Faut-il interdire la prostitution ?

Tout le monde a des besoins sexuels hormis un rare pourcentage de la population qu’on appelle asexuels. La plupart d’entre nous est frustrée sexuellement, cette frustration n’étant qu’une frustration parmi d’autres. Pour assouvir nos besoins sexuels, nous avons des partenaires sexuels ou alors nous avons recours à l’onanisme faute d’avoir à disposition un ou des partenaires sexuels ou en complément de ces pratiques. La sexualité des hommes est différente de celles des femmes sans pour autant que l’on puisse dire que les besoins des hommes sont supérieurs à ceux des femmes ou réciproquement.

L’union de deux corps ne devrait-il être que l’union de deux désirs ? Nous sommes plus ou moins désirables, certains plus que d’autres et le degré d’attractivité décroit généralement avec l’âge. Le degré de concupiscence des uns et des autres est aussi très variable même si les différences sont plus accentuées chez les femmes que chez les hommes. Ne devrait-on accepter que des unions de même âge, de même condition sociale ? L’intérêt est forcément à la base de l’union de deux êtres. Y a-t-il des intérêts immoraux ? Certains pourraient penser que le mariage ou plus généralement l’union est un remède à la concupiscence. Cela n’est pas forcément le cas et les relations extraconjugales ne sont pas interdites en occident. Frustrée ou pas, l’immense majorité de la population se contente de cette situation. C’est là que peut entrer en jeu la prostitution. Nul ne sait d’ailleurs où commence et où se termine la prostitution. Inviter une nouvelle conquête au restaurant pour qu’ensuite elle cède à vos désirs est-il plus moral que d’avoir directement un rapport marchand ? Combien d’hommes et de femmes sont en couple pour l’argent ? Nul ne songe à y mettre son nez.

Contentons-nous de parler de ce que nous appelons communément prostitution. La prostitution est la mise à disposition de son corps à des fins sexuelles ceci contre de l’argent ou d’autres avantages. Il va sans dire que l’immense majorité des prostitués sont des prostituées et parmi ces prostituées la majorité est sous la coupe de proxénètes. Une partie non négligeable des prostituées sont des indépendantes et des occasionnelles. Cela leur permet de gagner leur vie ou d’arrondir leurs fins de mois. Peut-on leur interdire de faire ce qu’elles veulent de leur corps ? Toutes les femmes qui ont des problèmes d’argent ne se prostituent pas mais faut-il blâmer celles qui le font. Certainement pas plus que celles qui se servent de leur corps pour obtenir une faveur professionnelle. Combien de contrats commerciaux sont la résultante de corps à corps ? Il s’agit bien se s’attaquer à la prostitution qui ose dire son nom et non à d’autres formes bien plus sournoises à l’instar de ces grands bourgeois qui s’offraient leur bonne. Tout comme nous n’attendons pas de ces grands bourgeois une générosité de cœur, nous n’attendons pas des clients des prostituées qu’elles soient des personnes oblatives et d’ailleurs la plupart d’entre nous ne le sont pas. Les relations avec une prostituée ne peuvent être que mécaniques, condescendantes, ou du moins le sont la plupart du temps. La prostitution ne peut être qu’un pis-aller mais certaines vies ne sont-elles pas des pis-aller ? La prostitution doit-elle être dénoncée pour combattre la domination masculine ou pour le simple fait que la prostitution est une pratique dégradante, avilissante ? La plupart des prostituées se sentent en effet souillées, meurtries. Nul ne peut nier le caractère destructeur à long terme de la prostitution. Les clients des prostituées sont évidemment coupables et participent à cette exploitation tout comme le sont les acheteurs d’Iphones et autres gadgets électroniques fabriqués par des esclaves chinois à qui il est interdit de se suicider. D’un côté l’acheteur de services sexuels ose regarder en face son prestataire ce qui n’est pas le cas du consommateur de produits fabriqués loin de son regard mais non ignorant de la situation. Vous me direz qu’il vaut mieux une morale morcelée qu’aucune morale du tout. L’amour ne s’achète pas mais l’argent achète de la compagnie et cette compagnie est souvent assortie de sexe. Comme le disait si admirablement Blaise Pascal, nous ne sommes aimés que pour nos qualités. L’argent n’est-il pas une qualité comme une autre ? Certains n’ont nul besoin de sortir leur portefeuille pour se retrouver au lit avec les plus belles créatures. Ce n’est pas le cas pour tout le monde, n’est-ce pas injuste ? Notre monde est cruel et le bonheur n’est pas vraiment partagé. La vie sociale est une comédie, un jeu de masques. Nous aimerions n’être que des ingénieurs de Renault mais nous ne sommes pas que cela. Un ingénieur peut aussi être frustré sexuellement et trouver consolation avec une dame de petite vertu.

Quelles sont les motivations des pourfendeurs de la prostitution ? Certaines sont louables et bien intentionnées, visant à combattre la misère humaine. D’autres émanent d’ayatollahs ne supportant pas la liberté sexuelle, sursautant en voyant deux homosexuels qui s’embrassent, ne pratiquant que la position du missionnaire. Les bonnes intentions sont-elles pour autant réalistes ? Ce n’est pas la première fois à travers l’histoire que l’on tente d’abolir la prostitution. Déjà à la fin de la Rome antique, la prostitution fut interdite et trouva refuge dans les bains publics lesquels furent dès lors déconsidérés avec la triste conséquence que beaucoup de personnes ne se lavèrent plus. Peut-on vraiment légiférer sur la morale humaine et dans ce cas ne faut-il pas s’attaquer aux pratiques les plus dommageables comme la consommation de la drogue ? D’ailleurs il n’y a pas consensus dans ce domaine non plus et nos amis les Verts ont eu la cohérence de ne pas condamner de manière absolue la prostitution pas plus qu’ils ne condamnent de manière absolue la consommation de drogue. On ne peut pas être permissif d’un côté et totalement rigoriste de l’autre. Ne vaut-il pas mieux contrôler la prostitution comme l’alcool et assurer la santé physique et mentale des prostitués ? Dans un monde idéal, il n’y aurait ni prostitution, ni violence, ni oppression ni même de religion. Il y serait pratiqué la charité financière mais aussi la charité sexuelle. Qui d’entre nous a pratiqué la charité sexuelle ? Il est tellement plus facile de prêcher la morale que de la pratiquer

Il est plus facile pour les états de s’attaquer aux individus qu’aux mafias ou aux multinationales. Certains Etats prohibitionnistes font marche arrière comme le Canada récemment. D’autres comme l’Allemagne, voudraient s’attaquer uniquement aux clients des prostitués sous la coupe de proxénètes. Dans ce domaine pas plus que dans d’autres, il est difficile de trouver le juste chemin. Essayons déjà de donner de l’amour aux autres plutôt que de condamner certaines relations humaines si celles-ci sont consenties de part et d’autre.

                                                                                                                                                          Jean-Paul KNORR

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