheurs, trop souvent hélas, publient des travaux non protégés pour « faire avancer la connaissance universelle » sans avoir conscience de spolier le contribuable qui le finance, de leurs possibles retombées économiques.

Les difficultés de la science française

«La recherche publique française souffre de trop de complexité, de trop de papiers à remplir, de trop peu de temps à consacrer à la recherche elle-même». Une fois n'est pas coutume: en 2012, l'Académie des sciences a jeté un gros pavé dans la mare, en publiant à deux mois des Assises nationales de la recherche, un véritable brûlot. Principale cible des académiciens: la «bureaucratie et l'administration» dont l'inflation «asphyxie» littéralement la recherche publique. Au CNRS, le ratio entre la masse salariale et la dotation annuelle de l'État est passé de 47% en 1960, à 84% en 2010. C’est souvent deux à trois administratifs pour un actif en recherche et enseignement, selon Thomas Gautier de l’ESPI Paris-tech. Autre carence dénoncée, le cloisonnement entre spécialités et disciplines. Le déclin industriel français, notre perte de compétitivité s’explique aussi par l’insuffisance des investissemennts des entreprises privées dans la recherche, souvent faute de marges suffisantes. Mais la carence principale de la recherche française, c’est le désert entre le labo et l’industrie, sa trop faible traduction en R&D puis en innovations. Les liens sont avérés entre la croissance économique et la Recherche & Développement.

Dans un monde ouvert

Plus que jamais, la compétition économique est ouverte, les frontières tombent et les vieux pays occidentaux sont désormais en concurrence avec de nouveaux entrants sur la scène internationale. Le Conseil européen de Lisbonne a fixé en 2010 la fameuse stratégie de « La société de la connaissance » axée sur le savoir, l'expertise, la créativité, l'innovation, pour sauvegarder la compétitivité européenne. Si nous voulons au moins préserver notre niveau de vie avec la protection sociale qui est la nôtre, nous devons résolument conserver notre avance technologique.

Si la recherche française tient globalement son rang, 6ème en terme de publications, elle conserve néanmoins une réputation d’académisme, et ses retombées économiques sont insuffisantes comparées à celle d’autres pays, premiers de la classe comme la Suisse par exemple et Israël. La France se positionne seulement en 15ème place en R&D.

Curiosité et besoins de connaître

« La joie de regarder et de comprendre est le plus beau cadeau de la nature. » disait un certain Albert. Curieux de nature, l’homme cherche souvent à connaître sans calcul préalable. Qui aurait pu deviner les applications pratiques de la physique quantique ? Quelles retombées attendre de la découverte d’Iris, planétoïde à peine plus gros que Pluton dans ceinture de Kuiper, sinon de découvrir à temps, au hasard d’une observation, un astéroïde géocroiseur, prêt à nous anéantir ? A quoi bon diront certains de dépenser des sommes extravagantes à traquer les galaxies avec de coûteux télescopes, sommes qui seraient sans doute mieux employées ailleurs? Mais est-ce si anodin de découvrir que 80% de la matière qui compose l’univers nous échappe, les fameuses matière et énergie noires ? Issu de poussières d’étoiles, le monde du vivant ne cesse de fasciner. Comprendre le vivant, sa genèse, l’origine de la vie. Évidemment, cela aura nécessairement des implications que nous ne pouvons pas même soupçonner.

Pour conclure, rappelons que la science c’est par essence le doute. Aussi gardons-nous de l’illusion qu’elle nous révèle un jour une ultime vérité. 

Quelques chiffres pour finir

La recherche en France,

Sources : le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

 

revenir au blog et voir les commentaires.