Comment peut-on être scientifique et croire en Dieu ?

Ou comment les progrès des sciences transforment notre représentation de Dieu

 

1.  Les religions sont apparues avec l'homme et restent très vivantes aujourd'hui à l'échelle mondiale, même s'il y a un déclin en Europe

2.  Sciences et religions ont été longtemps très liées

3.  La Renaissance puis les Lumières ont permis aux sciences de se séparer de la religion. Ainsi, Laplace interrogé par Napoléon sur la place de Dieu dans son « Système du Monde », lui a répondu paraît-il : « Sire, je n'ai pas eu besoin de cette hypothèse »

4.  Cette séparation a été bénéfique pour le développement des sciences et de leurs applications, mais elle laisse en suspens les questions existentielles comme : le mal, la souffrance, la mort. Y a-t-il quelque chose après la mort ? Qu'est-ce qui est bien ou mal pour l'homme ? De plus, la séparation a limité les religions à la sphère privée, alors qu'elles peuvent contribuer au débat public dans des questions comme : quel projet peut-on construire pour l'humanité de demain ?

5.  Les religions polythéistes imaginent des dieux à l'image des hommes, aimant les femmes, jaloux et querelleurs, intervenant volontiers dans les affaires de hommes. Avec le monothéisme est apparue l'idée d'un Dieu tout-puissant et pourtant bon, intervenant aussi régulièrement soit par une action directe soit par la parole de prophètes. Le Nouveau Testament représente le Christ renonçant à tout pouvoir pour vivre et mourir d'amour dans un monde dominé par l'argent et les rapports de force.

6.  L'Eglise catholique est longtemps restée dans une relation de pouvoir sur la société. Elle pensait détenir la vérité non seulement sur Dieu mais aussi sur ce qu'il convenait de croire, ne séparant pas la religion de ses racines philosophiques. On se souvient du procès de Galilée, des réactions quand Darwin a publié « l'origine des espèces » en 1859, des réticences vis-à-vis de la psychanalyse ou de la pensée évolutionniste de Teilhard de Chardin.

7.  Pourtant l'Eglise catholique est ouverte aux évolutions des sciences : le « livre de la nature » (cad l'interprétation des phénomènes naturels) et la Bible sont pour elle deux sources d'inspiration qui ne peuvent être contradictoires, foi et raison doivent aller de pair (affirmations renouvelées des derniers papes, Jean-Paul II et Benoît XVI).

8.  Les progrès des sciences depuis deux siècles ont radicalement modifié notre représentation du monde. Nous sommes passés d'un univers fixe avec une Terre récente à un univers en expansion, âgé de 14 milliards d'années, peuplé de milliards de galaxies dont chacune contient des dizaines de milliards d'étoiles. Autour de l'une d'elles s'est formée notre Terre il y a 4,5 milliards d'années ; la vie est apparue il y a plus de 3,5 milliards d'années puis a évolué en produisant l'extraordinaire diversité biologique qui nous est familière. Le genre Homo est apparu il y a quelques millions d'années et notre espèce il y a environ 200 000 ans.

9.  Devant ces acquis des sciences, deux attitudes sont possibles. Un athée comme Weinberg ou Lévi-Strauss peut méditer sur le hasard qui préside à la formation des galaxies et à la naissance des espèces, en pensant que cet ordre apparent des astres et des vivants n'est qu'une phase éphémère dans le mouvement de fond qui va vers l'uniformisation et la mort en maximisant l'entropie de l'univers. Un croyant peut reconnaître l'action d'un créateur en s'émerveillant devant la beauté de ce qui nous est donné à voir : les étoiles du ciel, les plantes, les fleurs et les animaux. Notre émerveillement est renforcé par les découvertes récentes (le principe anthropique ou le fait que les constantes physiques ont des valeurs précisément ajustées pour permettre l'existence de l'univers matériel : des valeurs plus faibles ou plus fortes ne le permettraient pas). Le choix entre ces attitudes nous appartient, il n'est pas dicté par les sciences ni par les religions. Entre ces attitudes, on peut s'émerveiller en reconnaissant un ordre cosmique sans pour autant l'attribuer à un Dieu créateur, il existe de nombreuses variantes de cette attitude aujourd'hui.

10.  Mais si l'on admet l'existence de Dieu, il faut admettre qu'il est bien caché actuellement. C'est d'après Darwin la sélection naturelle qui explique l'apparition des espèces et non la création divine, et nous regrettons souvent l'absence de Dieu (la Shoah, la souffrance d'un enfant). Alors, comment se manifeste Dieu aujourd'hui ? Est-ce un Dieu créateur ? Est-il bon ? Est-il tout-puissant ? Lorsque nous élevons nos enfants, nous cherchons à leur donner ce que nous avons de meilleur ; quand ils atteignent l'adolescence, nous les laissons trouver leur voie en respectant leur liberté tout en leur fixant certaines limites. On peut imaginer le rôle de Dieu comme celui d'un parent qui veille non seulement sur l'humanité mais sur tout l'univers, le laissant très largement autonome à l'intérieur de certaines limites (les lois et constantes fondamentales). Peut-être un ajustement est-il nécessaire çà et là mais ce ne peut être que dans des cas exceptionnels, et nous avons la liberté de croire ou non en l'action d'un créateur. Les chrétiens ont l'exemple du Christ des Evangiles, qui par la puissance de son amour, a bouleversé le coeur de ceux qui l'écoutaient, permettant aux malades de guérir et aux opprimés d'être libérés des forces qui les empêchaient de vivre. Il survit à travers de nombreux témoins au cours de l'histoire, dont certains nous sont familiers comme l'abbé Pierre ou soeur Emmanuelle qui vient de s'éteindre. Cette action est particulièrement nécessaire aujourd'hui, et les chrétiens et d'autres avec eux pourraient se donner comme objectif de faire grandir l'amour dans le monde comme antidote aux forces déstabilisantes de la compétition économique liée à la mondialisation.

 

Marc Le Maire et Bernard Saugier

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