La nation, un concept dépassé?

Nous allons au cours de ce débat  approfondir le sens du mot « nation ».

 

Commençons par citer Ernest Renan (auquel l’ « Histoire mondiale de la France », livre

 

collectif dirigé par Patrick Boucheron (Seuil), consacre une chapitre entier. La nation ne serait possible que par « la possession commune d’un riche legs de souvenirs d’une part, et d’autre part sur le désir de continuer à vivre ensemble» : ce serait un « plébiscite de tous les jours » . Nous essayerons ici de discuter  les éléments de désir de ce « vivre ensemble », surtout dans la cas de la France du 21ème siècle.  Ces éléments dépendent souvent les uns des autres.

 

 La proximité, les ancêtres.

 

Dans le mot « nation », il y a « naître ». Les êtres humains ont un « pays natal », une « patrie » ( pays de leurs parents) auquel ils restent généralement attachés. Entre « pays », on voit les mêmes paysages à longueur de temps, d’où un sentiment d « appartenance » commune. Mais, avec la généralisation des voyages, cet attachement à sa terre, à ses paysages, s’estompe. Pour ce qui est des ancêtres, de l’Histoire commune, notre « roman national » n’a pas que des chapitres édifiants (guerre de 14 par exemple), et est sujet à de nombreuses critiques.

 

 La langue

 

Parler sa  langue maternelle est le propre des humains. Au delà du coté pratique, il y a un certain plaisir à la bien parler, encore plus à bien l’écrire : il y a là un sentiment d’appartenance à son pays. Cependant, avec l’ouverture des frontières et la généralisation de l’Anglais, advient  le sentiment de n’être pas seuls au monde.

 

 La protection, ou la colonisation.

 

Les relations avec les autres pays sont de deux sortes : il s’agit soit de protéger ses citoyens contre les incursions d’étrangers malveillants, soit au contraire d’envahir ces pays pour les mettre en esclavage. La coopération est plus rare. La protection d’ailleurs fonctionne dans les deux sens : le citoyen protège son pays (par exemple dans le cas d’une guerre), et en retour le pays crée de bonnes conditions de vie au citoyen  (police, enseignement, etc…) ; il y a là une sorte de contrat entre le citoyen et la nation. La nation est alors représentée par l’Etat, qui n’a pas toujours existé en France et dont l’organisation a pris plusieurs siècles (ses débuts sont ai 13eme).

 

 Depuis maintenant soixante  ans, à l’intérieur de l’Union Européenne, il n’y a pas eu de guerre. Et donc l’idée même de nation, de ce point de vue, semble moins prégnante dans nos contrées. Par contre, le citoyen demande toujours la protection de l’Etat, et c’est logique. L’Union Européenne correspond-elle à une nation? Dans le futur, peut-être.

 

 L’idéologie.

 

La conduite des affaires des nations n’est pas chose simple. Elle ressemble à une navigation dans le brouillard. Cependant, chacun a son avis sur la direction à suivre. Les idéologies fournissent cette direction; elles se présentent sous forme de recettes très simples, pour être comprises du plus grand nombre,  ce qui n’exclue pas que de grands intellectuels s’y laissent prendre . Une certaine communion dans les perspectives idéologiques peut cimenter une nation, et même la persuader d’envahis ses voisins, pour les sauver. C’est le cas de la Révolution de 1789 (abolition des privilèges, suivie par la conquête de l’Europe), de celle de 1917 (mise des ressources dans le domaine public, suivie par la création de l’U.R.S.S.), et aussi du troisième Reich Allemand (supériorité de le race Aryenne, suivie par les conquêtes que l’on sait.). L’idéologie actuelle serait le libéralisme en économie, les conquêtes celles de marchés par tous le moyens.

 

 La religion

 

La religion est chargée de donner aux humains un sens à leur vie. Elle fait généralement référence à un Dieu créateur, mais parfois  non (bouddhisme). Il y a  alors communion, sensation d’être ensemble sur la bonne voie, et, plus dangereusement, comme pour l’idéologie, de connaître la Vérité (sans d’ailleurs avoir besoin de faire de grands efforts ). On comprend alors l’aspect fédérateur des religions, qui sont souvent des « religions d’Etat ». Cependant, les abus religieux, depuis la Renaissance, qui ont produit des guerres atroces, ont conduit  à se méfier de cet aspect fédérateur et à  se méfier de la « religion d’Etat » : place à la cohabitaion entre les religions (plus l’athéisme), à la laïcité, qui peut elle aussi avoir un aspect fédérateur.

 

 Le patrimoine.

 

A côté de la langue, ou de la religion, et lié à elles, se trouve le patrimoine. Dans ce dernier, on trouve la façon particulière, qui peut dater de plusieurs siècles,  de pratiquer les arts, la musique, la peinture, l’architecture, la littérature, et même la science,  tout ce qui réunit implicitement les personnes éduquées.  Le patrimoine  comprend aussi l’ « art de vivre », la cuisine, les codes vestimentaires, la façon de faire du sport, de cultiver son corps,… Ernest Renan, qui parlait après la déroute de 1870, inclut dans ce patrimoine, les douleurs vécues ensemble au cours des guerres, les solidarités dans l’adversité.

 

 On ne voit pas que ce patrimoine puisse disparaître.

 

 L’économie

 

L’ être humain a de multiples besoins : manger, se loger, se déplacer, se distraire, élever ses enfants etc…. Indépendamment, c’est un être de progrès, et ce progrès est gage d’une amélioration des conditions de vie.  L’organisation de l’économie  est donc une nécessité pour   protéger le citoyen. Mais elle peut être détournée à d’autres fins : si les entreprises doivent faire des bénéfices, ce qui est un gage de bonne santé et sinon elles sont nuisibles, leur but principal est de participer au bien être général, et non à seulement quelques uns ; c’est ce qu’ont compris bon nombre de dirigeants d’entreprises, petites ou grandes. Mais l’idéologie actuelle, la doctrine libérale, ne semble juger qu’à l’aune des bénéfices engrangés. Quand aux évadés fiscaux, on ne peut dire qu’ils souhaitent vraiment vivre avec leurs compatriotes. On peut donc douter que l’économie soit vraiment en France un élément fédérateur. 

 

 Ce qui ne peut pas se résoudre à l’échelon national.

 

Depuis quelques décennies, les êtres humains ont compris que la planète était en danger : réchauffement climatique du à nos émissions de gaz à effet de serre, nombre d’espèces éteintes ou en voie de l’être (où sont passés les hannetons, et verrons nous encore dans quelques décennies les abeilles, les papillons, des hérissons… ?). Pour ces problèmes  l’échelon national est inopérant. 

 

 Conclusion personnelle.

 

Ce qui contribue actuellement  le plus au sentiment national, à ce « vivre ensemble «  dont parlait Renan, me semble être la langue, la géographie et le patrimoine communs. Mais être « citoyen du monde » est une aspiration de plus en plus répandue. Cependant cette aspiration est encore prématurée :  elle doit être partagée par tous le peuples, ce qui est très loin d’être le cas, sinon existe le risque de devenir vassaux d’autres peuples du globe.

 

 

 

                                                         Benoit Delcourt, le 4 Novembre 2017.

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