La Turquie est-elle européenne ?

La Turquie frappe à la porte de l’UE

 La Turquie a présenté sa demande d'adhésion à l'Union européenne en avril 1987 et c'est douze ans plus tard, en décembre 1999, que les partenaires européens lui ont octroyé le statut de candidat lors du Conseil européen d'Helsinki.

 

 Turquie, en Europe ou pas ? 

 La Thrace turque, comprenant Istanbul, ancienne Constantinople et Edirne, ancienne Andrinople, est géographiquement en Europe : elle représente 5 % du territoire turc, ce qui implique que 95% du territoire turc soit en Asie.

 Mais, Malte, île de Méditerranée est à mi chemin entre Sicile et Tunisie, elle est européenne ou africaine ?

 Mais surtout Chypre, également île de Méditerranée, est proche des côtes turques d’Asie et proche du Liban et de la Syrie. Nicosie , sa capitale est sur le même méridien qu’Ankara, capitale de  la Turquie.

En cherchant l’absurde, Israël, est membre de l’UEFA, l’union européenne de Football. Et la finale de la ligue des champions en 2005 s’est déroulée à Istanbul.

 Plus sérieusement, une Europe politique doit elle avoir des frontières géographiques ou des frontières d’affinités politiques. L’Europe peut elle avoir une frontière avec la Syrie et l’Irak mais dans ce cas les pays du Caucase eux mêmes pourraient-ils un jour candidater à l’UE ? Et par ailleurs, peut on imaginer une frontière de l’Union avec la Russie  ?

 

 Turquie, en dehors de l’histoire de l’Europe ?

 Les peuples turcs viennent d’Asie Centrale, là où nous trouvons aujourd’hui encore le Turkménistan, ancienne république socialiste soviétique. Ils ont migré à de nombreuses reprises au cours du temps mais les plus grandes migrations ont commencé au Xème siècle avec comme destination l’Iran mais surtout l’Orient méditerranéen, du croissant fertile de Mésopotamie à l’Anatolie byzantine, c’est à dire les côtes de l’Egée. Les turcs Ottomans sont partis de la mer Egée et ont fondé leur empire autour avec d’abord comme capitale Andrinople, en Europe, puis, une fois conquise, Constantinople. Son Empire s’est étiré au XVIème siècle du Golf Persique à Vienne, non incluse, et de la Roumanie à Alger.

 Cet empire, qui a vécu plus de cinq siècles, n’a été ni européen, ni asiatique, ni africain ou plutôt méditerranéen… Il a été les trois à la fois. Historiquement, la Turquie n’a pas été qu’européenne, mais elle ne l’a pas moins été qu’elle ait été asiatique. Elle a dominé des pays aujourd’hui dans l’Union Européenne ou sur le point d’y adhérer : Hongrie, Grèce, Chypre, Slovaquie et bientôt Bulgarie, Croatie, Roumanie et également l’Ukraine. Elle a des relations fortes avec d’autres membres de l’Union, tantôt alliée, tantôt ennemie avec l’Autriche, l’Allemagne, la France , l’Espagne, le Portugal, la Pologne , l’Italie, l’Angleterre et même la Suède.

Ce n’est pas pour rien que l’on appelait la Turquie au XIXème siècle, « l’homme malade de l’Europe ».

 Alors, sur le plan de l’histoire, La Turquie, en Europe ou en relation avec l’Europe ?

 

 Turquie, en dehors de la culture européenne ?

 Si on considère que l’Europe est culturellement fondée sur l’héritage judéo-chrétien, il est difficile d’imaginer la Turquie Européenne mais est ce trop limitatif ?

 Si on considère la langue, le turc n’est pas une langue latine ou grecque mais ce n’est pas le cas de toutes les langues européennes à influence slave ou germanique. Plus largement, le turc n’est pas une langue indoeuropéenne mais ce n’est pas le cas non plus du basque, du hongrois, du finnois et de l’estonien.

 Elle fut et est toujours un carrefour entre civilisations.

 Si on considère l’écriture, elle fut longtemps arabe mais est devenue latine il y a 80 ans.

 Reste la culture européenne en général mais qui saurait la définir ? Un beau débat en perspective.

