La vie a-t-elle un sens?

La vie a t-elle un sens?

 

Préambule : ce sujet a déjà fait l'objet d'un débat en septembre 2008: Cliquer ici, le texte commence à mi-page  . Le texte qui suit complète le précédent en l'abordant sous un aspect légèrement différent. D'autre part, j'insiste sur le fait que la question est bien celle du titre, et non « Quel est le sens de la vie ? » intitulé réducteur qui suppose implicitement que la vie a un sens, et qu'on s'interroge simplement sur la nature de ce sens.

 

Le sens : la direction 

 

Le langage est plein de pièges, et le mot « sens » veut d'abord dire « direction ». Dans cette acception, il est clair que notre vie, comme tout ce qui nous entoure, et sans doute aussi l'univers dans son ensemble, se meut du passé vers le futur. Que peut-on dire à partir de cette constatation, au premier abord triviale ?

 

L'évolution est en marche, notre environnement se transforme continuellement. Tous les êtres vivants naissent, vivent et meurent, mais la vie demeure. Les hommes naissent, vivent et meurent, mais l'espèce humaine demeure tout en évoluant. Pourtant, à une échelle temporelle différente, des espèces naissent et disparaissent, et l'homme, qui fait partie de la nature, n'est pas à l'abri d'un changement radical, voire d'une extinction, comme cela est déjà arrivé à d'autres espèces au cours des temps géologiques. La vie elle-même pourrait disparaître de la Terre, et nous ne savons pas si elle existe ailleurs. Il y a donc lieu de considérer la vie sous trois aspects : la vie en général, la vie de notre espèce, la vie d'un individu de notre espèce.

 

Au niveau individuel, sur une échelle de temps réduite, nous ne vivons pas comme les hommes préhistoriques ni même comme nos parents, et chaque individu évolue entre sa naissance et sa mort, physiquement et mentalement. Ce mouvement peut représenter un progrès, mais aussi une régression ; ce qui est sûr c'est que tout bouge et se transforme, y compris notre manière de penser, nos valeurs, nos croyances, nos certitudes, notre connaissance du monde et des autres.

 

Le sens : la signification 

 

Sous cet aspect, le « sens » implique la présence d'une finalité, d'un but à l'existence de la vie sous les trois aspects : la vie en général, l'espèce humaine, l'individu. Limitons nous ici à ce qui nous touche de près, c'est à dire la finalité de notre existence individuelle.

 

Avant de naître, nous n'étions pas, du moins nous n'en avons aucun souvenir. Quand nous serons morts, nous ne serons plus, du moins sur le plan physique, le seul accessible à notre connaissance. Notre brève existence apparaît donc comme un épisode de conscience, une parenthèse entre deux néants, et nous pouvons légitimement nous demander quelle est la signification de tout cela. A cette question, il y a deux voies de réponse, peut-être trois.

 

Dieu donne du sens à la vie humaine 

 

La première postule que l'univers, et donc l'homme, ont été créés par Dieu, ou un dieu, une entité qui transcende notre intelligence. Cette croyance ne peut être démontrée rationnellement, mais nous pouvons cependant dire que nous savons que nous croyons. De cette transcendance, par définition, rien ne peut être connu, car tout ce qui vient de nous est entaché d'anthropomorphisme : les notions de but, finalité, sens, valeur, transcendance, ...sont des mots du langage humain, qui ne peuvent qualifier ce qui nous dépasse, et qui n'ont même pas de signification identique selon l'époque et la culture où on se place. Par conséquent, dire que Dieu est la réponse à la question du sens de la vie reflète simplement l'espoir qu'après la mort il subsistera de nous quelque chose, que nous ne connaissons pas, que nous ne pouvons pas connaître, mais que nous disons devoir rester. Une autre approche combat cette interprétation, disant que Dieu se révèle, ne se démontre pas, et qu'il ne faut donc pas chercher à justifier une croyance, ni la rabaisser en l'expliquant par la peur, mère de l'espoir. Quoi qu'il en soit, cette première réponse à la question posée indique clairement que le sens de notre vie n'est pas ici et maintenant, mais dans un au-delà que nous ne connaissons pas, que Dieu nous révélera car il faut lui faire confiance. En attendant, les porte paroles de Dieu ont mis en place des religions, qui instituent notamment des valeurs pour se comporter socialement avec l'approbation divine. Le sens de la vie pour un croyant, c'est donc la préparation de la vie future par le respect des règles de comportement que Dieu nous a fixées[1].

