Y-a-t-il des certitudes scientifiques dans les sciences exactes?

Pour illustrer les relations de la science avec la certitude, j’aimerais prendre plusieurs exemples, choisis dans la Physique, ‘science exacte’ que je connais mieux que d’autres.

Premier exemple : l’homme a longtemps pensé que les astres tournaient autour de la Terre, et que l’homme ne pouvait être qu’au centre de l’univers. La solution est venue de Newton (fin du dix-septième) et nous sommes maintenant sûrs que la Terre est une planète du soleil, lui même une étoile de notre galaxie.

Deuxième exemple, plus récent : encore dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, certains scientifiques, pas tous, pensaient qu’il existait dans le ciel un milieu spécial, appelé éther, spécialement là pour permettre à la lumière de se propager, de même que le son se propage dans l’air ; ce milieu ne se manifesterait par aucun autre phénomène; certaines classifications de Mendéleev de cette époque commencent par l’élément 0, l’éther. Cet exemple est  intéressant car une quasi-certitude de nombreux scientifiques s’est finalement révélée fausse.

Un troisième exemple a trait à la radioactivité b, celle qui sert en medecine : au début du vingtième siècle, on disait que les atomes se désintégraient, avant de s’apercevoir, vers 1910 que c’était le noyau de l’atome, puis vers 1930 que c’étaient les nucléons du noyau (proton ou neutron), puis vers 1970 que c’étaient les quarks inclus dans les nucléons… en attendant la suite… Ainsi, un phénomène qu’on pensait maîtriser parfaitement s’est révélé incomplètement décrit; pourtant, les lois de la désintégration b (par exemple l’énergie de l’électron émis) sont très bien décrites à partir du noyau de l’atome, et sans se préoccuper des échelles plus petites : la mesure exacte d’un phénomène physique ne décrit pas forcément la totalité de la réalité de ce phénomène.

 

 Prenons enfin un dernier exemple, celui de la Mécanique quantique : les fervents de la Mécanique Newtonienne pensaient avoir  compris définitivement les lois qui régissaient l’Univers, lorsqu’on s’est aperçu, au début du vingtième  siècle qu’elles n’étaient plus valables à l’échelle des atomes, et qu’il fallait adjoindre au concept de ‘corps en mouvement’, celui d’une ‘ onde ‘ qui l’accompagne ; la notion de ‘position’ ou de ’trajectoire’ d’un électron est une notion fausse, on ne peut alors plus parler que de probabilité de présence, liée à l’onde. Le grand Einstein lui-même est mort sans y croire (‘Dieu ne joue pas aux dés’). Si maintenant on s’occupe non pas d’un atome, mais d’un grand nombre d’atomes ( prenons un milliard d’atomes,  ce qui est le cas d’une goutte d’eau d’un rayon d’environ un dixième de millionième de mètre), les lois de Newton se retrouvent presque parfaitement, et d’autant plus parfaitement que le nombre d’atomes est grand. Pour résumer donc, une boule de billard suit parfaitement les lois de Newton, mais les pas les atomes qui la composent. Ainsi donc, une mécanique qui semblait avérée n’a pas été reconnue fausse dans tous les cas, mais dans le cas de l’échelle atomique.

 

         Résumons nous : les Sciences exactes ont bouleversé les croyances naïves (terre autour du soleil), elles ont toujours à lutter contre des idées fausses (l’éther), liées souvent d’ailleurs à l’idée qu’on se fait du vide, elles ont souvent bien décrit  des phénomènes sans en épuiser totalement la réalité, enfin elles ne sont peut-être pas valables à toutes les échelles.

 

 Est-ce à dire que le scientifique n’a aucune certitude? Reprenons nos quatre exemples :

Nous savons décrire le mouvement des astres d’une façon quasi parfaite ; un exemple nous a encore été donné dernièrement avec l’éclipse de 1999, où la prévision, là comme dans beaucoup d’autres cas, s’est révélée parfaite.

