Quels sont les enjeux du développement des pays pauvres, pour eux, pour nous?

Introduction : le modèle de développement occidental est-il le modèle à suivre pour le développement des pays du sud ? Est-il compatible avec une utilisation durable des ressources naturelles  développement ?

 

1/ Qu’est ce que cela sous entend quand on parle de développement d’un pays ?

 

Le développement est un peu partout considéré comme la voie du salut pour l’humanité. La notion de développement englobe les multiples développements de la prospérité et du bien-être, l’amélioration générale des conditions de vie, la réduction des inégalités, la paix sociale, la démocratie. Dans la conception généralement admise, c’est la locomotive du développement techno-économique qui est censée entraîner les wagons du bien-être, de l’harmonie sociale, de la démocratie. La croissance économique est conçue comme le moteur évident et infaillible du développement.

 

Ce modèle de développement occidental est-il universel et doit-il, peut-il s’appliquer à l’ensemble des pays de la planète ?

La relation mécanique entre croissance et développement se vérifie-t-elle à l’épreuve de la réalité ?

Existe-t-il des voies alternatives de développement ?

 

2) La finitude de la planète : quel impact sur les enjeux du développement des pays pauvres ?

 

Jusqu’au vingtième siècle, la planète terre était perçue pratiquement sans limite. Avec l’explosion de la démographie – multiplication de la population par 4 entre 1900 et 2000 -  et l’affirmation d’un mode de vie et développement de plus en plus prédateur de ressources naturelles, l’humanité est entrée dans une ère nouvelle marquée par la finitude. Une croissance infinie est impossible dans un monde fini car les ressources ne sont pas illimitées. Ainsi, à l’heure où l’activité exponentielle des humains sur la planète ne cesse d’accentuer la pression sur les ressources naturelles, la limite de charge de « l’écosystème Terre » semble plus proche que jamais d’être dépassée, si ce n’est déjà le cas.

 

Par ailleurs, on peut supposer que le développement des pays pauvres (à priori selon le modèle occidental) va entraîner un renforcement de la consommation (voire de l’hyper consommation) de biens, services, loisirs et voyages au niveau mondial et donc s’accompagner d’une augmentation de la pression sur les ressources naturelles.

 

Comment la prise en compte du caractère limité des ressources naturelles disponibles implique un changement dans nos modes de vie ? En quoi le développement des pays du sud va poser la question d’une répartition plus  juste des ressources entre les citoyens de la planète ?

 

 

I/ QUELS SONT LES ENJEUX EN TERMES D’AMELIORATION DES CONDITION DE VIE DES CITOYENS DE LA PLANETE ?

 

Les principaux enjeux pour des pays du sud en termes d’amélioration des conditions de vie ont été synthétisés dans la déclaration du millénaire sous l’appellation Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Ce sont huit objectifs adoptés en 2000, par 189 États, que les États membres de l'ONU ont convenu d'atteindre d'ici à 2015 : 1. Réduire l'extrême pauvreté et la faim ; 2. Assurer l'éducation primaire pour tous ; 3. Promouvoir l'égalité et l'autonomisation des femmes ; 4. Réduire la mortalité infantile : 5. Améliorer la santé maternelle ; 6. Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies ; 7. Assurer un environnement humain durable ; 8. Mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

 

Lors d’un bilan à mi parcours en septembre 2010, 5 ans avant l'échéance des OMD, l'ONU par la voix de son secrétaire général Ban Ki-moon a reconnu que le bilan était mitigé et les avancées étaient insuffisantes. Depuis plusieurs années déjà, de nombreuses ONG, des chercheurs ont mis en évidence que si rien ne changeait au niveau de l’aide des pays du sud, les objectifs ne seraient jamais atteints en 2015, ni dans les décennies qui suivraient. Un effort important de la communauté internationale, notamment des pays riches est nécessaire si on veut envisager l’atteinte des OMD en 2015, et respecter l’engagement pris par 189 Etats de l’ONU en 2000.

 

 

II/ QUELS SONT LES ENJEUX EN TERMES DE FINANCEMENT DU DEVELOPPEMENT DES PAYS DU SUD ?

 

Il est estimé que 50% des flux financiers internationaux transitent par les paradis fiscaux et judiciaires (PFJ), parmi eux des capitaux licites ou illicites qui représentent une véritable hémorragie financière pour les économies des pays en développement. Cette fuite des capitaux n’est pas nouvelle : selon les Nations unies, dans les pays africains de 1960 à 1990 elle a représenté près de deux fois le montant de la dette du continent.

 

Au travers des PFJ, chaque année 600 à 800 milliards d’euros  échappent aux pays en développement, dont 65 % d’évasion fiscale, 30 à 35 % issus de la criminalité et 3 % de la corruption. L’amenuisement de l’assiette fiscale se traduit par une chute de recettes publiques car ces 600 à 800 milliards de dollars sont autant d’argent que les États ne peuvent pas taxer. La seule évasion fiscale représente ainsi chaque année entre de 400 à 500 milliards d’euros soit 4 à 5 fois le montant de l’Aide Publique au Développement (APD) que ces pays reçoivent annuellement (le montant global annuel de l’APD en 2009 était de 90 milliards d’euros). IL est estimé que l’évasion fiscale liée aux multinationales est responsable d’une perte de 125 milliards d’euros pour les caisses des pays du Sud.

