La liberté est-elle une illusion ?
La liberté est-elle une illusion ?
Ce thème est l'archétype des sujets de philo proposés au baccalauréat, et on trouvera sur Internet de nombreux « corrigés de dissertation », payants ou gratuits, pour le traiter. Il est recommandé d'en examiner quelques uns [1] pour s'éclaircir les idées et compléter ce que chacun peut en penser de manière spontanée.
La problématique de la liberté peut se décliner de deux manières au moins :
- philosophique et théorique : l'homme est-il libre de ses choix et de ses actes, ou bien tout est-il écrit ? Quelle est la place du hasard dans nos décisions ? Y a t-il un destin, et sommes nous prédestinés ? Le déterminisme peut-il s'appliquer à l'homme comme il s'applique dans les sciences physiques ? Que nous disent les neurosciences à cet égard ?
- Sociale et pratique : quand j'agis, est-ce que c'est moi qui prend une décision, ou bien suis-je manipulé, programmé par mes gènes, par mon éducation, par mon environnement ? Comment prend t-on réellement une décision ? Quelle est notre responsabilité personnelle ? Puis-je exercer ma liberté sans tenir compte des autres ?
Chacun pourra s'exprimer au cours du débat, mais le développement qui suit ne concerne qu'une partie du sujet et ne reprend pas ce qui apparaît de manière assez uniforme dans les corrigés de dissertations, sommairement résumé dans les questions ci-dessus.
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L'existence de la liberté humaine individuelle est obligatoirement une donnée a priori.
En effet, si je suis libre de mes pensées, ce que j’écris là a une signification. Si je ne suis pas libre, si ce que j’écris n’est que le résultat de mécanismes reliant les causes aux effets, alors cela n’a aucune valeur, ne signifie rien, si ce n’est l’existence du déterminisme.
La liberté transcende la causalité. Il ne peut en être autrement : si mes pensées ne sont que le fruit du jeu des causes et des effets, comment puis-je démontrer que je ne suis pas libre si je ne suis pas d’abord libre moi-même ? Le principe de non-contradiction s’applique ici et nécessite que la liberté soit une donnée première. On ne peut rien dire de cohérent s’il n’en est pas ainsi.
Une autre manière, plus « moderne », de réfléchir à ce sujet, est de s’appuyer sur les développements assez récents de la théorie de la complexité et de la notion d’émergence qui en découle. L’évolution d’un phénomène déterministe, obéissant aux lois de la physique et du monde matériel, est le fruit d’interactions généralement complexes où interviennent d’innombrables variables, et ne peut être prédite à l’avance. Le comportement de ce phénomène « émerge » de la complexité du monde. Et la prise de décision par une personne, même si elle semble simple et souvent sans formulation consciente, est un phénomène complexe.
Choisir, décider librement, semble néanmoins lié à notre état de conscience dans l'évolution. Même si on pense que la conscience (humaine) n’est qu’une « émergence » de la complexité matérielle, définir ce qu’est la conscience, de manière objective, est une tâche très difficile, voire impossible. On sait, on sent intuitivement ce que c’est, mais la définir précisément avec des mots aboutit toujours à quelque chose d’insatisfaisant, de la même manière que Saint Augustin essayait de définir le temps.
On peut aussi dériver vers une réflexion sur la vie et les phénomènes vitaux : ne sont-ils le fruit que d’interactions matérielles entre atomes et molécules ? Sinon, qu’est ce qui les différencie des phénomènes physiques de la matière inerte ? La conscience est-elle obligatoirement liée à la vie, avec différents degrés de manifestation en fonction du niveau d'évolution atteint ?
En conséquence, y a t-il des degrés dans la notion de liberté, qui serait le fruit de l'état de conscience chez les êtres vivants ?
Matière --> vie --> conscience --> liberté
Déterminisme
Hasard
Complexité
Emergence
Ainsi, il apparaît qu'en raison de ces phénomènes d'émergence, le déterminisme strict, tel qu'il se manifeste en physique, ne peut s'appliquer au vivant. Les décisions prises, plus ou moins consciemment, par les êtres vivants, sont le fruit d'une multitude de causes qui interagissent entre elles, mais qui sont en outre soumises à des aléas imprévisibles. On peut alors s'orienter vers deux types de conclusions :
· soit on estime que, émergence ou pas, le déterminisme est partout présent et par conséquent c'est lui qui pilote nos vies, sans qu'on puisse toutefois prévoir notre comportement. On a alors affaire à une apparence de liberté, très proche de ce que serait une « vraie » liberté ;
· soit on considère que la notion de liberté, telle qu'on peut la définir[2] dans l'absolu, est un concept qui n'existe pas dans la réalité, et que nous avons seulement une certaine marge de libre-arbitre dans un univers soumis au déterminisme d'une part, au hasard d'autre part
Aucun des termes de cette alternative ne pouvant être prouvé rationnellement, il est sage de se comporter en pratique comme si la liberté existait, ainsi que nous le conseille à demi mot Spinoza, tout en excluant la définition spontanée de la liberté comme étant la possibilité de faire ce qu'on veut comme on veut. Il est clair que si je veux que mes pensées et mes actes présentent la moindre valeur, je dois CROIRE à la liberté individuelle. Sinon, pourquoi écrire ? Pourquoi penser ? Pourquoi ne pas faire n’importe quoi ?
La liberté totale et absolue est impossible. La liberté que l'on vit n'existe que par l'existence de contraintes dans le monde. Comme toute idée-force, elle ne se définit que par rapport à son contraire : ordre/désordre ; beauté/laideur ; liberté/contrainte.
Citation :
« La liberté est l'ignorance de la cause qui détermine » Spinoza
Jean-Jacques Vollmer
Pour lire le compte-rendu du débat, cliquer ici.
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[1] http://www.maxicours.com/se/fiche/4/3/16343.html
https://la-philosophie.com/exemple-dissertation-philosophique
https://bacphilocooldissertations.wordpress.com/2017/12/26/la-liberte-est-elle-une-illusion/
https://actuphilo.com/2009/02/20/la-liberte-nest-elle-quune-illusion/
[2] Liberté : Pouvoir d’agir sans contraintes étrangères ou extérieures ; pouvoir d’être cause première d’un acte, d’initier une chaîne causale ; aptitude des individus à exercer leur volonté
Libre-arbitre : pleine liberté de décider, de faire selon sa volonté, en l'absence de contrainte