Qu’est-ce que l’écologie pour vous ?

Sujet : Qu’est-ce que l’écologie pour vous ?

Résumé : A partir d’une fable de La Fontaine, nous chercherons à comprendre pourquoi l’être humain, à la différence des autres animaux, est désireux d’augmenter sa puissance bien au-delà de ses besoins physiologiques, et jusqu’au point de s’autodétruire.

 

Texte : Qu’est-ce que l’écologie pour moi ?

 

 

« Une grenouille vit un bœuf

Qui lui sembla de belle taille.

Elle, qui n’était point grosse en tout comme un œuf,

Envieuse, s’étend, et s’enfle, et se travaille,

Pour égaler l’animal en grosseur… »

 

Du temps de La Fontaine on ne connaissait pas les énergies fossiles ni l’industrie moderne, mais déjà beaucoup d’hommes étaient tentés par la démesure !

L’écologie, est une sagesse, dont l’une des bases est de ne pas céder à la démesure. En effet, qu’est-ce que l’être humain ? Pourquoi se laisse-t-il entraîner dans la démesure ? Nous aborderons cette question en considérant, sommairement, les trois dimensions de la nature humaine : biologique, sociale, spirituelle.

L’homme : un être biologique

L’homme est un être vivant qui vit en symbiose avec l’univers dans lequel il est immergé. Si l’on a une âme de poète ou de naturaliste on est émerveillé ou admiratif par la diversité et la complexité de l’univers et du monde vivant. Et l’on comprend que les interactions avec notre environnement naturel doivent être conduites avec mesure et prudence pour ne pas détruire ce bel ensemble.

Cependant, bien avant l’ère industrielle, les hommes ont eu une action sur leur environnement naturel et ils l’ont profondément modifié. (On peut lire à ce sujet le livre de Jean DORST, « Avant que Nature ne meure » écrit dans les années 1970 et qui décrit l’impact des activités humaines depuis les origines de la présence humaine sur terre, impact qui s’est intensifié depuis le début de l’ère industrielle ).

L’être humain est une « machine biologique » remarquable. Elle se contente de 80 kg de carbone par an pour assurer sa nourriture. Le carbone est le composant de base de tous nos aliments. Et notre organisme peut absorber le carbone sous des formes aussi diverses que la salade ou le camembert. Allez-donc faire marcher votre voiture avec de la salade et du camembert !

Pour comprendre le monde vivant, une bonne approche est de considérer le cycle du carbone. Les animaux, les humains, consomment divers produits organiques, dont le composant de base est le carbone, et restituent du gaz carbonique et des déchets organiques.

Les déchets organiques vont enrichir l’humus, et le gaz carbonique rejeté dans l’atmosphère sera absorbé par les plantes pour produire de nouvelles quantités de produits organiques. Et le cycle est équilibré.

Avec l’ère industrielle, l’emploi des énergies fossiles génère aussi des émissions de gaz carbonique, mais ce gaz carbonique est « en trop » pour le cycle naturel du carbone, la nature ne peut pas l’absorber, et une partie s’accumule dans l’atmosphère, ce qui accroît l’effet de serre et entraîne le réchauffement climatique, et une autre partie est absorbée par les océans, ce qui accroît l’acidité des eaux de mer avec des conséquences importantes sur les écosystèmes marins.

Si les besoins physiologiques de l’homme sont tout juste de 80 kg de carbone par an, en revanche ceux des machines qui nous entourent sont considérables. 80 kg de carbone c’est tout juste 100 litres d’essence pour la voiture, ou 2 à 3 heures d’avion pour un passager.

Les animaux se contentent de satisfaire leurs besoins physiologiques. En revanche, avec l’emploi des énergies fossiles les humains ont multiplié leurs besoins de carbone et leurs émissions de gaz carbonique par un coefficient moyen de plus de 20, et qui dépasse 100 pour une partie de nos concitoyens.

Nous avons mille raisons de nous féliciter des progrès techniques, mais cela ne justifie pas la démesure atteinte par notre environnement mécanique : la grenouille de La Fontaine voulait se faire aussi grosse que le bœuf, mais une partie des humains modernes sont devenus des dinosaures mécaniques.

 

L’homme, un être social

Faire un bon usage du progrès technique et assurer une vie digne pour tous les êtres humains demandent une organisation sociale, que ce soit au niveau local de la cité, ou au niveau de la planète.

