1/ Introduction : La liberté extérieure, des comportements, des corps, des conduites, se déploie dans l’espace de ce que permettent les lois humaines, républicaines. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui.
Mais la liberté intérieure obéit à d’autres lois, celles de notre cerveau, de notre esprit (émotions, sentiments, pensées, pulsions, affects). L’adjectif « libre », pris dans son acception commune, définit ce qui agit sans empêchement, l’intérieur a trait à tout ce qui émane du sujet et de lui seul : ses désirs, ses passions, sa volonté, ses caprices, son attachement, ce qui lui impose souvent des contraintes internes. A noter que c’est la quête de toute existence, de s’affranchir de nos prisons invisibles, et d’obtenir la paix en soi.
Force est de constater que deux types de contraintes peuvent nous asservir : les contraintes extérieures, dont on réalise facilement l'existence, et les contraintes internes, qui orientent notre volonté. Or, ces secondes natures de contraintes sont bien plus délicates à discerner.
Au fond de nous, si nous avons un réel point commun, je dirai vraisemblablement le désir de se sentir bien. C’est-à-dire de ressentir la paix autant dans notre corps, dans notre cœur et dans notre esprit. Mais souvent, nous vivons d’autres sentiments et d’autres sensations, issus d’une somme indéfinie de causes dont on ignore parfois jusqu'à l'existence.
2/ Analyse de la situation : Nos troubles ne viennent pas des choses en tant que telles, mais de nos représentations des choses, de l’idée que nous nous en faisons, de sorte que la liberté réside bel et bien dans nos opinions. Le libre arbitre est cette capacité de choisir et de penser par soi-même après délibération rationnelle. Le libre arbitre autorise le choix, c’est-à-dire l’action, alors que le manque de liberté intérieure, semble interdire toutes décisions susceptibles d’avoir des conséquences dans la réalité, notamment en ayant un détachement du monde extérieur. En devenant isolé, l’individu se retrouve dans la solitude et, face à lui-même, il transporte un malaise intérieur (culpabilité, frustration, colère, inquiétude, peur).
3/ La liberté est elle dépendante de la sécurité ? Sécurité : du latin securitas absence de souci ou de danger, tranquillité d’esprit « état d’esprit confiant et tranquille qui résulte du sentiment, bien ou mal fondé, que l’on est à l’abri de tout danger ». Le danger est de facto une contrainte qui limite notre liberté. On constate que la dépendance de la liberté envers la sécurité, sous-entend que la sécurité garantit la liberté.
« Les hommes sont nés libres et partout ils sont dans les fers », écrit Rousseau en ouverture du Contrat social, faisant apparaître la difficulté qu'il y a à être réellement libre, alors que c'est la condition à laquelle l'homme est le plus attaché. Il y a en effet une tension, entre le fait qu'il tende sans cesse à se délier de ses entraves, pour pouvoir n'obéir qu'à sa volonté, et la multiplicité des obstacles qui l'en empêchent.
La sécurité passe aussi par l’apprentissage de la prise de risques. Simone Weil, après avoir insisté sur le rôle crucial de la sécurité, pour l’épanouissement de chacun, explique qu’il implique nécessairement la capacité à affronter des risques. En effet la prise de risques affermit le courage, stimule l’individu, renforce sa confiance en lui et atténue, ou fait même disparaître, la peur. Paradoxalement, c’est l’absence de risque qui laisse l’individu sans la moindre protection intérieure contre la peur.
4/ Comment expliquer que l'on possède, ou non, un sentiment de sécurité intérieure ?
Dans le premier cas : Une manière d’être présent sans inquiétude dans le monde, dans les relations avec son environnement et avec soi même.
Dans le deuxième cas : Peur de perdre, un manque intérieur, une forme d’incertitude très profonde, un manque d’assises, un manque de confiance.
Il y a sûrement une composante personnelle, un tempérament plus ou moins anxieux, une manière de percevoir ou d’anticiper l’avenir, et surtout, une manière d’être présent sans inquiétude dans le monde et dans les relations.
