Que gagne t-on à être pessimiste ?

On a coutume de définir le pessimisme et l’optimisme par une formule « L’optimiste voit le verre à moitié plein alors que le pessimiste voit le verre à moitié vide ». La formule ne dit pas si le liquide est agréable à boire encore moins si c’est un poison.  Le pessimisme et l’optimisme sont aussi représentés par deux personnages : la fourmi et la cigale dans une fable de La Fontaine. Une des figures symboliques du pessimisme est l’épargnant. Nos gouvernements qu’ils soient de gauche ou de droite n’ont jamais été des pessimistes croyant que l’on pouvait vivre éternellement à crédit. Ce qui contredit l’adage qui  voudrait que la caractéristique de la droite soit le pessimisme. Il est rare qu’un homme politique pessimiste comme Winston Churchill soit élu. Les Français ont élu un optimiste comme président et sont maintenant déçus. La France serait-elle en meilleure état si un pessimiste comme François Bayrou avait été élu ? Avant d’être une idée philosophique et politique, le pessimisme était d’abord une idée religieuse et en Occident une idée chrétienne.

 

On a souvent tort de discréditer les pessimistes tout d’abord parce que souvent, ils nous préviennent des risques. Tous ceux qui dans les années précédentes, ont annoncé l’imminence de catastrophes écologiques, économiques et financières n’ont pas été démentis par les faits. Etre pessimiste ne veut donc pas dire être résigné, au contraire : cela implique d'être capable de faire l'analyse des menaces, de les comprendre, de les prendre au sérieux et d'agir.

L’Etat lui-même fixe des bornes aux optimistes en leur imposant entre autres la Sécurité Sociale, l’assurance-auto, le port de la ceinture de sécurité car bien sûr les optimistes ne tombent jamais malades et n’ont jamais d’accident. L’insouciance est souvent le propre de la jeunesse. Combien de fois n’avons-nous pas dit à nos enfants « Je t’avais prévenu et tu n’as pas voulu m’écouter ». Bien sûr il ne s’agit pas de tomber dans l’excès inverse et d’éviter tout risque. Ce qui est valable dans la vie de tous les jours, l’est encore plus dans les périodes difficiles ou sombres de l’Histoire. Dans ces périodes, les pessimistes ont souvent eu raison et ceux qui les ont écoutés se sont épargné bien des désagréments. Ben Gourion, par exemple, avait raison de dire qu'à sa connaissance seuls quelques pessimistes étaient sortis vivants des camps de concentration. On peut toujours railler les pessimistes comme cela a été le cas il y a quelques années et pourtant la crise financière est bien arrivée en 2008. Les Etats ont sauvé les banques en 2008. Qui sauvera les Etats dans les prochaines années ? Ne comptez pas sur les Marsiens lors de l’éclatement de la prochaine bulle.  Comme nous avons été prévenus en 2005 et 2006 sur la crise financière, nous sommes maintenant prévenus de la crise énergétique qui s’annonce : après bien d’autres rapports sur l’imminence du « Peak Oil » , c’est au tour de l’armée allemande de sortir un rapport alarmant. De manière générale, il est toujours possible d’être informé sur « l’état du Monde » en cours, encore faut-il avoir le courage de chercher l’information.

 

La vie est un long fleuve plus ou moins tranquille qui se jette dans la mort. Les plaisirs de la chair à table succèdent aux plaisirs de la chair au lit. Sans doute y a-t-il un temps pour courir les filles et un temps pour les laisser courir. Ceci ne doit pas conduire à l’amertume mais à la lucidité. En son temps, Schopenhauer pensait qu’un individu est authentique s’il a parfaitement conscience de ses souffrances ; au contraire, l’homme du quotidien est celui qui tente, par tous les moyens mis à sa disposition, de se divertir pour oublier le mal au risque passer au-dessous de l’essentiel. Chaque individu, au moins une fois dans sa vie, subit la souffrance et l’injustice ou l’inflige. Le pessimiste, par sa connaissance juste du monde et donc sa lucidité, regarde en face et affronte la souffrance du monde, ce qui lui permet de vivre réellement. Le pessimiste par sa lucidité accède à la sérénité et par de là au bonheur passager. Schopenhauer n’a pas connu la mondialisation à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui. Il n’a pas vécu les différentes bulles financières et économiques et leurs éclatements. Il n’a pas vécu non plus ces différentes fuites en avant telles que la fuite en avant dans l’endettement. Il n’a surtout pas connu le développement exponentiel de l’espèce humaine. L’espèce humaine étant la seule espèce animale n’ayant pas de prédateur, elle s’est lancée dans une reproduction effrénée qui peut être qualifiée de suicidaire. Ce phénomène a plusieurs conséquences. La première est la survie de l’espèce humaine. Le capital naturel s’épuise, et avec lui, les ressources et les équilibres qui garantissent la vie. La deuxième conséquence est la concurrence entre humains. Plus les humains se reproduisent, plus il y a de bras pour accomplir les tâches désagréables et simples, à des coûts faibles. Cette deuxième conséquence est accentuée par une mondialisation elle-même effrénée. Que faire ? Refuser la mondialisation avec les risques que cela engendre ou s’armer pour la guerre économique ? Du fait de cette compétition intense, rien n’est acquis ; sans cesse il faut se remettre en question. Tout cela ne doit pas nous faire oublier la crise économique dans laquelle nous sommes entrés.

 

Jamais les Français et les Allemands n’ont été aussi pessimistes n’ayant même plus confiance en leur monnaie commune : les premiers se débarrassant de leurs euros contre de  la pierre, les seconds contre de l’or. L’avenir dira qui aura été le plus clairvoyant. La clairvoyance ne serait-elle pas une forme supérieure du pessimisme ? L’or est le placement du pessimiste tandis que les actions des entreprises sont le placement de l’optimiste. Force est de reconnaître que durant la dernière décennie, l’investisseur pessimiste a gagné le match par 7 à 3. Sans oublier le marché obligataire qui est le placement par excellence des pessimistes et cette dernière décennie a été une très belle décennie pour le marché obligataire. 

N’oublions pas que nous sommes entrés dans le quatrième hiver de Kondratieff, le troisième ayant été celui des années 30 et beaucoup s’obstinent à nier la dépression dans laquelle nous nous trouvons. Si les chiffres économiques n’étaient pas manipulés, ils ne seraient guère meilleurs que ceux des années 30. Espérons que ce quatrième hiver ne se termine pas comme le troisième. Certains esprits plus pessimistes que moi estiment que la guerre sera la solution  ultime à cette crise que les gouvernements n’arriveront pas à résoudre. Il viendra alors le temps des boucs émissaires et cela pourra être entre autres l’Iran.  Quoi qu’il en soit, nous avions construit une bulle économique sur de la dette et il faut maintenant rembourser cette dette d’une manière ou d’une autre et cela durera de nombreuses années. Les pessimistes ont de bonnes raisons d’êtres optimistes sur leur pessimisme.

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