 

L'athéisme : tout dépend de nous seuls 

 

La deuxième voie de réponse est matérialiste, rationaliste et utilitariste. Il n'y a pas de Dieu pour expliquer et justifier notre existence, il n'y a que l'univers qui nous entoure, que nous pouvons observer, mais que nous devons accepter tel quel car il ne nous dit rien de plus. « La fin est dans le commencement » dit un personnage de Beckett[2] : il n'y a rien eu avant notre naissance et il n'y aura rien après notre mort, seule notre existence compte. Le sens de notre vie ne fait appel à rien d'extérieur, c'est donc à nous de le définir. L'absence de transcendance ne signifie donc pas que rien n'a de valeur et que tout se vaut, ce qui est une attitude nihiliste ; au contraire, nous avons ainsi la liberté de fixer nous-mêmes notre destin et nos règles de vie dans un univers qui peut apparaître comme absurde. Il s'agit d'éliminer tous les aspects métaphysiques pour répondre à des questions plus tangibles, telles que : est-ce que je sers à quelque chose ? Quelles sont les valeurs que je fais miennes pour vivre en harmonie avec le monde, moi-même et les autres ? Comment être heureux ? Comment réagir face aux malheurs inévitables ? Il ne s'agit nullement de se voiler la face ou de vivre en hédoniste en évacuant les questions qui dérangent, mais de les mettre à leur juste place en n'accordant d'importance qu'aux choses qui dépendent de nous, à l'image des préceptes stoïciens.

 

La transcendance sans dieu 

 

La troisième réponse emprunte aux deux précédentes : le monde a été créé, il y a une transcendance (comme les croyants), mais puisqu'on ne peut rien en dire, il faut se comporter comme s'il n'y en avait pas (comme les matérialistes).

 

Quelques questions à approfondir 

 

Lorsque nous sommes heureux, que nous vivons en harmonie avec nous-mêmes, le monde et les autres, nous trouvons que la vie « a du sens », même si nous ne savons pas le définir précisément, même si nous ne savons pas dire pourquoi. Lorsqu'un événement terrible nous frappe, par exemple la mort d'un enfant, nous avons au contraire tendance à dire que la vie n'a plus de sens et parfois nous souhaitons la quitter. La question qui se pose alors est la suivante : en quoi cet enfant confère t-il du sens à notre vie ? Ne s'agirait-il pas, comme l'amour, d'un piège de la nature (dont nous faisons partie) à notre égard, afin de favoriser simplement la survie de l'espèce ? Pourquoi le sens que nous donnons à notre vie est-il aussi variable, dans le temps, l'espace et en fonction des circonstances ?

 

Il faut différencier le « sens de la vie » de la « valeur de la vie ». Notre vie peut n'avoir aucun sens, être absurde, elle a cependant de la valeur. Le sens fait appel à quelque chose d'extérieur, la valeur est celle que les hommes lui donnent. Distinguons donc le pessimisme (la vie n'a aucun sens) du nihilisme (la vie n'a aucune valeur).

 

La question du sens de la vie ne se pose à un être vivant que si celui-ci en est conscient. Se demander si la vie d'un chien a un sens est une question que se posent les hommes, pas les chiens...(enfin, je crois...). Et que devient cette question si on arrive à démontrer que l'homme n'est qu'une machine ? Ou si l'homme arrive à construire un robot doté de conscience ?

 

Dans la conception matérialiste de la vie, les dieux ont été évacués. Il faut prendre garde à ce qu'ils ne soient pas remplacés à notre insu par des croyances, des « idoles » équivalentes : le progrès, la démocratie, la société sans classes, le libéralisme, ...qui peuvent aussi conférer un certain sens à notre manière de vivre, et fixent également un but à notre existence, mais un but non transcendant.

 

En conclusion 

 

Vivre, c'est désirer, poursuivre des buts, rêver, espérer, croire, l'important est de savoir qu'il ne peut en être autrement. C'est aussi être lucide en n'étant pas totalement dupe de ses rêves, de ses croyances, de ses espérances. Privilégier le bonheur d'exister à la recherche de la vérité

Jean-Jacques Vollmer

                                                                                                                             Le 5 Novembre

 

Pour lire le compte_rendu de séance, cliquer ici

 

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[1]     L'Ecclésiaste : « Tout est vanité et poursuite de vent » « Crains Dieu et observe ses commandements, car Dieu amènera en jugement toutes les actions de l'homme, tout ce qui est caché, que ce soit bien ou mal. »

 

[2]           Samuel Beckett dans « Fin de partie » : 

             H: « Mais qu'est ce qui se passe ? Qu'est ce qui se passe ?

             C: « Quelque chose suit son cours »