Créativité, Idées, Innovation : solutions évidentes pour sortir de la crise

Des deux notions, créativité et innovation, la seconde est une conséquence de la première, elles constituent des clés pour relancer la croissance et donc l’emploi en France. C’est ce que stipule le rapport Louis Gallois remis au Président de la République en novembre 2012 « La reconquête de la compétitivité demandera du temps et des efforts ; elle remettra en cause des situations et des postures établies. Mais dès lors que le diagnostic est partagé, que le déclin actuel est jugé par tous inacceptable, cette reconquête peut être un formidable projet collectif. Jouer l’innovation et la qualité, l’esprit d’entreprise et la prise du risque, rompre les barrières et travailler ensemble, mettre en valeur les compétences et (re)donner le goût du progrès technique, ouvrir de nouveaux espaces de dialogue et stimuler l’intelligence collective. Il y a là tous les ingrédients pour mobiliser les forces vives du pays et, en particulier, la jeunesse. ». Eléments repris dans le rapport Beylat – Tambourin, dévoilé en avril 2013 : « l’innovation est le principal levier de la compétitivité (…). Etre plus innovant est le seul moyen d’améliorer durablement la compétitivité de notre économie».

1/ La créativité peut être considérée comme la capacité à produire du nouveau, à créer ou découvrir de nouveaux objets, de nouvelles idées en décalage, en rupture avec ce qui existe déjà. Ce saut créatif dans l’inconnu n’est possible qu’à une condition : elle consiste à favoriser une attitude propice à l’émergence des idées, chez un individu ou dans une équipe : oser sortir du cadre, accepter de se tromper, si ces notions ne sont pas admises, la créativité s’en ressentira. Une des plus grandes difficultés pour les personnes et les équipes dans leur univers professionnel est de s’autoriser à penser (ou d’y être encouragé) à côté de ce qu’elles savent déjà ou de ce qui fait partie de leurs habitudes de pensée. Un des paradoxes de la créativité va consister à accepter de renoncer temporairement à nos certitudes pour espérer trouver quelque chose de vraiment neuf, il n’y a toutefois véritable créativité que s’il y a mise en application pratique, la réalisation d’une œuvre. C’est seulement alors qu’on peut parler d’acte créatif et non de simple imagination (s’évader dans des pensées imagées). La créativité est dans tous les domaines son but c’est de générer des idées qui aboutiront ou pas sur de l’innovation.

2/ Il faut distinguer l’innovation déterminée par la demande client, de l’innovation déterminée par la technologie. L’invention est le moment de la conception d’un nouveau produit. On parle d’innovation quand l’invention a réussi à s’imposer et à se propager dans le corps social. Se détacher de la seule innovation technologique. En effet, innover correspond à la capacité à proposer quelque chose de nouveau dans un domaine quel qu’il soit et cette définition n’est donc pas limitée aux seules découvertes technologiques. Au-delà de l’économie et de la technologie il y a les innovations sociales, les innovations culturelles, médicales, culinaires, linguistiques, écologiques, politiques.

3/ Selon Gilles Deleuze les idées sont des potentiels. Pour d’autres, avoir une idée, c’est déjà être mis sur un autre chemin que celui qu’on allait suivre (même pour le repas du soir : dire qu’on a une idée, c’est dire implicitement qu’on ne préparera pas la nourriture habituelle). Parce qu’on ne les produit pas mais qu’elles nous viennent, et qu’on ne peut rien faire pour les faire venir quand on n’en a pas, il appartient aux idées d’être imprévisibles, inattendues, et surtout elles ne sont des idées que dans la mesure où elles sont étonnantes, une idée est un commencement. Parce qu’il n’y a d’idée que nouvelle, on est toujours étonné d’avoir pensé avoir une idée, une idée c’est penser ce qu’on n’aurait jamais pensé.