La vie de la cité :

Pour ce qui concerne la gestion de la cité, je me contenterai de mentionner comme référence, le « Pacte pour la transition » élaboré par une soixantaine d’organisations de la société civile à l’occasion des élections municipales de 2020 en France. Le Pacte énumère toute une série d’actions dans les domaines environnemental, social et économique à mener au niveau des collectivités locales en y associant étroitement les citoyens. C’est un bon document pédagogique pour les élus et tous les citoyens. (J’avais eu l’occasion de présenter ce Pacte lors du Café-débat du 20 novembre 2021).

La gestion concertée des ressources :

La gestion des ressources naturellesest le problème clé qui commande notre avenir sur la planète. En amont des activités économiques, il est nécessaire d’avoir des institutions internationales pour réguler l’emploi des matières premières et la bonne gestion des espaces agricoles, forestiers et marins, et notamment :

-        Réguler et répartir les quantités d’énergies fossiles mises sur le marché, avec une réduction rapide de ces quantités pour tendre vers l’émission zéro de gaz à effet de serre.

-         Parallèlement à cette réduction, une pression accrue va s’exercer sur les terres agricoles et forestières. Des règles de gestion durables doivent être établies, ainsi que des règles sur la répartition de la propriété des terres pour éviter l’accaparement par quelques grands opérateurs. Les méthodes d’exploitations agricoles agroécologiques doivent être promues pour préserver la qualité des sols et la diversité biologique. (On peut mentionner un livre de référence pour s’initier à la biologie des sols et aux pratiques agroécologiques : Le Sol, la terre et les champs, de Claude et Lydia Bourguignon)

-        Des règles sur l’exploitation des ressources marines

-        Des institutions régionales pour la répartition de la ressource en eau.

-        Le développement du parc mécanique et électronique, les réseaux de distribution de l’électricité du gaz ou de télécommunication, les bâtiments, nécessitent d’employer des quantités importantes de métaux. Les exploitations minières génèrent des dommages considérables dans certaines régions du monde. La gestion des ressources en minerais divers doit aussi faire l’objet d’une gestion concertée à l’échelle mondiale.

L’écologie ce n’est pas la décroissance !

Lorsqu’une gestion maîtrisée des matières premières sera réalisée, rien n’empêchera les acteurs économiques d’accroître la valeur ajoutée qu’ils apportent par leur travail. Rien n’empêchera les hommes d’accroître les services réciproques qu’ils se rendent. Le PIB est la somme des valeurs ajoutées réalisées par les acteurs économiques. Cette valeur ajoutée peut croître même si les matières premières sont contingentées.

Il est même nécessaire qu’il en soit ainsi, sinon, nous assisterons à une foire d’empoigne pour s’emparer des ressources, ce qui conduira à des gaspillages, au désordre économique, à l’appauvrissement de beaucoup de populations, aux migrations de populations pour cause climatique, et peut-être à des guerres.

Certes, l’état des relations internationales aujourd’hui peut nous inquiéter et nous faire douter de la capacité des hommes à s’entendre. C’est une raison supplémentaire pour appeler à la mise en place de structures internationales de régulation, et demander à nos gouvernants qu’ils œuvrent dans ce sens. Cela demande aussi que nos concitoyens aient pleinement conscience du problème, c’est pourquoi nous nous intéressons maintenant au côté « spirituel » de l’homme : ce qui se passe dans sa tête.

 

L’homme : un être spirituel

Il n’est pas besoin de grandes considérations philosophiques pour constater que l’homme domine la nature par la puissance des moyens techniques qu’il s’est donné.

Pour faire un usage judicieux de ces moyens, et vivre en harmonie avec les autres hommes et l’environnement naturel, l’être humain doit développer sa capacité de jugement, qui repose sur une bonne connaissance de son environnement naturel et humain, et sur des considérations éthiques.

La « connaissance rend libre »

Agir librement, agir en ayant conscience des effets de nos actes, demande d’avoir une bonne culture générale.

Les connaissances de base, nous les acquérons au fil des années sur les bancs de l’école, et dans la vie courante en pratiquant le jardinage, des travaux ménagers, ou d’autres arts pratiques qui nous donnent un sens des proportions indispensable pour construire notre capacité de jugement.

Les outils modernes de communication mettent à notre disposition de nombreux documents d’information. Mais l’abondance des documents ne fait pas l’information ! Encore faut-il prendre le temps d’en étudier quelques-uns et de les mettre en perspective avec d’autres informations. Et notre capacité d’assimilation n’est pas plus élevée avec Internet qu’elle ne l’était en travaillant avec un manuel scolaire. Apprendre demande du temps.

