Comment vivre sans pétrole ?
1/ Remarques d’ordre général
- On ne s’intéresse ici qu’aux hydrocarbures liquides ou gazeux (HLG) : le charbon est actuellement très marginal pour les transports et le chauffage, et ne pourra facilement se substituer aux HLG qu’en passant par l’électricité (centrales électriques) ;
- les hydrocarbures fossiles sont une ressource finie. Par conséquent, un jour il n’y en aura plus. La production, partie de zéro, arrivera donc à zéro, et en cours de route on passera forcément par un pic de production maximum : le pic de Hubbert. La date de ce pic fait l’objet de vives polémiques ;
- les réserves de pétrole sont la différence entre les nouvelles découvertes de gisements et la consommation annuelle. Or, depuis le début des années 80, on consomme plus que ce qu’on découvre : on tape donc dans les réserves depuis plus de 25 ans ;
- quand on en arrive au pic de Hubbert, on a consommé environ la moitié du pétrole existant, celui qui est le plus facile à extraire. Il en reste donc beaucoup, mais il sera plus cher, et en grande partie non extractible ;
- jusqu’au pic, l’offre est supérieure à la demande : les prix sont bas, et l’offre s’ajuste sans problème à la demande. Après le pic, la demande est supérieure à l’offre, qui ne peut suivre : les prix s’envolent, et la demande est obligée de s’ajuster à l’offre.
2/ Quelques chiffres
Toutes les énergies sont exprimées dans la même unité : la TEP (Tonne Equivalent Pétrole), ou son multiple le million de tonnes équivalent pétrole (MTEP).
Les hydrocarbures (HC) se trouvent sous trois formes :
- liquide : le pétrole
- gazeuse : le gaz naturel (90% méthane) et les gaz de pétrole (butane, propane… 10%)
- solide : le charbon (90% de carbone).
La consommation totale d’énergie fossile en France est de 194 MTEP en 2007, hors production d’électricité nucléaire. Les centrales thermiques de production d’électricité au gaz et au charbon consomment 10 MTEP, et les raffineries 5,5 MTEP.
La répartition des consommations par secteur est la suivante :
Secteur
Conso totale
Pétrole
Gaz
Total HC
% HC/Total
Industrie/ Agric.
40
8
12,5
20,5
51%
Résidentiel
70,5
14
23
37,5
53%
Transports
51,5
49
0,1
49
95%
Non énergétique
16
13,5
1,5
15
100%
Total
178
84,5*
37**
122
69%
* Il faut y ajouter 5,5 MTEP consommées dans les raffineries pour fabriquer les 84,5 MTEP de produits raffinés (essence et gazole essentiellement).
** Il faut ajouter 4 MTEP pour les centrales électriques à gaz
On voit aussi que les transports représentent 57% du pétrole consommé en France, et que le chauffage des logements représente 62% des consommations de gaz.
Les gisements de gaz sont la plupart du temps reliés à ceux de pétrole, et le prix du gaz est indexé sur celui du pétrole.
Par conséquent, si le pétrole vient à manquer :
- le gaz manquera aussi peu après,
- les prix du fuel domestique, de l’essence, du gazole, du kérosène et du gaz vont augmenter fortement bien avant qu’on en manque,
- les problèmes concerneront d’abord les transports (voitures, camions, avions, bateaux), et dans une moindre mesure le chauffage des habitations.
Alors, quelles solutions pour résoudre ce problème ?
3/ Trouver quelque chose qui remplace les hydrocarbures pour que rien ne change.
Ce n’est pas possible.
Le pétrole (et le gaz) servent à :
- chauffer les habitations
- faire rouler voitures et camions, avions, bateaux
- fabriquer des matériaux en plastique pour de multiples usages
- en tant que matière première pour la chimie et la pharmacie (engrais, pesticides, peintures, solvants,…)
L’électricité peut chauffer les habitations
Elle aura du mal à faire rouler les voitures de la même façon
Pour les camions et les bateaux, c’est pratiquement exclu, pour les avions c’est impossible
Et la production d’électricité devra augmenter, dans des proportions incompatibles avec la construction de nouvelles centrales nucléaires ou le développement des énergies renouvelables.
Des combustibles non pétroliers ?
- les agro-carburants, mais avec des conséquences alimentaires et écologiques très mauvaises ; éventuellement les carburants issus du bois, de l’herbe et de la biomasse (pas encore au point) ;
- la liquéfaction du charbon ? Il faut de l’hydrogène, d’où viendrait-il ?
- le charbon seul ? Très polluant, et pas de transport avec du charbon, sauf les bateaux.
- l’hydrogène pourrait être extrait de l’eau par électrolyse, avec un mauvais rendement, et donc des besoins accrus en électricité
L’utilisation du pétrole en tant que matière première ? Les tonnages étant assez limités, on pourrait remplacer les plastiques ex pétrole par des matériaux bio. C’est possible sans impact sur l’alimentation, contrairement aux agro carburants.
4/ Changer de mode de vie
Modifier nos modes de vie
On peut vivre très bien en changeant à la marge nos habitudes :
- plus d’engrais ni de pesticides à haute dose, réexamen de l’impact de la chimie lourde, cultures bio ;
- économies d’énergie dans les habitations : mieux isoler, chauffage performant (PAC, solaire), maisons à énergie zéro, maisons passives
- transport électrique individuel pour les courtes distances, train pour les longues distances (et le vélo !)
- suppression des emballages plastique et des usages inutiles, réutilisation des récipients
- production décentralisée d’énergie pour les besoins individuels à l’échelle de la commune ou du canton (bois, solaire, éolien)
- réserver la production d’énergie centralisée pour l’industrie, surtout l’industrie lourde (sidérurgie, métallurgie, chimie) tout en réduisant les besoins.
Changer fortement nos modes de vie
- relocalisation des productions agricoles de base
- vivre plus avec son environnement proche
- commerce de proximité
- rapprochement domicile – travail
- transports collectifs locaux mieux développés et optimisés
- échanges de services de proximité
- télétravail
- éliminer les gadgets et les faux besoins
- disparition du tourisme de masse
Changer de mentalité
- le « plus » n’est pas forcément mieux
- coopérer plutôt que concurrencer ou éliminer
- arriver à découpler les notions de richesse et de bonheur
- détruire le mythe de la croissance, ne pas le confondre avec le développement
...et enfin, il faut remarquer que les questions énergétiques seraient sans objet, ou presque, si l’humanité cessait de proliférer de manière inconsidérée : un monde où vivraient seulement 1 milliard d’individus serait « durable », alors qu’à 6 milliards aujourd’hui et 9 milliards en 2050 il ne l’est plus.
Mais ceci est un autre débat…