La marche serait-elle salvatrice pour le corps et l'esprit ?

  Pourquoi la marche serait-elle salvatrice pour le corps et l’esprit ?

 

Introduction : De toute évidence, la marche, ce geste simple et si profondément humain, possède un pouvoir régénérateur. Mais cette sensation peut aller du simple mieux-être, jusqu'à ce qui est appelé une expérience source d'évolution existentielle. Le silence et la solitude font surgir des bouts de phrase, une sorte de dictée intérieure. Sujet simple en apparence qui débouche sur la question de la séparation du corps et de l’esprit ou non ?

 

Volontairement, le texte ne rentre pas dans le débat du problème de fond ; la séparation du corps et de l’esprit, abordé par le matérialisme, doctrine selon laquelle il n'existe d'autre substance que la matière (corps), s'opposant au dualisme qui admet l'existence de deux substances distinctes : l'esprit et la matière (corps). Descartes, Spinoza, Hobbes, Bergson et autres philosophes ont eu des avis différents sur ce sujet.

 

1/ Quel est le sens de la marche : Pour le plaisir de laisser vagabonder la pensée.

Quand on marche, on se détache de soi-même, il s’agit de se rendre disponible à la présence elle-même. La marche par sa lenteur, est un opérateur de ralentissement : de la vie, du temps et de l’espace. Elle est considérée comme un chemin vers la liberté, car l’esprit est alors libre de penser, beaucoup plus en promenade qu’en randonnée, car se promener, c’est être réceptif aux choses qui nous entourent, sans pour autant y porter un intérêt trop soutenu, c’est se laisser aller, aux impressions de la nature, sans s’y plonger, c’est regarder sans observer,  sans se fatiguer, se laisser distraire sans rêver, s’éloigner du monde sans le fuir. Se promener est un plaisir libre qui ne coexiste avec aucune contrainte, la contemplation et la jouissance de la nature y contribuent. Cela montre des différences, entre se promener et randonner activité plus sportive que la promenade. Au final, promenade, randonnée, tout cela reste une histoire de marche à pied c'est-à-dire mettre un pied devant l’autre, avancer.

 

2/ La marche a des versants politiques forts : Elle valorise la détermination, la résistance, d’où les marches comme acte de protestation politique.

Henry David Thoreau (1817 - 1906) un des premiers à avoir écrit un essai philosophique sur la marche, et lui-même grand marcheur, est également l’auteur d’un traité fameux sur la « désobéissance civile » que Gandhi et Martin Luther King ont lu avec passion. Dans la marche il y a une non violence qui repose sur l’endurance. La marche illustre bien, que le pacifisme authentique repose sur le courage et la fermeté, le refus constant de ne jamais céder à la tentation de la violence.

Gandhi : entame le 12 mars 1930 une marche de vingt six jours. Il proteste avec ses pieds contre l’impôt sur le sel, véritable gabelle qui taxe tous les Indiens. Près de 400 km plus tard, des milliers de marcheurs parviennent sur la plage de Dandi, le 6 avril. Gandhi y recueille symboliquement du sel dans ses mains : il sera emprisonné le 4 mai, partageant son sort avec 60 000 indiens, jusqu’à ce que, neuf mois plus tard, le vice roi des Indes reconnaisse son impuissance à imposer la loi britannique. Le droit de collecter le sel est accordé aux Indiens. C’est un premier pas vers l’indépendance.

 

3/ Les pèlerins et le virus de Saint-Jacques de Compostelle : Comment expliquer, à ceux qui ne l’ont pas vécu, que le chemin a pour effet sinon pour vertu, de faire oublier les raisons qui ont amené à s’y engager ?

On part à l’aventure sans à priori, pour découvrir l’inconnu, on y trouve ce que l’on ne cherchait pas, un sentiment de plénitude, de détachement, le vide qui laisse la place à l’essentiel, l’altérité, l’humain, la nature, l’effort, on réalise que l’on a des ressources jusque là inconnues de nous-mêmes, car au départ on se demande si on va y arriver, on doute. A la fin on est content d’avoir surmonté des difficultés, et d’avoir fait des rencontres inattendues.

Cette marche permet de se délester de l'inessentiel, de relativiser notre attachement à des choses finies, qu'il s'agisse de possessions matérielles, d'avantages ou de positions sociales. Elle amène ainsi progressivement à se défaire d’un certain nombre de contraintes sociales ; et notamment la plus puissante (bien qu'illusoire) d'entre elles : l’identité. Quand on marche, avant tout statut social, ethnique ou religieux, on est d’abord marcheur ou pèlerin !

