Nous nous sommes tous un jour posés cette question, car nul ne peut y rester étranger ou indifférent, même si certains peuvent arriver à la cacher plus ou moins hermétiquement dans un coin de leur esprit. Si nous acceptons de nous la poser en toute conscience, cette question nous met mal à l'aise et nous plonge dans l'urgence d'essayer d'y répondre.
On peut la décliner sous différentes formes, de la plus personnelle à la plus générale, en l'associant à des questions très voisines :
Au niveau personnel :
- pourquoi est ce que j'existe ?
- quel est le sens de MA vie ?
- ma vie a-t-elle un but ?
- ma vie a-t-elle quelque valeur ?
- ma vie doit-elle avoir un sens pour avoir de la valeur ?
- pourquoi est ce que je fais ce que je fais ?
- à quoi bon faire ce que je fais ?
- pourquoi faire des enfants ?
Au niveau de la vie (du vivant) en général, et de l'humanité en particulier :
- la vie est-elle fondamentalement différente de ce qui est inanimé ? Pourquoi ?
- la vie a-t-elle une finalité ?
- la vie évolue t-elle dans un sens (direction) précis ?
- l'humanité a-t-elle une finalité, un but ?
- ce but est-il différent de celui des individus qui la composent ?
Au niveau du monde, de l'univers :
- pourquoi le monde existe-t-il ?
- pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?
- pourquoi s'agiter dans toutes les directions pendant quelques instants sur un grain de poussière perdu dans l'univers ?
- quelle est la signification de tout ça ?
Sans oublier les questions transversales, ou d'un degré supérieur :
- pourquoi la vie, ma vie, devrait-elle avoir un sens ?
- d'où nous vient l'idée que la vie devrait avoir un sens ?
- quelle est la valeur de l'idée selon laquelle la vie devrait avoir un sens ?
Toute question appelant une ou des réponses, les hommes ne se sont pas privés, au cours de l'histoire, de tenter d'en fournir quelques unes. Ces tentatives de réponses peuvent se classer en trois catégories :
- Pour les croyants, Dieu, quel qu'il soit, est la réponse à toutes les questions. Selon les religions, les réponses données diffèrent quelque peu, abondent en détails aussi bien pratiques que spirituels, mais sont en général explicites, et sont le support d'une morale et de règles de vie bien déterminées, la plupart du temps à partir d'une parole ou d'un Livre sacré ;
- Pour les théistes, ceux qui croient en l'existence d'une transcendance sans en faire une religion, la seule réponse, très générale, est qu'il y a un sens à la vie, mais qu'il nous est caché ou inconnaissable. Le théiste est rassuré, en quelque sorte, par cette unique croyance, mais c'est à lui de définir ensuite librement ses règles de vie, sa morale et son explication du monde dans le cadre du groupe humain auquel il appartient ;
- Pour les athées, il n'y a pas de transcendance, d'aucune sorte. L'univers n'a pas été créé, il est ce qu'il est, nous sommes dedans, il n'y a pas de finalité, il n'y a que les lois de la nature. Le sens de notre vie est celui que nous voulons bien lui donner, au travers des valeurs créées par nous-mêmes. Il n'y a que l'homme et l'univers qui l'entoure, et l'homme peut, s'il le veut, y exercer sa liberté. Notre avenir est celui que nous bâtissons nous-mêmes, il n'y a aucun être transcendant pour nous dire ce que nous devons faire.
Ce sont les philosophes matérialistes et existentialistes qui ont pointé ce qui peut paraître absurde et tragique dans cette conception apparemment sans espoir, mais ils mettent ainsi en valeur la liberté de l'homme et sa capacité à être maître de son destin, quoi qu'il doive lui en coûter. Pas de Dieu, donc, mais la fierté d'être libre et de bâtir nous-mêmes notre destinée : c'est là que réside, pour eux, le sens de notre vie.
C'est en nous aidant de ces réflexions d'ordre général que nous pouvons maintenant examiner comment traiter, avec un peu de recul, les questions qu'on se pose tous individuellement, et c'est bien l'objet de notre débat aujourd'hui. Voici quelques pistes sur lesquelles nous pouvons nous aventurer :
Quand nous sommes confrontés à un évènement très douloureux ( perte d'un être cher, souffrance permanente et prolongée de certaines maladies, souffrance d'un enfant,...), quand nous voyons les horreurs qui se déroulent chaque jour dans le monde (épuration ethnique, torture d'innocents, ...), quand nous éprouvons, dans nos actes quotidiens un profond sentiment d'inutilité, nous avons alors tendance à nous poser avec beaucoup plus d'acuité la question du sens de notre vie, que nous soyons croyants ou athées. S'il y a un Dieu, pourquoi cette souffrance et ces épreuves cruelles ? S'il n'y en a pas, pourquoi les hommes, malgré leur intelligence, se comportent-ils de cette façon ?
Si nous pensons vraiment que la vie n'a aucun sens et que nos actes sont absurdes, la seule solution logique serait le suicide. Pourtant, rares sont ceux qui en arrivent là. Il faut donc croire que, malgré tout, il existe un sens caché à notre vie pour qu'on s'y accroche malgré ce qu'on en pense et ce qu'on en dit. Attribuer un sens à sa vie, c'est affirmer qu'elle vaut la peine d'être vécue, c'est se heurter à l'absurde sans jamais baisser les bras, c'est s'y confronter en permanence et chercher sans cesse pour essayer de trouver un début de réponse.
Sans connaître le sens de sa vie, on peut penser clairement qu'il en existe un, le signe qui l'indique étant la joie que l'on éprouve souvent lorsqu'on agit avec et pour les autres, ou que l'on contemple la beauté du monde. Le bonheur, c'est être en accord avec soi, avec les autres, et avec le monde, et c'est ainsi que le sens de notre vie peut se faire sentir.
Au niveau collectif et non plus individuel, on peut se demander également quel est le but, la finalité, de l'humanité ? Selon la théorie de l'évolution, les espèces vivantes se reproduisent et se modifient car elles sont en compétition les unes avec les autres. Le « but » est alors d'être plus fort que l'autre afin de se transmettre dans le temps et ne pas disparaître. C'est dans le cheminement temporel que se révèle ou non la signification de la vie humaine, au travers d'une complexité croissante conduisant à un plus grand contrôle sur son environnement. Mais il faut alors s'interroger, au-delà de ce constat, sur la finalité de ce contrôle : pourquoi cela ? « Qui » « veut » que les espèces soient en compétition et que l'une d'entre elles domine les autres ?
Il y a bien d'autres pistes de réflexion, que le débat entre les participants mettra, je l'espère, au jour.