 

 Turquie, trop atlantiste ?

 La Turquie peut être considérée comme trop pro-américaine et ceci depuis très longtemps, depuis 60 ans et la fin de la seconde guerre mondiale. Son identité atlantiste serait elle supérieure à son identité européenne ? Y a t-il conflit entre les deux identités ?

 Mais que penser alors de l’Angleterre et plus encore de nombreux nouveaux pays entrants comme la Hongrie, la Pologne et la Tchéquie , membres de l’OTAN avant d’être membres de l’Union ou de candidats dans la même situation : la Roumanie et la Bulgarie  ?

 Par ailleurs, la Turquie n’a pas soutenu les américains en Irak et ne les a pas autorisés à utiliser sa frontière pour ses opérations militaires.

 

 Turquie, puissance étrangère occupante à Chypre ?

 La Turquie occupe la partie Nord-Est de Chypre depuis 1974. La scission de l’île existe depuis. Un peu d’histoire rapide :

- Chypre est conquise par les turcs en 1570, puis cédée aux anglais en 1879.

- En 1958, la guerre civile éclate entre grecs et turcs, suivie de l’indépendance en 1960 avec un président grec et un vice président turc.

- Suite à un coup d’Etat grec, la Turquie riposte et renverse la dictature instaurée à Chypre.

 Désormais 1/3 du territoire, au nord de l'île, est sous contrôle turc. Le nord et le sud, ainsi que la capitale, Nicosie sont séparés par la ligne Attila, contrôlée désormais par les Nations Unies. Plusieurs dizaines de milliers de colons et de militaires Turcs se sont installés sur l'île.

- En 2004, après l'échec des négociations entre le nord et le sud, le secrétaire général de l'ONU propose aux Chypriotes un plan de réunification. Le 24 avril, le plan est approuvé par les Chypriotes turcs mais il est rejeté par les Chypriotes grecs qui le même jour adhèrent à l’Union. Les dirigeants européens se considèrent bernés.

 L'intégration de Chypre à l'Europe représente un sacré défi pour l'Union européenne : faire régner la paix à l’intérieur de ses frontières.

 

 Turquie, pays ne respectant pas les droits de l’homme ?

 Question popularisée par le film  « Midnight Express », la Turquie ne respecterait pas les droits de l’homme. Question qui se pose pour les prisons mais également à l’égard des kurdes et des homosexuels. Amnesty International publie toujours des rapports sur la Turquie. Il s’agit d’un des principaux problèmes publiquement affirmés par les dirigeants européens.

 

 Turquie, ne reconnaît pas le génocide arménien ?

 La Turquie ne reconnaît pas aujourd’hui le principe de génocide arménien contrairement à l’Allemagne qui reconnaît le génocide des juifs.

 La Turquie reconnaît le nombre important de morts arméniens lors de migrations imposées pendant la première guerre mondiale à partir de 1915 ; et insiste sur la complicité d’arméniens avec les ennemis en guerre avec la Turquie.

 

 Turquie, pays dont la religion n’est pas européenne ?

 Aucun pays européen, membre de l’Union, n’a, aujourd’hui, de majorité musulmane. Cependant, plusieurs pays ont de fortes « minorités » comme la France , l’Angleterre et l’Allemagne. Par ailleurs, Bosnie et Albanie, pays « européens » sont à majorité musulmane.

 Il n’en reste pas moins, que si la Turquie était membre de l’Union, elle en serait le pays le plus peuplé derrière l’Allemagne avec 71 millions d’habitants, kurdes inclus, contre 82.

 La question de l’islam se pose dans un contexte particulier, celui du terrorisme religieux. Mais également des droits des femmes ; il y a 100 crimes d’honneur par an enregistrés. Il y a eu la tentative de criminalisation de l’adultère féminin.

 Face à cette question :

 L’Europe peut elle retenir le critère religieux alors que nous français défendons, comme la démocratie turque, un état laïc ? Mais avons nous la même définition de la laïcité ?

 Quelle serait la meilleure stratégie, intégrer un pays laïc à majorité musulmane, ou lui en refuser l’accès ?

 Revenir au blog et voir les commentaires