La marquise de Joyeuse (1734-1803)

Portrait supposé de la Marquise de Joyeuse
(Collection particulière)

Anne Madeleine Delpech naît à Paris en 1734. Elle est la fille unique de Pierre Delpech de Méréville né en 1712, marquis de Cailly, propriétaire du château de Saint Germain qui décède de la petite vérole alors qu’elle n’est âgée que de 3 ans.

Sous la tutelle (garde noble) de François Bureau, jusqu’à sa majorité, elle épouse à l'âge de 20 ans, le 13 mai 1754, Jean, Armand de Joyeuse, âgé de 37 ans, de 17 ans son aîné, Comte de Grand Pré (Ardennes) et Marquis de Villiers sur Tourbes, noble vénitien, brigadier des armées du roi, chevalier de l’ordre Royal et militaire de Saint-Louis, Colonel au régiment de Ponthieu en 1741.

De cette union elle a probablement deux fils : Anne, Gédéon, Armand de Joyeuse né le 22 février 1755, Anne, Antoine, Armand de Joyeuse né le 14 septembre 1756.

Anne Madeleine demeure avec son mari dans leur hôtel, rue d’Anjou, dans le faubourg Saint Honoré à Paris et mène grand train - n’est-elle pas surnommée la « Lionne de Saint Germain » par le duc de Luynes dans ses mémoires ? 

La séparation entre ses biens et ceux de son mari est rendue contradictoirement par le parlement de Paris en 1764. Son mari se retire alors dans son château de Grand Pré.

Elle conserve toutefois d'excellents rapports avec le frère de son mari, son beau-frère donc, de 9 ans son aîné, Thomas de Joyeuse (1725-1774), Chevalier non profès de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem, abbé commendataire de l’abbaye royale de Saint Jean lès Metz. Ils nomment ensemble un enfant (le leur ?) Thibault en 1766 à Saint Germain sous Cailly puis assistent, en 1771, à un mariage dans l’église de Cailly, avec le premier président du Parlement de Rouen, Hue de Miromesnil, du lieutenant-colonel et ancien major des cent Suisses du Roi, M. Desforgères.

Thomas de Joyeuse meurt le 16 novembre 1774 et est enterré à l’église de Cailly où la plaque funéraire est toujours visible dans la sacristie, son mari Jean Armand de Joyeuse meurt un mois plus tard, le 12 décembre 1774, dans son château de Grand Pré.

Anne Madeleine, veuve à 40 ans, est maintenant libre. Elle épouse alors, 3 ans plus tard en 1777, un autre de Joyeuse, Jean Emmanuel (ou Jean Louis) Adam  (1750 - 1783), âgé de 27 ans, fils de Jean Baptiste de Joyeuse. Bien que demeurant paroisse de Saint Eustache à Paris, elle obtient l’autorisation de se marier en l’église de Saint André sur Cailly. L’abbé Ravette, homme de confiance d’Anne et curé de la paroisse, unit les époux. Elle a financé, quelques années plus tôt, la construction du presbytère, aujourd’hui mairie de Saint André et, en remerciement, l’abbé fait peindre sur les plafonds des emblèmes de chasse et de musique, qu’elle pratique beaucoup.

Le jeune mari, peu résistant, meurt 6 ans plus tard, le 24 septembre 1783, âgé de 33 ans seulement, sans laisser de postérité.

Anne reste alors dans son château de Saint- Germain (elle a, dit-on, une relation amoureuse à Saint André).

Femme dite légère, grande dépensière, elle entretient une garde de 40 hommes vêtus à ses couleurs dont deux en faction à la porte de son château. 

1784 - épouse Charles Paul Sigismond de Montmorency-Luxembourg, duc de Boutteville (1697-1785)

Anne se console vite, car le même abbé Ravette célèbre dans l’église de Saint André sur Cailly, le 27 juillet 1784 soit 10 mois plus tard (la loi n’autorise pas moins), son mariage avec le très puissant Charles Paul Sigismond de Montmorency-Luxembourg, duc de Boutteville, alors âgé de 87 ans (elle en a 50), premier baron chrétien de France, lui-même deux fois veuf. L’union est encore plus courte que la précédente puisqu’il meurt le 26 mars 1785 soit 9 mois après le mariage.

Couvertes de dettes, ses différents mariages ne lui sont pas d’un grand secours car elle est contrainte de vendre le grand et riche patrimoine que lui a légué son père : elle cède, ainsi, le 12 juin 1784, peu avant son mariage avec Charles Paul Sigismond de Montmorency-Luxembourg, ses terres de Rocquemont au conseiller du roi en la Cours des Comptes, Jean-Baptiste Duperré et le lendemain, celles de Gouville pour 160000 livres à Antoine LeBègue de Germiny, seigneur de Motteville et Claville et vend en viager, à Jean-Baptiste Curmer, fils d’un riche Drapier de Darnétal, son château qu’elle déclare, comme elle le doit pendant la révolution, comme étant sa résidence.

Cherchant à préserver ses maigres revenus, elle conteste en 1790 l’appropriation, par la commune de Cailly, de ses droits sur les halles, puis vend 3 ans plus tard, l’auberge attenant à la halle.

En 1798, elle a alors 64 ans, elle quitte définitivement son château.

Lorsqu’elle meurt le 9 mai 1803, à Villeneuve Saint Georges, victime d’une apoplexie, son château, vendu en viager avec le moulin, les bois et prairie attenant, revient à Jean Baptiste Curmer. Il le cédera lui-même quelques années plus tard.