 

 

III/  QUELS SONT LES ENJEUX POUR QUE LES PAYS DU SUD PUISSENT LUTTER DURABLEMENT CONTRE LA FAIM

 

1) Pourquoi et comment les états doivent se ressaisir de la question de leur souveraineté alimentaire ?

 

Selon l’analyse de la FAO, depuis plus d'une décennie, on a assisté à une augmentation apparemment inexorable du nombre de personnes sous-alimentées. Cependant, les estimations pour 2010 laissent entrevoir une faible lueur d'espoir, en annonçant la première baisse depuis 1995. Il n'empêche que près d'un milliard de personnes (soit 1 personne sur 6) souffrent encore de la faim (dont 70% sont des paysans).

 

La crise alimentaire de 2007/2008 a souligné les limites du modèle de développement prôné par les organisations internationales et appuyé par l’UE et les Etats-Unis et suivi par de nombreux pays du sud ces dernières décennies : à savoir libéralisation des marchés et suppression des aides à la production, et ouverture des frontières et suppression des droits de douane.

Dans ce contexte, certains pays ont cessé d’investir dans le développement agricole et rural, entraînant alors un déclin de leur capacité de production à long terme. Ces réformes politiques ont accru la dépendance des pays les moins avancés (PMA) aux importations alimentaires. Par conséquent, lors de la hausse des prix de 2007/2008, les populations aux maigres revenus se sont retrouvées dans l’incapacité de s’approvisionner en nourriture de base car leur pouvoir d’achat ne parvenait pas à s’aligner sur le prix des importations.

 

La FAO assure que la planète peut nourrir la population mondiale, aujourd’hui et demain. Elle souligne qu’au-delà des défis agronomiques (produire plus, produire mieux) la faim est avant tout une question politique : manque d’investissement dans l’agriculture de plus en plus marqué ; politiques publiques de soutien au développement agricole et rural déficientes, voire supprimées après les ajustements structurels; règles commerciales instaurant une concurrence « libre et non-faussée » entre pays riches et pauvres, entre agri-managers et petits paysans ; etc.

 

Dans le contexte actuel de tendance à la hausse des prix agricoles, les enjeux se portent sur le renforcement de la capacité de résistance des agriculteurs face à de futures crises et l'amélioration de la sécurité alimentaire à long terme des populations.

 

 

2) quel peut être le rôle joué par les organisations de la société civile, notamment les organisations paysannes des pays du sud dans le développement rural et le renforcement de la sécurité alimentaire ?

 

On s’attachera à aborder ces questionnements autour d’un exemple concret : au travers d’un projet de développement actuellement mis en œuvre dans la région du Fouta Djallon en Guinée.

Ce projet porté par le CCFD Terre Solidaire vise à renforcer durablement la sécurité alimentaire dans des zones du Fouta Djallon en Guinée qui sont caractérisées par une insécurité alimentaire chronique. Il est mis en œuvre sur le terrain par une fédération de paysans.

 

a) en quoi le projet pallie l’absence de politique agricole vivrière dans la zone et a permis une augmentation de la production ?

Dans le cadre de ce projet, la Fédération des paysans a fait le choix d’intervenir dans des zones ciblées enclavées, confrontées à une insécurité alimentaire chronique, soumises à de fortes migrations saisonnières en saison sèche. Ces zones bénéficient d’un fort potentiel d’extension des surfaces et d’un bon potentiel de production agricole, mais n’ont quasiment pas reçu d’appui externe (de l’Etat ou d’organisations de développement) depuis plusieurs décennies.

Bénéficiant de l’opportunité d’un financement important dans le cadre de ce projet, la Fédération a pris la décision d’apporter un appui au développement des filières agricoles vivrières dans des zones où les politiques de développement agricoles étaient totalement déficientes depuis de nombreuses années.

 

b) en quoi devrait il permettre aux populations de la zone de ne pas connaître de sous alimentation en 2011, dans un contexte pourtant défavorable ?

De par sa méthodologie d’intervention, la Fédération des paysans a été en mesure de distribuer des intrants (semences locales et engrais à plus de 10.000 paysans), de contribuer à l’emblavement de 2.500 nouveaux ha et à l’augmentation des rendements. L’augmentation de la production qui en a découlé devrait permettre aux paysans et leur famille soit plus de 70.000 personnes de subvenir à leur besoins alimentaires pour cette année et donc de ne pas être touchés par la forte augmentation des prix agricoles qui risque de se confirmer cette année.

 

c) quels sont les enjeux pour une structuration durable des filières vivrières dans ce cadre

Le projet contribue à la structuration des filières vivrières riz, maïs, pomme de terre, en facilitant l’accès aux moyens de production (intrants agricoles, charrues, tracteurs), en apportant une formation technique aux paysans et en renforçant l’organisation des groupements de producteurs à la base. Ces activités sont totalement subventionnées dans le cadre du projet. L’enjeu pour une structuration durable de ces filières agricoles est de s’acheminer vers la mise en place d’une offre de service pérenne aux paysans, donc par la prise en charge progressive de l’intégralité du coût de ses services par les paysans eux-mêmes. Cela doit cependant passer par une période de transition plus ou moins longue de subventionnement de certains services.

 

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