La spiritualité, qu'est-ce que c'est ?

 Commençons par donner la définition du dictionnaire (Larousse) au mot « spirituel » :

Tout cela est trop vaste et flou. Essayons plutôt de préciser la définition à partir de la religion, quitte ensuite à élargir le propos.

Le sens du mot spiritualité pourrait venir de ce mot du Christ au Jardin des Oliviers, alors que ses disciples se sont endormis et que les bourreaux ne sont pas loin : « Veillez donc, car l’Esprit est fort, mais la chair est faible ». (dans Matthieu et Marc). L’Esprit serait ici la relation avec Dieu, opposée à la chair, qui symbolise les tentations diverses dans lesquelles le pécheur tombe parfois (ici s’endormir au lieu de soutenir le Maître). La « Spiritualité » décrite ici comporte donc deux volets : une relation à ce qui dépasse l’Homme, et une nécessité de veiller à ne pas faire le mal (ce qu’on ne voudrait pas qu’on vous fasse), ou, si l’on veut, le « péché » (mot consubstantiel à toutes les religions monothéistes).

A l’intérieur des religions chrétiennes, on peut distinguer plusieurs spiritualités, correspondant à diverses sensations du Monde et de la société : pour les catholiques, par exemple la Franciscaine (émerveillement devant la nature),  la Jésuite (« Ignacienne », tournée vers l’action), la Dominicaine (tournée vers la prédication, le débat)… pour les protestants, par exemple la Luthérienne (qui laisse plus de place à l’adhésion individuelle plutôt que collective) …etc… Il y a aussi la tendance « mystique » : autoflagellations, enfermement dans des monastères, vies d’ermite… Les adorations d’objets sacrés, de reliques de Saints, de « médailles miraculeuses » relèvent plutôt du fétichisme.

N’étant pas musulman, ni Juif, je suppose néanmoins que ce qui vaut pour le christianisme vaut aussi pour ces deux religions : il y a différentes spiritualités. Une récente visite dans la Turquie des soufis me conforte dans cette idée.

La spiritualité se distingue de la Pensée des philosophes et des scientifiques, pour lesquels la relation à Dieu (ou, pour parler autrement, à la Nature) est l’analyse rationnelle de Sa création mais sans référence au mal (remarque prise dans Wikipédia).

On l’a dit : la  Spiritualité » n’est pas nécessairement liée à une religion. Il y a une « Spiritualité laïque » et il y en a même beaucoup ! Citons en quelques-unes.

Tout d’abord, prenons le cas des Agnostiques : ils reconnaissent en général qu’il y a quelque chose au-dessus de l’Humain, une « transcendance », sans qu’ils désirent aller plus loin, et ils peuvent parfois en déduire une conduite de vie, et donc avoir ou plutôt suivre une spiritualité.

Prenons le cas maintenant de l’écologie : ce qui dépasse l’Homme, c’est la planète et son avenir, le « péché » écologique est le gaspillage des ressources naturelles, la défiguration du paysage. Et le cas de l’Humanisme : l’Humain en général serait ce qui dépasse l’être Humain individuel, le péché est l’égoïsme sous toutes ses formes. La politique est une application de l’Humanisme, en ce que son but est d’organiser la vie des Humains ; le communisme par exemple comporte, chez ses adeptes (ou comportait ?), en dehors d’une théorie économique contestée, une foi dans l’avenir (le fameux « sens de l’Histoire ») et un engagement parfois total qui pouvaient faire envie aux « croyants » Chrétiens; le « péché » a consisté pour les dirigeants communistes de tous niveaux, à abuser du pouvoir plutôt qu’à préparer cet avenir radieux que nous souhaitons tous. Toutes ces questions d’organisation de la Cité se posaient déjà chez les Grecs, par exemple à Socrate.

Le bouddhisme, selon le Dalaï-lama lui-même, fait partie des spiritualités laïques.

Le matérialisme semble être l’opposé de la spiritualité. Encore faut-il distinguer : si être matérialiste consiste à ne s’intéresser qu’aux choses matérielles, l’argent, le plaisir, les bagnoles, les tablettes, la mode, etc…, alors là oui, il en est l’opposé. D’autre part, certains pensent que l’absurde est le fin mot du Mystère de la Vie (Sartre par exemple), et ne prétendent pas à une quelconque spiritualité, (certes on peut vivre sans spiritualité, c’est une affaire de choix !). Mais si le matérialisme est simplement une théorie disant que tout s’explique matériellement, que par exemple l’Humain n’est qu’un ensemble de neurones et de protéines, eux-mêmes composés de carbone, azote, hydrogène, etc…, c’est donc une philosophie (peut-être une science ? ), et donc si ce matérialisme-là n’est pas une spiritualité, du moins ne lui est-il pas opposé ; on trouve d’ailleurs chez ces matérialistes de fervents amateurs de musique « Spirituelle », de Bach par exemple.

Le Sport s’apparente-t-il à une spiritualité ? On parle bien de « Dieux du Stade » ! Et magnifier le geste Humain n’est-il pas s’intéresser à ce qui nous dépasse ? En tous cas, le Sport tel qu’il est devenu, avec ses chiffres d’affaire mirobolants et ses tricheries, n’a plus rien à voir avec une spiritualité, qui exige implicitement un certain dépouillement et une certaine honnêteté. Enfin, pour le spectateur, l’addiction à des évènements « historiques » ne favorise pas la « veille ». 

Avoir des « valeurs » est-il synonyme de spiritualité ? Pas forcément : l’adhésion intellectuelle ne suffit pas (ce serait l’apanage des « bobos »), encore faut-il mettre en pratique ces « valeurs ». Et ne confondons pas la spiritualité avec l’intelligence !  

La « spiritualité » nécessite-t-elle des actions en relation avec elle ? Et s’activer pour sa religion ou son parti est-il une preuve de spiritualité ? Pas forcément non plus : cela peut tout simplement être la preuve d’une hyperactivité, ou encore cacher des envies de pouvoir pas très saines. Par exemple, dans les années 1950, la propagande nous disait que nous devions défendre l’ « Occident Chrétien » (un relent des croisades de nos aïeux), c’était instrumentaliser la Spiritualité Chrétienne à des fins nationalistes. Et, au dire de nombreux musulmans, le « djihad » pratiqué ces temps-ci au Moyen Orient, n’a pas grand-chose à voir avec l’Islam.

Mais peut-on prétendre à une « Spiritualité » sans rien en faire ? Rappelons ce mot de l’Evangile : « Heureux ceux qui connaissent la Parole de Dieu, et la mettent en pratique ». Ce qui est vrai pour les Spiritualités Chrétiennes l’est aussi pour toutes les autres. En fait, l’ « Homme de la rue » vit sa spiritualité tranquillement, par exemple en manifestant de la solidarité en cas de besoin.

Enfin, peut-on se vanter d’avoir une Spiritualité ? Répondons avec ce mot cinglant de Pascal : « L’Humain n’est ni ange ni bête, mais qui veut faire l’ange fait la bête ». On n’a  pas une Spiritualité, on suit une Spiritualité, comme on suit un chemin.

Bon, maintenant, c’est à vous.

                                                                                                                 Benoît Delcourt.

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Ce texte a été suivi de deux débats:

C.R. du débat du 22 Nov. 2014

C.R. du 9 décembre 2017