L’art du dialogue

Comprendre le monde qui nous entoure, et à plus forte raison, prendre des décisions en commun demande de savoir dialoguer. Devant un ordinateur, le dialogue est factice. Cela ne peut pas remplacer un dialogue en face à face comme nous le pratiquons au Café-débat.

Les décisions publiques s’établissent en procédant par étapes :

-        Une phase de diagnostic partagé qui rassemble toutes les données d’un problème et qui permettent aux participants d’avoir une compréhension commune du problème.

-        Puis, partant de ces données, la définition d’orientations générales.

-        Et enfin, les décisions pratiques de mises en œuvre de ces orientations.

Entre gens raisonnables on parvient à établir des diagnostics partagés et à définir des orientations générales. Le passage aux décisions pratiques est plus compliqué : puisqu’on touche à des intérêts particuliers. Les mêmes personnes qui auront approuvé le diagnostic général s’opposeront à la mise en œuvre de mesures particulières si celles-ci les touchent de trop près.

Les collectivités publiques, que ce soit au niveau local comme au niveau national et international doivent veiller à associer largement le public à ces processus de décision qui touchent l’environnement, l’aménagement urbain et beaucoup d’autres sujets de société. Et les citoyens doivent aussi prendre l’initiative de cette participation, par exemple en rejoignant l’une ou l’autre des associations citoyennes comme celles qui ont signé le Pacte pour la Transition mentionné ci-dessus.

La dimension éthique

Si nous regardons le monde autour de nous, pas seulement en France, mais dans l’ensemble de la planète, nous constatons d’un côté, une part majoritaire de l’humanité qui vit avec un accès limité aux moyens techniques lourds, ou pour qui l’accès à ces moyens est une lourde charge, et qui se trouve marginalisée dans les villes modernes faites pour les voitures.

Et de l’autre côté, les classes aisées de la planète, bien intégrées dans le système de la société de consommation, qui sont fascinées par le modèle de consommation développé en Amérique du Nord, et pour qui l’environnement matériel est un attribut de la réussite sociale. Etces personnes aisées imposent leur modèle de consommation comme allant de soi, malgré la démesure de ses impacts. Ce sont aussi ces personnes qui par leurs placements financiers orientent l’économie, souvent en recherchant les profits immédiats sans se soucier de l’impact de ces activités économiques.

Beaucoup de ces amis imaginent qu’on trouvera des solutions techniques pour résoudre les problèmes environnementaux, et ne sont pas du tout prêts à une remise en cause de leur mode de vie et de consommation.

L’avenir de la planète est d’adopter un standard de vie qui fasse sa place à tous, avec un environnement technique léger et utilisé de manière conviviale.Nos amis des classes aisées ont une révolution culturelle à faire pour admettre la démesure de leurs usages des moyens techniques. Ils doivent découvrir qu’une ville sympathique est une ville où l’on prend plaisir à se déplacer à pied, (en vélo et en transport collectifs), et où l’on peut voir des visages plutôt que des grosses machines mécaniques.

Chaque personne est entourée de centaines d’objets mécaniques ou électroniques petits ou gros … Mais ceux qui ont le plus gros impact sont l’automobile et l’usage de l’avion.

L’automobile est une magnifique invention, mais il faut comprendre qu’elle est trop grosse pour être un objet individuel, pour plusieurs raisons :

-        Sa consommation d’énergie

-        Les quantités de métaux entrant dans sa fabrication, et l’énergie consommée pour la fabriquer.

-        L’importance des surfaces artificialisées pour les routes et le stationnement qui ne cessent de croître.

-        Les infrastructures énormes et l’étalement urbain généré par l’usage de la voiture qui rendent les villes inhospitalières pour les personnes sans voitures.

Il y a une révolution mentale à faire autour de l’automobile : l’usage de l’automobile demain doit être un usage partagé : des taxis beaucoup plus accessibles, voitures en location, voitures possédées à plusieurs … et que la ville soit faite pour les humains plutôt que pour les voitures.

L’avion est aussi une magnifique invention, mais l’on peut prendre plaisir à voyager tout en faisant beaucoup moins de kilomètres et en regardant de plus près les paysages et les personnes.

(Des observations semblables peuvent être faites pour les transports routiers par camion : Un contingentement des transports routiers par camion aurait un effet bénéfique pour relocaliser les activités économiques près des lieux de consommation.)

Et pour conclure, espérons que la grenouille saura arrêter de s’enfler à temps avant que :

« … la chétive pécore

S’enfla si bien qu’elle creva »


Bruno Sauvage          le 11 Mars 2023

 

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