Tous influençables? Tous conditionnés? Comment rester libres?

(Jean-Pierre Vérollet -  28/1  pour CD du 9/2/16)

 

Tous influençables ?

Il faut bien l’avouer, nous sommes tous influençables à des degrés variables selon le contexte !

Depuis la mode, l’achat du dernier tee-shirt « si tendance», éventuellement en solde « une vraie affaire à – 50%», la mise au rebut (ou plutôt au point Relais) de l’anorak pas vraiment usé mais évidemment démodé …

En passant par les modes alimentaires, le light, le sans-gluten qui ont souvent quelques fondements, que nous adoptons parfois mais qui ne résistent pas aux têtes de gondole avec  leurs fromages ou saucissons  bien gras, bien salés et leurs sodas bien sucrés que nous mettons dans le caddie en cachette de nous-mêmes ….

En passant par la pétition que nous signons en la parcourant rapidement car le cas, présenté par un organisme plus ou moins  connu,  nous touche, voir nous indigne (a-t-on validé les faits et l’organisme ?).

En passant par cette mendiante inconnue avec son bébé qui nous fait revenir sur notre nième décision définitive de ne plus céder aux sollicitations à chaud dans la rue …

Nous prenons en permanence de petites décisions disjointes, parfois incohérentes, en toute inconscience de notre fragilité, de notre futilité, de notre émotivité  exploitables par des « professionnels» et de notre tolérance à nos propres contradictions.

 Tous conditionnés ?

Le rêve de tout « pouvoir » qu’il soit sentimental, commercial, politique, idéologique, religieux est d’emporter notre adhésion automatique en diminuant nos capacités d’analyse de la réalité, pour passer d’une « influence une fois », d’une opinion molle non figée  à  une conviction forte gage d’adhésion fidèle, durable  les yeux fermés.

Je n’examinerai pas le conditionnement sentimental  et ses aboutissements (du flirt aux mariages). D’ailleurs, est-ce un conditionnement ou un besoin naturel ou les deux ?

Le conditionnement commercial a mauvaise presse. Il vise à nous faire acheter sans trop réfléchir les produits d’une marque préférée (nourriture, mode, voyages,… ) mise en valeur par de multiples publicités dans les médias, dans les boites aux lettres, sur les murs, au supermarché  en tête de gondole, ou bien encore les petits plats tout-préparés ou le dernier e-pad version n pour gagner du temps. Astucieusement, il tente de nous fidéliser par des avantages personnels. Ce conditionnement peut changer notre mode de vie si par exemple il nous encourage trop à nous simplifier la vie, souhait général, ou dans notre péché mignon inavouable : faire des envieux,  épater son prochain et particulièrement le voisinage.

Heureusement ce conditionnement classique associé à la « société de consommation » commence à se confronter à un conditionnement contraire d’  «éco-responsabilité » ou d’«éco-citoyenneté» qui, lui, ne va pas dans le sens de la facilité. Par exemple, pratiquer l’achat local, bio ou non, pour se nourrir (être locavore) devient presque mode, comme les économies d’énergie (moins de honte aujourd’hui à dire qu’on fait des économies à ses voisins!) tout en donnant lieu déjà  à des dérives : faire 30 kilomètres pour acheter un kilo de poireaux directement au producteur relève plus du tourisme que de l’Ecologie.

Le conditionnement politique (pour que je vote systématiquement de la même façon) relève du grand art permis par la Démocratie et sa pluralité d’offres d’informations. La Démocratie nous met à l’abri du conditionnement forcé méthodiquement mis en œuvre par les régimes totalitaires. Par exemple à Cuba, depuis 1959, toute publicité est interdite sauf celle pour la « Revolucion » qui doit avoir bien du mal à se renouveler au bout d’un demi-siècle ! Visant à imposer une dynamique au début, ce type de conditionnement devient très vite un simple rideau, parfois de fer, pour, par des astuces éculées, cacher à la population les échecs d’un  système dévoué au seul bénéfice de l’oligarchie au pouvoir, égoïste et  avide. Sur place, cette tentative de  conditionnement ne fait que reculer l’échec  des régimes totalitaires, et, à l’étranger, elle fait le bonheur de complices locaux dévoués.

Le conditionnement politique en Démocratie utilise tous les canaux d’informations avec des pointes au moment des élections. Ses canaux sont multiples car on peut voir de la « Politique » partout. Ils  couvrent assez bien de mon point de vue l’éventail des propositions politiques. Cette prolifération  d’informations aboutit  souvent à ce qu’on limite volontairement son choix de sources d’informations (tracts, journaux, newsletter du net, éditoriaux, émissions de TV, … ) et ses contacts à un nombre  limité jamais confronté à des « adversaires d’idées ». Nous entretenons nous-mêmes notre conditionnement dont souvent on situe mal le début. Est-ce un besoin naturel de sécurité intellectuelle, de stabilité, d’autojustification, une fuite devant la difficulté d’observer un monde complexe et fluctuant, une forme de flemme ? Si nous jugeons utile de le faire, nous verrons comment lutter plus tard. Pour moi, le CD est un vrai antidote au conditionnement.

Le conditionnement idéologique, proche du conditionnement politique par ses buts et ses moyens, est voisin  du conditionnement religieux par des fondements discutables et  des prétentions à dominer ou à modifier l’individu.