Mais comment ressentir la paix, si nous sommes en guerre, avec notre façon de penser ?
Pourquoi entretenir notre combat intérieur, si nous souhaitons le contraire. Cela pourrait provenir de notre partie consciente, qui a besoin des colères du passé, pour maintenir son identité profonde. Cette partie visible de notre façon de penser, se définit souvent, dans la non acceptation de notre histoire de vie, elle a besoin du combat, pour exister en nous.
5/ En grande partie le problème vient plutôt de notre ego : L’égo c’est le processus d’identification, notamment à des images qu’on se fait de soi, qui en plus de vouloir contrôler l’invisible, désire aussi contrôler nos souffrances, notre bien-être, nos peurs, nos troubles… L’ego voudrait tout diriger, c’est un facteur de division et de repli sur soi. Lorsqu’on voit clairement la capacité de notre égo, à créer une fausse représentation de nous-mêmes, alors nous commençons à avancer vers le détachement de notre faux moi.
Il vient aussi de notre propre mental, avec son flot presque continu de pensées, qui se soucie du passé et s’inquiète de l’avenir.
C’est en apprenant et en acceptant de lâcher prise, avec notre combat intérieur, que nous pouvons avancer vers la liberté intérieure, sous réserve d’être capable de s’affranchir de tout attachement, et d’utiliser le pouvoir de l’instant présent.
6/ Les obstacles à la liberté intérieure sont notamment: Le repli sur soi issu de l’égocentrisme. Un manque de résolution et de courage, d’émancipation et de maturité. L’anxiété, le découragement, ensemble qui oriente au contraire vers le besoin de protection, qui engendre de la dépendance et maintien sous la tutelle d’autrui. Les conflits d’éthique en font parti également (Le conflit éthique, est le sentiment subjectif ressenti, lorsqu'on attend de nous un comportement, qui entre en contradiction avec nos croyances, sur ce qui est bien et ce qui est mal).
L’individu a du mal à s’affranchir de la peur, il a des difficultés à sortir de sa minorité, ce sont là deux freins à l’affirmation de soi (savoir exprimer son opinion, ses sentiments, ses besoins, et ses limites à respecter), attitude intérieure, qui se développe au contact des autres et se nomme l’assertivité pour sortir de soi. La vie est un combat d’idées, d’influences et l’esprit en est le champ de bataille.
7/Essai de conclusion : Liberté extérieure et liberté intérieure ont en commun d’agir sans empêchement, d’être en sécurité dans leur espace respectif. Les obstacles à la liberté intérieure orientent l’individu, vers un besoin constant de sécurité, le conduisant vers une recherche de protection, pour se sentir en confiance. En recherchant continuellement à satisfaire ses besoins, il n’arrive pas à s’affirmer, cela le conduit à de la dépendance, il s’empêche et réduit du même coup le champ des possibles, donc sa liberté extérieure, se mettant ainsi en contradiction avec lui-même.
La plus grande liberté d’action est la liberté intérieure qui procure de l’énergie vitale, celle qui nous donne l’envie, l’enthousiasme, la soif de réaliser, elle évite d’être emprisonné dans nos certitudes, nos doutes, et répond à la quête de sens, dont les jeunes sont en recherche actuellement, ils attendent aussi des messages d’espoir, pour faire face au dilemme auquel ils sont confrontés dans la société actuelle, avec ce désir de liberté, tout en étant dépendant puisqu’assujetti à un besoin de sécurité, de protection et d’attachement ?
La vraie question serait celle-ci : Comment vivre en ce monde, sans susciter de conflits sur le plan extérieur et surtout sur le plan intérieur, car les conflits intérieurs conduisent aux conflits avec l’extérieur, et réciproquement ?
Comme le dit Gandhi « La liberté extérieure que nous atteindrons dépend du degré de liberté intérieure que nous aurons acquis. »
Et plus il y aura de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en ébullition.
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Daniel Soulat 13/5/2023