 

4/ La marche est une source d’inspiration pour les Philosophes : Comme l’ont bien vu nombre de philosophes d’Aristote à Nietzsche, en passant par Rousseau, Kant et bien d'autres, la marche est propice à l’émergence de la pensée, à une incorporation, une lente et féconde rumination (pour reprendre l'expression de Nietzsche) qui permet aussi bien de forger des idées que d’en abandonner certaines autres.

 

 

 

Jean Jacques Rousseau revient sur ses pas dans les confessions des voyages à pied livre 4: « Jamais je n’ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi, si j’ose ainsi dire, que dans ceux que j’ai faits seul  à pied. La marche a quelque chose qui anime et avive mes idées : je ne puis presque penser quand je reste en place, il faut que mon corps soit en branle pour y mettre mon esprit ». On y retrouve aussi l’évasion de l’esprit, la liberté du corps mais aussi de l’esprit. « L'éloignement de tout ce qui me fait sentir ma dépendance, de tout ce qui me rappelle à ma situation, tout cela dégage mon âme, me donne une plus grande audace de penser, me jette en quelque sorte dans l'immensité des êtres pour les combiner, les choisir, me les approprier à mon gré, sans gêne et sans crainte ».  Pendant ses voyages l’opposition du corps / esprit n’existe plus.

 

5/ La méditation : Réflexion profonde, concentration du corps et de l’esprit favorise la contemplation. La marche est considérée comme l’une des formes méditatives qui permet d’atteindre une vigilance complète, ouvrant un état de recueillement, dans lequel l’esprit n’est plus diverti, tout en restant ouvert et sans attente.

 

6/ Les balades en forêt sont bénéfiques pour la santé, tant physique que mentale :

La traversée d’une épreuve morale, trouve dans l’épreuve physique qu’est la marche, un antidote puissant qui modifie le centre de gravité de l’Homme. En plongeant dans un autre rythme, une relation nouvelle au temps, à l’espace, aux autres, par ses retrouvailles avec le corps, le sujet restaure sa place dans le monde, il relativise ses valeurs et reprend confiance en ses ressources propres.

Pour les Japonais, le « bain de forêt » fait partie intégrante des concepts thérapeutiques, tant pour les souffrances mentales, que pour les troubles cardiovasculaires et respiratoires.

Une balade en forêt met en mode de récupération physique et mentale, elle renforce le système immunitaire, fait baisser le taux d’hormones du stress le cortisol, réduisant ainsi les symptômes de stress physique, elle permet également, une augmentation de l’hormone du bonheur : la sérotonine. La forêt est saine pour les voies respiratoires.

Le mouvement du corps doit être pour l’esprit une détente, et pour le corps un moyen de conforter la santé. On peut souligner le fait, que notre esprit est capable de vagabonder dans le temps, mais pas notre corps. Le corps, lui, est toujours dans le présent.

 

7/ Marcher contre la vie courante, David Le Breton, auteur du livre Eloge de la marche : Nous vivons le temps d’une « humanité assise », au sens où notre corps est sous-utilisé dans la vie quotidienne. La marche est une forme de lutte contre cette tendance. Elle permet en quelque sorte de réinsérer à peu de frais le corps dans le monde, en rétablissant les innombrables sensations que la vie urbaine tend à occulter. Elle enseigne la patience, à ne pas se précipiter et à s’ajuster aux circonstances. La marche permet de laisser rapidement derrière soi, des soucis qui parfois nous rongent, et libère l’esprit.

 

8/ Conclusion : Nous montrons ainsi que la marche favorise l’évasion de l’esprit, elle amène des bénéfices pour la santé physique et morale, elle assure donc des interactions positives entre le corps et l’esprit, et leur permet de se délester des négatives. La citation « Un esprit sain dans un corps sain », écrite par le célèbre poète Juvénal, dans sa dixième satire entre 90 et 127 après Jésus-Christ, est tout à fait significative et pertinente. A notre époque où la sédentarité et l’isolement s’installent, leurs conséquences deviennent très préoccupantes, elle est donc fortement conseillée d’être retenue et appliquée.

 

 

                                                                       Daniel Soulat 18/11/2023

 

 

Nota :Extrait d’un message du Pape François à des pèlerins Juin 2016 : « La vie c’est une marche, et quand on croit vivre sa vie sans avancer, on ne peut pas vivre sa vie en restant à l’arrêt. La vie est une marche, pour faire quelque chose, pour aller de l’avant, pour construire une amitié sociale, une société juste ».

                                                       

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