Comment cheminer vers la sagesse ?

Depuis l'Antiquité, chacun s'accorde à définir la sagesse selon la formule : le bonheur et la vie bonne, conforme au bien. Mais cet accord cache une grande disparité sur le sens des mots « bonheur » et « vie bonne ».

On peut trouver des définitions plus explicites, telle celle de Wikipédia : « La sagesse désigne le savoir et la vertu d'un être. Elle caractérise celui qui est en accord avec lui-même et avec les autres, avec son corps et ses passions (vertus de tempérance, de modération et de justice), qui a cultivé ses facultés mentales, tout en accordant ses actes à ses paroles »

Sans m'attarder sur les modèles du passé, ni sur ceux de l'Orient, je m'en tiendrai aux attitudes actuelles dans le monde occidental. Après la faillite des grandes idéologies, on peut les classer en deux grandes tendances philosophiques que sont le Matérialisme et l'Humanisme. Dans ce dernier, j'examinerai le cas particulier de l'humanisme chrétien.

La sagesse matérialiste : une sagesse tragique car sans espérance

Le sage matérialiste a une vision du monde désenchantée : le monde est absurde, notre existence n'a pas de sens. Il est impératif de se débarrasser de toute illusion et de toute espérance. Il est illusoire de chercher un sens à la vie. Le temps s'écoule vers une impasse, la mort attend tout être vivant pour le détruire purement et simplement.

Vision angoissante s'il en est. Pour survivre à cette terrible angoisse existentielle, le sage matérialiste répète après Epicure : « La mort n'est rien pour nous, puisque lorsque nous sommes, la mort n'est pas là et lorsque la mort est là, nous ne sommes plus ». Le chemin de la sagesse consiste à prendre la vie pour ce qu'elle est : le présent. Vivre sa vie, habiter le présent de la façon la plus intelligente et la plus intense possible. Bien sûr, on ne peut bien vivre le présent sans tirer les leçons du passé et ménager l'avenir.

La sagesse humaniste : habitée par une humanité transcendante

L'humaniste a découvert dans l'humain une transcendance, qui lui permet de ré-enchanter le monde. Quelque chose dans la pensée, dans l'âme, dans la capacité d'aimer, dépasse l'individu. Ceci ouvre sur un mystère insondable et attribue à l'humanité un caractère sacré :

« L'humanisme authentique me semble depuis toujours reposer sur le constat d'une transcendance radicale des valeurs : je n'invente pas la vérité, la justice, la beauté ou l'amour, je les découvre ». Luc Ferry 

Il cherche alors à vivre de et pour ces valeurs, de la façon la plus universelle possible puisque ces valeurs sont universelles, avec au cœur l'espérance qu'elles gagnent peu à peu du terrain (idéal moral). Les valeurs constituent un « horizon pour l'humanité » (L.Ferry).

Pour l'humaniste chrétien ces mêmes valeurs viennent de Dieu, qui est un dieu d'amour en relation avec chaque homme. La flèche du temps a un sens : son aboutissement est le salut, le « Paradis », hors de l'espace et du temps donc très mystérieux pour nous : alors les valeurs auront trouvé leur aboutissement, et chacun sera enfin comblé d'amour. Espérance majeure. Durant des siècles, les chrétiens ont accepté de sacrifier leur vie présente au salut éternel. Nombreux sont aujourd'hui ceux qui pensent que le Royaume des Cieux est déjà parmi nous, que c'est ici et maintenant que les choses se jouent.

Quel chemin vers la sagesse ?

Ce chemin concerne plusieurs plans : personnel, relationnel, social, politique. Le chemin vers la sagesse diffère selon la tendance philosophique, mais moins qu'on ne pourrait s'y attendre. En effet l'idéal pour tous est de parvenir à une vie d'amour, car l'amour est la plus belle expérience de l'homme et c'est aussi une aspiration générale jamais assouvie. Ce chemin passe par une adhésion sans réserve à la vie.

J'ai rassemblé quelques pistes, que colore plus ou moins chaque tendance philosophique.

 Plan personnel

« C'est la mort qui fait le prix de la vie ». Marcel Conche

 Plan relationnel et social: le lien à autrui. La vie bonne est une vie commune

 Plan politique

 Conclusion

Malgré des divergences très profondes du sens donné à la vie par les uns et les autres, il paraît étonnant de se retrouver aujourd'hui sur un chemin de sagesse presque commun à tous, en Occident du moins. C'est le résultat des valeurs universelles qui se sont imposées.

Il arrive que l'on expérimente un moment magique, un vrai moment de bonheur où l'on oublie le temps qui passe, petit goût d'éternité dans lequel le présent s'étire à l'infini. Etre sage c'est savoir en faire son miel, c'est vivre ici et maintenant, du mieux possible.

Qu'est-ce que vivre ? Qu'est-ce que vieillir si ce n'est parcourir ce chemin vers la sagesse? C'est tout ce travail sur soi, cette expérience accumulée, cette réflexion active qui nous amènent peu à peu vers la sérénité (qui n'est surtout pas l'absence de désir) et peut-être le bonheur. Lorsque la vie avance, le corps se fatigue et devient moins performant, le temps qui reste s'amenuise, mais, pourvu qu'il reste conscient, l'être singulier est toujours aussi présent, de plus en plus présent à lui-même, et capable de vivre pleinement cet instant présent au parfum d'éternité. Lorsque la mort arrive, celui qui a parcouru ce chemin de sagesse ne la craint plus.

Eléments de bibliographie

La sagesse. La force du consentement.  Alain Le Ninèze. Autrement 2000

La sagesse des Modernes. Luc Ferry et André Comte-Sponville. Robert Laffont 1998. Poche ...

Qu'est-ce qu'une vie réussie. Luc Ferry. Grasset 2002

Le bonheur, désespérément. A. Comte Sponville

La source du bonheur. Christian Boiron. Albin Michel 1998. Poche 2000

 

Revenir au blog et voir les commentaires