Pourquoi les idées apparaissent elles à telle occasion et chez telle personne ? Peut-on provoquer leur émergence ? Sont-elles vraiment neuves ? Des témoins créatifs ont accepté d’apporter leur témoignage. Tous s’accordent sur une chose : une invention en appelle à la fois à des causes inconscientes et à des conditions concrètes. En annexe on pourra voir leurs témoignages, l’amélioration de l’existant et la sérendipité. La citation d’Arthur Schopenhauer « Aussi la tâche consiste-t-elle moins à voir ce que personne n'a encore vu, qu'à penser, en face de ce que chacun voit, ce que personne n’a encore pensé » schématise bien une partie du phénomène de créativité.

Les individus créatifs ont souvent les caractéristiques : L’ardente curiosité, l’émerveillement devant un mystère sur le point d’être révélé, le ravissement de trouver une solution qui révèle un ordre insoupçonné. Une attitude positive, un état d’esprit qui mène à l’épanouissement, voilà le secret de la création, aussi important que le talent.

4/ Culture créative : Tendance plus récente, l'art au sens large est aussi vu comme un facteur de dynamisme par les entreprises qui investissent dans la culture et les industries culturelles. La culture, nouvel eldorado pour la France, qui est clairement une grande puissance potentielle dans ce domaine. Elle suscite un intérêt grandissant depuis que le secteur culturel est reconnu comme un facteur de croissance réel. Sa valeur ajoutée en termes de création d'emplois, d'attractivité et de cohésion sociale contribue pleinement à la relance économique.

La culture nous sortira de la crise !

La Directrice Générale de l'Unesco, Irina Bokova, en est certaine (cf La Tribune 4/12/2013) :

« Cette nouvelle approche de la culture s'intègre dans une nouvelle économie de la connaissance, où l'innovation et la créativité sont les moteurs de la croissance. La culture occupe progressivement une place centrale dans les politiques nationales du développement. Il suffit de penser que ces jours-ci, le Bureau d'analyse économique des États-Unis, l'institution en charge des statistiques économiques, va changer la façon dont le PNB américain est calculé en introduisant la créativité dans les comptes économiques nationaux. C'est la marque d'un changement. »

La culture est créatrice de valeur. Nous plaiderons davantage pour que le poids des industries culturelles et créatives sur l'économie mondiale soit estimé à sa juste valeur : 2706 milliards de dollars, soit 6,1 % du PIB mondial, 424 milliards de dollars d'exportations, soit 3,4 % du commerce mondial total. Sans oublier son impact sur notre pays. Le secteur créatif représente 546 077 emplois en France, contre 225 000 dans l'automobile et 152 000 dans les télécoms.

La culture contribue 7 fois plus au PIB français que l'industrie automobile avec 57,8 milliards d'euros de valeur ajoutée par an.

5/ Capitalisme cognitif : Carlo. Vercellone écrit : "Par le concept de capitalisme cognitif nous désignons l’émergence d’un nouveau 'système historique d’accumulation', dans lequel la dimension cognitive et intellectuelle du travail devient dominante, et l’enjeu central de la valorisation du capital et des formes de la propriété, porte directement sur la transformation de la connaissance en une marchandise fictive."

La matière première-clé qui assure un avantage compétitif aux personnes, institutions et lieux géographiques qui la détiennent, ne se situe plus dans le matériel (les denrées, matières premières et sources d'énergie, même si les enjeux sont grands sur ces sujets...) mais dans l'immatériel (l'information, le savoir-faire et la connaissance).

Nous sommes entrés dans une troisième phase du capitalisme, postérieure aux phases mercantiles et industrielles, et où l’accumulation est concentrée sur les capitaux immatériels. Au sein de ce nouveau capitalisme, propriété, division du travail, valeur et compétition sont profondément remis en cause.

6/ Revenons au apport de Beylat - Tambourin sur l’innovation, il comporte 19 recommandations dont la 19eme :

Faire de l’innovation un vrai sujet politique, en organisant un vaste débat public

Ce que nous faisons ce jour. Depuis que Platon les a suspendues au ciel, en invitant tous les hommes à les contempler, bien entendu on pourrait se reporter dans le contexte pictural de l'École d'Athènes de Raphaël, le doigt levé de Platon montrant le ciel, lieu des Idées, alors qu'Aristote désigne l'ici-bas, le monde que nous découvre l'expérience sensible.