La propagation de la lumière est parfaitement décrite par les ‘équations de Maxwell’. Malgré un très grand nombre d’expériences différentes faites sur la planète ou par observation astronomique, elles n’ont jamais été mises en défaut. Elles permettent aussi de comprendre comment marchent nos instruments électriques, du sèche-cheveux au poste de télévision.

Aucune expérience n’a contredit la  théorie de la désintégration b, applicable à de très nombreux éléments.On n’a jamais dit la dessus de chose fausse, mais tout au plus incomplète.

Quant à la Mécanique Quantique, elle s’avère depuis plus d’un demi siècle comme le cadre qui décrit parfaitement toutes les lois de la physique atomique jusqu’à l’échelle de 10-18 mètre (un milliardième de milliardième de mètre). Au-delà c’est l’inconnu. 

 

         J’aimerais conclure que, pour ce qui est de décrire des phénomènes observés, l’Homme doit savoir qu’il a une chance de réussir, et que sa réussite peut être éternelle, et cela d’autant plus qu’un certain nombre de phénomènes indépendants ont une explication commune( dans les cas de l’anthropocentrisme ou de l’éther , l’hypothèse ‘évidente’ ne pouvait pas être recoupée par un phénomène indépendant ; la grande force de la théorie de la terre-planète a été de montrer que le soleil avait d’autres planètes) . Mais peut on jamais prétendre avoir  atteint le point ultime de la compréhension d’un phénomène ? Il y a là un pas qu’un esprit rationnel ne saurait faire.

 

          Je n’ai abordé que des problèmes simples, ceux que tout le monde se pose. Mais la Science aborde aussi des phénomènes compliqués, dans lesquels de nombreux phénomènes simples interviennent. Par exemple, une molécule d’eau H20 est déjà un système compliqué, avec l’attraction de deux protons (H), d’un noyau d’oxygène (0) et de 10 électrons (8 pour l’O, et un par H) , le tout devant être traité par la mécanique quantique. La connaissance des équations de l’électromagnétisme devrait suffire à tout résoudre parfaitement, mais il y faudrait des ordinateurs géants beaucoup plus puissants que ce qu’on peut produire aujourd’hui et même imaginer. Aussi le scientifique approche t’il ce problème autrement : en faisant des approximations, que certains théorèmes lui permettent d’appliquer, ce qui lui permet de retrouver les résultats expérimentaux . Il est quasi certain d’avoir expliqué comment marche un système quand il est capable d’imaginer une autre système du même type, différent mais voisin , et de prévoir ses propriétés ; puis de le produire  et de vérifier ces propriétés… Les Physiciens du solide sont ainsi capables d’inventer de nouveaux matériaux, par exemple de nouveaux alliages métalliques, les Chimistes de nouveaux produits, par exemples des plastiques, et les Biologistes  par exemple des enzymes de synthèse : ils peuvent ainsi parler de certitudes scientifiques, dans le domaine de l’infiniment complexe.

            Quand on parle de certitude scientifique, une question réciproque se pose : toute certitude est elle scientifique ? J’aimerais répondre oui et cette réponse prouve mon optimisme pour ce qui est des capacités du cerveau humain. Mais cette réponse est incomplète : j’ajouterais que la science ne peut, et ne pourra jamais, répondre à certaines questions qui préoccupent la majorité des humains : que faisons-nous sur cette Terre, et d’où vient l’ Univers(certains prétendent savoir que  l’Univers a été créé il y a 15 milliards d’années ; tout au plus peut on dire que notre Univers était très concentré à cette époque), et sert-il à quelque chose, et qu’y a-t-il au-dessus, et qu’est-ce que ce monde abstrait, avec ces nombres et ces équations Mathématiques où notre raison peut prendre tant de plaisir (ou bien qui nous donnent tant de mal de tête !) …. Elle ne répondra jamais, mais tout au moins peut elle nous aider à ne pas donner à ces problèmes des réponses infantiles…

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