Devons-nous craindre le retour d'un certain ordre moral ?

Notre société est-elle en pleine décadence morale ?

Ce que nous voyons autour de nous, l’information qui nous parvient via les media, ce que certains vivent au sein de leur famille, tout cela tend à conforter nos compatriotes dans l’idée que la morale « fout le camp ». A tous les niveaux de notre environnement, nous pouvons effectivement faire le constat navrant que les enfants ne respectent ni leurs parents ni leurs professeurs, que les jeunes des cités ne craignent plus les représentants de l’ordre, que les automobilistes enfreignent allègrement les règlements routiers. On découvre avec effroi que les « tournantes », sordides viols collectifs, sont bien souvent l’œuvre de mineurs, que nos dirigeants eux-mêmes ne sont pas exempts de corruption…jusqu’aux prêtres dont certains « trempent » dans des actes pédophiles, etc, etc.

Alors, dans un sursaut désespéré visant à restaurer une notion de morale dont on ne sait plus très bien ce qu’il convient de mettre derrière e mot, on censure les livres, on va interdire les pornos à la TV, tenter d’éradiquer la prostitution….On légifère…On réprime…Génération Big Brother et tolérance zéro…

Je reconnais qu’il est nécessaire, voire indispensable, d’avoir une véritable réflexion collective sur tous ces débordements contre lesquels notre société a besoin d’être protégée.

MAIS,

Ne risquons-nous pas de toujours vouloir aller plus loin dans la répression pour nous retrouver dans une société puritaine et de non-droit, encore plus limités et contrôlés que nous ne le sommes actuellement ?

Une censure abusive et une législation drastique ne remettraient-elles pas en question nos libertés et nos acquis ? Un monde à la Orwell ou selon Huxley serait-il un monde meilleur ?

« L’ordre moral » véhicule une image totalitaire qui me fait peur. On sait que dans « Travail, Famille, Patrie », chaque mot pris séparément a une valeur républicaine, mais que les trois concepts mis ensemble ont servi de slogan au régime vichyssois dont on ne peut dire qu’il fut un modèle de démocratie et d’éthique !

Rappelons que les fascistes utilisèrent la censure comme moyen d’imposer leur pouvoir d’asservissement (ex : les autodafés)

J’agrée à l’idée de moraliser notre société, de remettre à l’honneur des valeurs telles que le respect de l’autre, le civisme, la fraternité et la non-violence tant que cela ne s’accompagnera pas de restrictions intolérables de nos libertés individuelles*, ce qui risquerait de nous conduire vers une forme de « talibanisme » à la française.

Souvenez-vous de ce que l’on pouvait lire sur les murs de Paris en mai 68 : « Il est interdit d’interdire ». Il est d’ailleurs prouvé que l’interdiction génère la transgression.

Alors, pourquoi ne pas écouter plutôt la voix de la sagesse ? La théorie de la « modération » d’Aristote me paraît toujours d’actualité. Le « juste milieu » se situe aujourd’hui entre laxisme et répression sauvage et passe par l’éducation, l’information, la prévention, la prise de conscience et la responsabilisation des individus, car d’un point de vue philosophique et éthique, peut-être serait-il plus sensé de produire des gens dotés de sens moral que d’inventer des systèmes moraux absolus…(à moins que le « mal radical » ne réside en l’homme, comme le pense Kant, et qu’il soit utopique de vouloir l’en extirper…)

* Notre liberté individuelle passe déjà par des limites, c'est-à-dire que nous ne sommes autorisés à faire que ce qui est permis par la loi et que notre liberté s’arrête où commence celle des autres.

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