Mais restons pragmatique, les entreprises ne sont pas des engrenages qu’il suffit de huiler à l’aide de nouveaux savoirs pour qu’elles innovent. Innover ne signifie pas seulement transformer des idées en objets techniques, mais conquérir des marchés et éventuellement des positions dominantes sur les places commerciales et financières, sans oublier qu’innover c’est aussi prendre des risques techniques, financiers, commerciaux. Rappel de J.Schumpeter ‘L’irruption d’une innovation ne va cependant pas de soi’.

Avoir des idées créatives pour l’innovation afin de sortir de la crise pose les questions :

- Y-a-t-il des facteurs sociaux favorisant l’émergence de bouillons de culture ?

- Est-ce la coopération ou la compétition qui favorisent le mieux la créativité ?

- L’innovation condamne-t-elle impitoyablement l’ancien au profit du nouveau ?

- L’obsolescence réussit-elle à embarquer les consommateurs liés au désir de changement de quelques uns, cause de l’innovation destructrice ?

- Les innovations sont-elles révolutionnaires, si oui quid de leur prise en compte ?

- Et si les innovations d’aujourd’hui n’étaient plus porteuses de croissance ?

- L’innovation n’est plus perçue de la même façon par les élites et l’opinion publique, les dirigeants ne cessent de clamer les vertus de l’innovation, mais l’opinion publique veut du progrès humain pour améliorer le bien-être.

Voir le rapport d’Anne Lauvergeon « un principe et sept ambitions pour l’innovation », et le principe d’innovation débattu au Sénat le 27/11/2014 au regard du principe de précaution.

Daniel Soulat, le 5-Décembre-2015

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ANNEXES :

1/ En oubliant un moment les affaires du monde, il s’agit d’interroger ses souvenirs les plus intimes, de sonder les méandres de son intériorité, nous avons de bonnes chances de faire germer des idées solides et originales. Exemple : Walt Disney eut l’idée de Mickey, en quelques heures à peine, sans aucun effort, dans un train. Durant son trajet, alors qu’il se laissait aller à ses souvenirs, il se remémora avoir jadis domestiqué une petite souris brune dans le bureau où il travaillait. Révélation Mickey serait donc une souris !

2/ Prendre du recul et changer de cadre, exemple : « je demandais aux cadres d’une entreprise produisant du champagne, de décrire leur métier sans recourir à leur vocabulaire habituel, bouteille, millésime, bulles, exportation, ventes, etc. Au bout d’un moment, quelqu’un a dit : notre métier, c’est aider à réussir les fêtes. A partir de là, ils ont inventé des produits dérivés et des présentations ludiques ».

3/ « Dans la pub, il faut beaucoup chercher, contrairement à Picasso qui disait : “Je ne cherche pas, je trouve !” Et de temps en temps, l’idée apparaît comme une grâce. L’irruption de l’idée est un processus mystérieux. La trouver implique un travail sur soi, sur ses souvenirs, sa culture, sa sous-culture (chansons, blagues, séries télé…). Il faut aussi se connecter à ses sensations : si je fais une pub pour les cacahouètes, je dois imaginer comment ça croque, comment elles sortent du paquet… Intégrer cette sensualité de l’objet, du produit. Les idées, ce sont de la jubilation, du désir, de l’inspiration ».

4/ Jean-Christophe Rufin: « mon processus créatif est toujours le même. Je suis très “visuel”, donc le point de départ d’un livre est toujours une image. Pour “Rouge Brésil”, c’est celle d’un Ecossais qui jouait de la cornemuse sur une baleine. Chaque roman a aussi sa couleur, sa propre tonalité. Contrairement à d’autres, la solitude tarit mon envie de créer. Je suis créatif, avec tout ce que cela peut comporter de dangereux, d’imprévisible. Je trouve toujours quelque chose de nouveau, j’ai des idées tout le temps. Je cherche toujours comment on peut faire autrement ».