Le conditionnement religieux enfin. La religion est-elle un conditionnement ? Ce conditionnement devrait-il nous aider à lutter contre les autres conditionnements ? A  lutter contre lui-même ou ses dérives en tant que conditionnement ? Je laisse à chacun son « libre arbitre » pour ce chapitre important.

 Comment se faire une opinion robuste et libre dans le flux d’informations? Comment se déconditionner ?

Un conditionnement vise à obtenir de nous des actes qui servent un « conditionneur » réel ou supposé.

Nous nous limiterons à 2 types d’actes responsables, l’acte d’achat quasi quotidien et le vote aux élections.

Fréquent,  l’acte d’achat peut paraître simple et sans conséquences. En fait, en prenant du recul, l’acte d’achat est un acte important, citoyen, socialement responsable car, d’une part ce que nous achetons va servir à notre alimentation, donc agir sur notre santé, peut entrainer des dépenses d’énergie variables ou donner de nous une image souhaitée  positive, et, d’autre part, le choix du  produit va donner du travail à son producteur et à une filière dotée d’une certaine empreinte écologique. Voilà donc un acte complexe qui résulte globalement de notre comportement  plus ou moins choisi (frugalité ou appétit de consommation), et, pour chaque produit, du soin que nous mettons à analyser d’abord sa nécessité, puis à regarder son prix bien sûr, sa composition, ses kilocalories, son fabricant, son pays de  provenance, ses labels de qualité dont ceux écologiques … .

Chaque achat devrait  donc prendre du temps! Or, nous nous abritons souvent sans nous l’avouer derrière la facilité, le gain de temps ou l’achat d’impulsion. Acheter de façon responsable est donc un souci et un travail de réflexion qui s’accroissent  car le choix de produits et services  s’élargit et se complexifie pour mieux nous plaire. A chacun de faire face à ce « travail » en toute liberté ou de démissionner  et de se prétendre conditionné pour justifier cette démission personnelle, non imposée.

Moins fréquent, le vote exige  une longue préparation pour connaître et comparer les personnes, les équipes ou partis et les programmes en lice. A l’idéal, il faudrait pour chaque postulant ou parti connaître ses idées, son idéologie (affichée ou cachée) s’il en a une, connaître son comportement dans le passé (rapport promesses initiales/promesses réalisées), connaître son programme pour la prochaine élection, comparer ce programme à celui de ses compétiteurs bien sûr mais aussi à ce qui se passe ou s’est passé dans des pays similaires à la France. Un vrai travail de documentation, important, quasi permanent pour choisir des sources d’informations de façon à observer factuellement en continu  les résultats du  parti au pouvoir et les positions des opposants à travers l’avalanche d’infos quotidiennes ! Pour éviter cette charge, on a trop tendance à limiter ses sources d’informations à celles qui nous confortent dans nos convictions. On s’aveugle soi-même. On paye un journal pour se conditionner. Or chaque élections devrait être l’occasion de revalider ses convictions pour préparer un vote responsable.

Une astuce minimaliste pour contester ses propres sources : en changer le temps des vacances !

 Quelques pistes pour ne pas être trop manipulable:

Professionnellement, en milieu industriel, j’ai été plus gravement trompé par de (fausses) bonnes nouvelles  qui confortaient mes convictions techniques que par des signaux faibles, des informations  troublantes, incertaines qui exigeaient une attention pas toujours disponible. D’où ne pas croire trop vite ce qui conforte ses convictions et porter une attention soutenue à ce qui peut les infirmer.

De même, se méfier des simplifications abusives d’une réalité toujours complexe faites d’intérêts contradictoires.

Se méfier de la recherche a priori d’un responsable avant même de connaître les faits et de rechercher les causes du problème. Mon expérience est que la recherche de responsabilité doit se faire seulement après l’étude obstinée des faits et de la recherche des causes « physiques » et non pas idéologiques du problème, attitude que les media ont insuffisamment.

Enfin, de mon point de vue, les idées, les idéologies, (les religions ?) comme tous les systèmes complexes n’ont pas de valeur intrinsèque mesurable a priori. Ce n’est qu’en observant les effets de leur mise en application qu’on peut leur attribuer une valeur positive ou négative. D’où l’intérêt de sortir de chez soi, d’être curieux  pour observer les effets concrets  de systèmes techniques nouveaux, d’idées ou d’idéologies prometteuses  de progrès. On comprend alors pourquoi leurs promoteurs évitent  ou retardent ces comparaisons. Les promesses n’engageant que ceux qui les croient, il est indispensable d’anticiper le résultat de leur mise en œuvre.

 Est-il possible d’être libre ?

Bien acheter et bien voter demande donc des efforts continus qu’on n’a pas toujours envie de faire !

 D’ailleurs comment en est-on récompensé si ce n’est par une satisfaction personnelle et l’augmentation des conflits d’opinions avec ses amis et connaissances ?

Alors finalement, il faut lutter, lutter pour être libre … tout en sachant que de multiples  « conditionneurs » peuvent se cacher derrière nos sources d’informations et sont prêts à nous faciliter la Vie !

A nous de bien les choisir … en connaissance de conditionnement !

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