Démographie : la réduction de la population mondiale est-elle une nécessité?
L’idée de fond qui sous-tend ce débat est la suivante : si la population humaine mondiale ne dépassait pas quelques centaines de millions d’individus, disons 1 milliard, il n’y aurait quasiment aucun problème touchant à l’environnement, à la disponibilité des ressources, à l’alimentation humaine, c’est-à-dire à la possibilité d’une vie heureuse et confortable pour tous les êtres humains sans pénaliser la biodiversité, et plus généralement, l’équilibre du système « Terre ». Pourtant, les avis sont partagés, souvent tranchés, ou alors se cantonnent à la simple observation des fluctuations de la population conduisant à des prévisions pour le futur, indépendantes de toute action humaine volontariste.
La situation actuelle
Depuis le 19e siècle, la population est passée de 1 milliard en 1800 à 1,6 milliards en 1900, 2,5 milliards en 1950 pour atteindre 8 milliards à la fin de 2023. Les projections les plus crédibles pour le futur (scénario médian de l’ONU) conduisent à un chiffre compris entre 9 et 11 milliards vers 2050, à un plateau jusqu’en 2100 puis à une baisse lente au cours du siècle suivant, hors catastrophes naturelles d’ampleur ou guerres totales. Cette croissance est donc quasiment exponentielle jusqu’à présent, mais il y a des signes forts de ralentissement déjà en cours : quel que soit le pays, les indicateurs sont à la baisse, que ce soit une baisse effective de la population dans plusieurs pays riches, ou une baisse de la fécondité dans les pays pauvres. Par exemple :
La Russie a perdu 10 millions d’habitants entre 1990 et 2020,
La Corée du sud a le taux de fécondité le plus bas du monde : 0,88 enfant/femme
Le taux de fécondité de l’Afrique est passé de 4,72 enfants par femme entre 2010 et 2015 à 4,43 en 2020 (avec de fortes disparités entre pays). Mais avec l’inertie démographique, la population va continuer à croître pendant plusieurs dizaines d’années, même si ce taux devient inférieur à 2,1, seuil de renouvellement.
pour le monde entier, la moyenne était de 2,52 en 2010, elle est passée à 2,47 en 2020
Les raisons de cette croissance exponentielle
Les impératifs religieux : « croissez et multipliez » dans la Bible ; place de la femme dans la religion musulmane
Les impératifs économiques : avoir des enfants qui travaillent et qui rapportent de l’argent (encore vrai dans les pays pauvres) ; avoir des personnes actives en nombre suffisant pour payer les retraites
Les progrès de la médecine ont réduit considérablement la mortalité infantile et conduisent à un allongement de la durée de vie, donc au vieillissement de la population
Raisons géopolitiques : la puissance d’une nation est liée en grande partie au chiffre de sa population ; le mythe de la grandeur passée que certains pays veulent retrouver au travers de conflits nationalistes nécessitant beaucoup de combattants
Les raisons de la décroissance qui est annoncée
Attractivité du mode de vie occidental
Augmentation de l’alphabétisation et plus généralement de l’éducation des femmes dans les PVD ; en particulier développement de l’information et de la diffusion des moyens contraceptifs
Légalisation montante de l’IVG
Diminution de la fertilité des hommes et des femmes avec l’âge et en raison de la pollution de l’environnement par des produits nocifs (tabagisme, perturbateurs endocriniens)
Généralisation du travail salarié des femmes dans les pays occidentaux, qui recule l’âge auquel les femmes ont leur premier enfant et limite le nombre d’enfants
Prise de conscience écologique de l’impossibilité à terme d’une croissance continue dans un espace limité, notamment de l’impact de l’accroissement de la population sur le réchauffement climatique
Pessimisme accru sur ce que sera le monde futur, et volonté de ne pas imposer aux enfants une vie supposée difficile voire insoutenable
Pourquoi et comment accélérer la décroissance de la population
Actuellement, nous consommons en un peu plus de six mois les ressources que la Terre peut renouveler chaque année. Nous vivons donc en grande partie sur les stocks que la nature a mis des millions d’années à constituer, et cela ne pourra que s’aggraver si le niveau de vie des PVD continue de s’améliorer et la population d’augmenter. En conséquence, si la population est réduite drastiquement, nous vivrons mieux et sans détruire notre environnement.
Si on laisse évoluer la population sans objectif volontariste contraignant, on n’atteindra pas le chiffre de 1 milliard d’êtres humains sur Terre avant plusieurs dizaines, voire centaines d’années. C’est incompatible avec la nécessité de limiter, voire de supprimer au plus vite notre impact excessif sur l’environnement, en particulier la nécessité de ne pas dépasser un réchauffement climatique de 1,5 °C à l’horizon 2050. Quelles solutions peut-on alors envisager pour accélérer cette décroissance ?
Les possibilités
Aucune solution réaliste et morale n’est possible avec l’objectif d’atteindre 1 milliard en 2050 ou même 2100. On peut juste tenter d’accélérer autant que possible le mouvement en cours à l’aide des moyens détaillés ci-dessus
Une décroissance plus lente peut néanmoins être envisageable si les objectifs de limitation du réchauffement climatique de l’accord de Paris sont accentués, au minimum respectés
Certains combattent l’idée même de diminution de la population, avec l’argument que la Terre peut nourrir sans problème majeur 15 milliards d’individus. Mais quel intérêt y a-t-il à être aussi nombreux ?
Le hasard…(catastrophes naturelles, épidémies incontrôlables, etc). C’est peu probable !
Notons que les guerres, aussi meurtrières soient-elles, sauf guerre nucléaire totale, ne sont pas la solution : quelques dizaines de millions de morts au XXe siècle, sur 8 milliards…
Les obstacles
Les différents pays du monde ne sont pas dans la même situation sociale, économique et religieuse. La montée des gouvernements populistes court-termistes et dans le déni de la question environnementale et démographique empêche de prendre des mesures efficaces consensuelles entre le Nord et le « Sud global » que tout oppose
Avec les taux de natalité actuels, les pays développés voient leur population se réduire et celle des PVD augmenter. A la fin du siècle, l’Union Européenne passera de 447 à moins de 400 millions malgré un solde migratoire important, et l’Afrique de 800 millions à 4 milliards. D’où des problèmes jugés insupportables d’immigration incontrôlable et de perte d’influence dans le monde
Les solutions efficaces mais totalement inconcevables pour de légitimes raisons éthiques existent ; Idris Aberkane les détaille dans une conférence[1] qui fait froid dans le dos : stérilisation de masse de la plupart des gens ; dissémination dans les aliments, les médicaments ou les vaccins de produits diminuant drastiquement la fertilité ; diffusion d’épidémies dont seule une classe privilégiée aurait le contrôle, etc
20% des pays sont responsables de 80% de la consommation et de la pollution du monde. Mieux répartir et mieux gérer les ressources pourrait donc être plus efficace que réduire la population. Mais quelle chance que cela se produise ?
Conclusion
Vaut-il mieux ne rien faire au nom de la liberté individuelle et se retrouver dans la situation d’une Terre surpeuplée comme dans « Soleil vert », ou vouloir tout contrôler et vivre dans « Le meilleur des mondes » ou « 1984 », ou essayer d’autres possibilités comme dans « Les monades urbaines » ?[2]
Jean-Jacques Vollmer
27 janvier 2024
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[1] https://www.youtube.com/watch?v=MuZCcN9Ocls
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Monades_urbaines#L%27univers_des_monades_urbaines