5/ Sophie Fiacre: Médaille d'or du concours Lépine en 2011 pour ses lampes végétales. « Passionnée par les végétaux, j’avais une plante dans mon petit studio. Je l’observais, je n’avais rien d’autre à faire. J’en ai planté une bouture dans une bouteille de soda, pour voir, et tenter d’en faire une colonne végétale. Mais elle avait du mal à pousser. Alors j’ai incorporé une lumière dans la bouteille (association). Et plus je regardais mon montage, plus je le trouvais joli et utile. Convaincue que ça allait fonctionner, j’ai déposé un brevet et créé mon entreprise. Mes premiers pots de Lumipouss’, des “lampes plantes” bien vivantes, ont été commercialisés en 2010 ».

6/ Ancien scénariste, « l'idée m’est venue dans un square où je voyais les feuilles des arbres frémir alors qu'il n'y avait pas un souffle d'air, une énergie qui devait bien venir de quelque part et être traduisible en watts », il commercialisera l'Arbre à vent, une éolienne pour exploiter le moindre courant d’air en 2015.

On pourrait énumérer d’autres circonstances ou éléments favorisant la naissance des idées et la créativité : avoir de l’abstraction, ne pas avoir d’idées préconçues, ne pas avoir peur de l’échec et/ou des critiques, des conflits liés aux remises en cause, à la nouveauté. Avoir des nouvelles manières d’envisager les problèmes. Inventer de nouveaux cadres, être dans la rupture et non dans la réalité est un point de départ pour créer.

7/ Améliorer l’existant (ce que font les chinois), ce n’est pas la même chose d’imaginer un sac d’aspirateur plus performant pour améliorer l’existant que de se dire qu’on puisse se passer d’un sac pour imaginer un aspirateur. A partir de là, James Dyson est un bon exemple de ce mécanisme d’invention créative. Alors oui, c’est à l’arrivée une innovation, mais il a fallu une étincelle de créativité, pour accepter l’idée d’un aspirateur sans sac. Une idée qui ne serait pas un peu folle au départ a peu de chances d’être vraiment intéressante.

Autre exemple : avant lui, quiconque éclairait brûlait, du bois, une chandelle …, le génie d’Edison, c’est d’avoir pensé qu’on pouvait produire de la lumière sans rien brûler, plus précisément en empêchant quelque chose de brûler, et il a mis au point l’ampoule à filament.

8/ Si la curiosité et l’ouverture d’esprit sont des ingrédients de base de toute bonne trouvaille pour répondre à une nécessité, le hasard aussi a sa place. Le constat de faits intrigants qui rompent avec les idées habituelles, puis la capacité à trouver une hypothèse originale qui explique ces faits atypiques, traduit le fait de réaliser une découverte inattendue grâce au hasard et à l’intelligence. La sérendipité, combien de savants ont pu cristalliser le résultat de leur recherche, d’un raisonnement connexe, d’une expérience inattendue ? Faire un pas de coté pour se recentrer, telle est la logique de la sérendipité. Exemples : la découverte du principe du micro ondes, la pénicilline, voir les autres .

Bibliographie :

- Philosophie magazine « d’où viennent les idées » n° 60 de Juin 2012

- Sciences humaines « innovation créativité, comment invente-t-on ? » n° 38 mars avril mai 2015

- Sciences humaines « imaginer, créer, innover » n° 221 décembre 2010

- Comment je vois le monde A. Einstein collection Flammarion 1979

- Les coulisses d’une invention, description expérientielle du processus d’invention technique Anne Remillieux

- Gilles Deleuze 17 Mai 1987 « qu’est-ce que l’acte de création ? »

- Site http://www.philosophie-en-ligne.com/page295.htm « qu’est-ce qu’une idée ? »

- Site http://www.cles.com/enquetes/article/creatifs-comment-leur-viennent-leurs-idees

- Site http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20131015trib000790731/la-culture-comme-levier-de-sortie-de-crise.html

- Site http://www.ccmbenchmark.com/institut/blog/formation-creativite/

- Site http://appli6.hec.fr/amo/Public/Files/Docs/105_fr.pdf le capital cognitif la nouvelle transformation