Au moment où les choix politiques se dessinent autour du grand Paris, il est utile de se poser la question de la pertinence des soutiens directs ou indirects aux activités agricoles sur le plan régional, national voir européen.
Les formes agricoles, les filières, les acteurs sont-ils au rendez-vous de la demande urbaine ?
Les élus, leurs conseils en urbanisme, aménagement et développement économique sont-ils en phase avec la réalité économique de ces métiers et de leurs contraintes si particulières ?
URBAIN et RURAL
Deux logiques, deux mondes, deux cultures
"On a tous une ferme quelque part" peut dire chaque français tant sa filiation rurale est encore proche, et pourtant il accourt en ville ou plutôt en banlieue pour des raisons économiques. Ce même citoyen urbain est parfaitement ambivalent. Il y a souvent un fossé infranchissable entre les demandes urbaines d'une agriculture idéalisée et l’acceptation des contraintes liées à son maintien sur la commune où cette même agriculture doit se développer.
Préservation contraignante du foncier, accueil d’activités économiques dont on ne regarde que les nuisances, méconnaissance de la fragilité économique, faible prise de conscience de ces TPE qui sont intégrées dans des filières contraignantes et qui laissent de très faibles marges de manœuvre aux agriculteurs. Crise du logement agricole salarié et surcoût d’exploitation, isolement social et image contrastée, absence de jeunes formés et de filières adaptées !...
Voilà une liste non exhaustive des handicaps réels et concrets auxquels l'agriculture de proximité doit faire face.
Et pourtant développer l’agriculture de proximité est une priorité patrimoniale, sociale, environnementale et économique.
Garant de l’exploitation de la plus grande partie du territoire, les agriculteurs sont bien plus que les jardiniers du paysage péri-urbain, ils sont avec les élus et les associations bénévoles qui existent dans chaque commune (randonnée, histoire, loisirs...) une des 3 composantes indispensables d'une gestion patrimoniale d’un territoire. Or c’est dans cette appropriation collective d’un territoire de façon patrimoniale qu’une nouvelle valeur est révélée et que les acteurs du développement de cette valeur sont reconnus! Il naît alors des fiertés qui sont le socle de nouvelles alliances objectives. Il n’y a plus la caricature du "gros" céréalier pollueur et tueur à côté du gentil "petit" maraîcher bio et heureux. Il y a des hommes et des femmes attachés à un territoire, fier de le maintenir, de le valoriser, reconnus chacun dans un rôle nécessaire et utile avec la ferme volonté de pouvoir se donner les meilleures conditions d’un développement économiques.
L’agriculture de proximité est donc un enjeu patrimonial majeur à l’échelle locale et régionale.
Ensuite il y a un réel enjeu social au déploiement d’une agriculture de proximité.
Notre société va vite, de plus en plus, les nouvelles technologies envahissent également les cabines de tracteur pour travailler mieux avec moins d’efforts physiques.
Le rythme est annuel, 40 à 50 cycles de production dans la vie de la plupart des exploitants agricoles! La planification est chaque jour remis en cause par les conditions météo qui conditionnent l’organisation du travail : on ne maîtrise pas tout !!!
Les conditions d’exploitation contemporaines redonnent une large place à l’observation des cultures et à l’agronomie loin d’une application aveugle de recettes.
"Le vivant est de retour" et ce qu’il apporte à un monde virtuel est non seulement essentiel, c’est vital.
Nous avons des retours extrêmement positifs des expériences de travail en agriculture de la part de toutes les populations jeunes en construction ou en recherche de voie professionnelle et des populations en difficultés qui sont parfois en réinsertion. On oublie trop vite que ce secteur a été très longtemps un formidable vivier d’accueil de personnel immigré et / ou en difficulté, disséminé sur le territoire, intégré dans des structure à taille humaine ...
Le coût du travail en agriculture a anéanti une large partie de ces services rendus au reste de la société pour un coût modeste.
Il faut préserver et développer ce rôle avec pragmatisme et politique de long terme. (Logements saisonniers, charges sociales sur les travailleurs saisonniers, financement de l’accueil de publics en difficultés sur certaines structures adaptées...)
L’enjeu environnemental est également à souligner : principal acteur de la préservation des trames vertes et bleues à l’échelle du grand territoire, l’agriculteur est également développeur de biodiversité selon ses choix techniques. Il doit être encouragé pour cela et soutenu financièrement car en servant l’intérêt collectif global, il ne va pas être rémunéré pour compenser la perte de rendement qui va s’opérer sur ces productions. Par ailleurs rémunérer les services environnementaux réalisés par les agriculteurs (entretien des haies et chemins, bords de rus...) est essentiel pour stabiliser cette population sur les communes ou ils travaillent. Enfin et surtout il est beaucoup moins coûteux de rémunérer un agriculteur au maintien d’un patrimoine naturel que d’intégrer ces travaux dans les services des collectivités en direct ou externaliser. Le surcoût peut même être vertigineux.
Enfin et c’est un rôle majeur, il faut développer une agriculture de proximité pour des raisons économiques, qui est cré atrice d’emplois par sa multifonctionnalité (production, vente, services...)
Ces emplois sont non dé-localisables et ils ont des profils qui permettent une forte employabilité dans la société.
Cette agriculture de proximité crée de la valeur ajoutée par la suppression d’intermédiaires ou bien même permet une meilleure valorisation des produits par la confiance producteur-consommateur ou par l’effet "marque de territoires".
Créer de la valeur ajoutée est un principe élémentaire de la création de richesses.
Développer des poumons verts productifs donne de la valeur au foncier et donc à l’immobilier qui l’entoure. Il y a un cercle vertueux à créer des espaces verts en ville qui améliorent de 5 à 10 % la valeur des appartements situés à proximité, il y aura des valorisations supplémentaires pour les territoires qui auront su garder et développer une agriculture ouverte, multifonctionnelle.
Les populations s’y attachent et cela justifie un choix d’installation en banlieue choix bien souvent subi pour des raisons économiques.
L’économie agricole périurbaine est à préserver avec sa filière amont et aval, ses lieux de formations et ses conseils et expertises. Aujourd’hui les voyants sont au rouge. Certains élus régionaux et nationaux sont dans l’urgence de la mobilisation or il en va de l’intérêt majeur pour toutes les populations de mobiliser tous les acteurs et tous les décideurs pour redéployer une agriculture de proximité.
Xavier LAUREAU