Tout d'abord il ne faut pas confondre les actes intentionnels avec nos actes habituels, instinctifs ou réflexes... Ces actes intentionnels sont principalement provoqués par les désirs. Parmi ceux-ci les actes volontaires sont les seuls à être accompagnés de la conscience de leur but et de la justification de leurs moyens.
Les désirs sont des phénomènes psychiques aux frontières de l'activité et de l'affectivité. Ils expriment l'activité des tendances en pénétrant dans la conscience. Ils sont passagers, éphémères et instables. Parmi tous les désirs existent des désirs profonds qui expriment les aspirations fondamentales de la nature humaine qui, pour sortir de leur potentialité, nécessitent l'acte volontaire.
La volonté est un acte psychologique qui fournit l'énergie psychique indispensable à la réflexion et à l'exécution de l'action. Elle se caractérise par la stabilité, la continuité, la solidité, la profondeur de son action. Elle implique l'effort, la persévérance, la ténacité et le courage. La volonté commande l'impératif : on doit, il faut réaliser ce que l'on a pris la résolution d'accomplir. Le "je veux" est plus sérieux et plus énergique que le "je désire", il engage la personnalité toute entière dans une décision qui pèse dans la vie. A noter que l'énergie psychique dépend pour beaucoup de l'intégrité du corps et surtout du cerveau.
L'acte volontaire se définit comme un acte de conscience libre, réfléchi, dynamique et personnelle. C'est l'acte volontaire qui intervient principalement dans cette uvre difficile et profonde qu'est la construction consciente de la personnalité en développant les tendances qui portent l'être humain à s'accomplir dans l'excellence et la dignité. Cet acte accroît la maîtrise de soi, réalise l'unité harmonieuse de la personnalité, recherche la liberté du moi en l'affranchissant des contraintes des mondes intérieur et extérieur. Tout ce qui suit ne concerne plus que l'acte volontaire car il engendre une puissante synthèse mentale qui va être examinée dans ce qui suit.
L'acte volontaire est précédé par le désir puis par l'intention de le réaliser. Cet acte se développe alors en quatre phases qui interfèrent constamment entre elles, Ces quatre phases sont :
- la conception d'un but ou d'un projet.
- la délibération, qui examine les mobiles et les motifs, choisit d'agir ou non, opte d'opérer de telle façon ou de telle autre grâce à la liberté.
- la prise de décision.
- l'exécution de la décision.
En réalité la décision précède souvent la délibération: « quand je délibère, nous dit SARTRE, les jeux sont faits; il ne s'agit plus que de refuser ou d'accepter l'exécution ».
Les facteurs agissant à des titres divers dans cet acte volontaire engendrent la synthèse mentale où interviennent l'intelligence, les tendances qui créent les désirs, l'affectivité qui produit les mobiles, la liberté de choix et l'énergie psychique.
L'intelligence y joue un rôle important : elle pose la question initiale débouchant sur la conception du but, elle anime la délibération et prend la décision. Pour Descartes l'intelligence se contente de concevoir le rapport entre les idées mais c'est à la volonté qu'appartient le pouvoir d'affirmation ou de négation. Descartes dit "par l'entendement seul je n'assure ni ne nie aucune chose mais je conçois les idées des choses que je puis assurer ou nier"
Le désir avive la volonté qui le seconde alors dans sa réalisation. La volonté peut aussi en différer l'exécution et peut même le vaincre pour réaliser l'acte volontaire (nous pouvons être conduit à vouloir ou faire ce qui ne nous plaît pas et inversement à ne pas faire ce qui nous intéresse). A propos du devoir BERGSON a dit qu'il est un élan d'amour plutôt qu'un effort pour obéir contre son gré ou contre ses penchants à la rigueur de l'impératif de l'acte volontaire.
L'affectivité (émotions, sentiments, passions) joue un grand rôle dans la délibération en produisant des mobiles que le moi subit mais qu'il peut contrôler grâce à la maîtrise de soi. L'affectivité et la volonté peuvent être en raison inverse l'une de l'autre, autrement dit on peut avoir d'autant plus de volonté qu'on a moins d'émotivité et d'autant plus d'émotivité qu'on a moins de volonté.
La volonté ne se conçoit guère sans effort mental. I1 faut que le dynamisme de l'acte soit déjà conscient et précédé de l'intention de faire effort, ce qui implique déjà un effort d'attention. C'est ce conflit entre la volonté et ce qui lui résiste qui donne précisément le sentiment de l'effort. Il va sans dire que la culture de l'effort développe la volonté.
La délibération met en lumière le conflit de tendances qui se joue dans le champ de la conscience. Vouloir c'est décider, c'est choisir parmi plusieurs actes possibles celui qui sera accompli contre les autres tendances qui sollicitent le moi. Choisir c'est juger ce qui est bon ou mauvais pour le but à atteindre. Le jugement est essentiellement un acte volontaire et libre. La délibération suppose la mesure du sacrifice qu'il faut consentir pour exclure les possibilités qui auraient pu être suivies. Souvent l'option choisie est imposée par la vie même, par l'urgence de l'action ou par les nécessités inhérentes à la condition humaine. Exister c'est choisir, c'est s'engager, c'est vouloir au prix d'un sacrifice qui forge, enrichit et permet d'exercer la liberté.
Bien que la volonté soit naturelle et innée on peut apprendre à vouloir comme on apprend à être libre. L'éducation de la volonté est conditionnée ou accompagnée par la pratique :
- de la culture physique car il faut de la volonté pour s'astreindre à entretenir son corps,
- de la culture de l'intelligence en s'exerçant à faire attention, à réfléchir, à bien juger, à penser par idées claires,
- de la culture de l'affectivité en apprenant à contrôler les affects et en développant les sentiments qui attachent aux valeurs authentiques,
- de l'esprit de discipline, intelligemment conçu, en apprenant à se vaincre on se rend apte à vouloir, on se rend maître de soi.
La volonté est donc la forme supérieure d'une activité consciente d'elle-même. Elle participe grandement à l'élévation de l'esprit humain au dessus de sa condition d'homme ordinaire.
Claude