Le Tôt : les loups

 "Dans la région de Lisieux, dans le Pays d'Auge, une battue au loup au XIXe siècle". Extrait du livre "Le loup en Normandie" de Jean-Marc Moriceau publié aux éditions Orep. • © Orep éditions
Crédit : Franceinfo

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Les archives départementales de Seine-Maritime, et la presse de l’époque, font état de la présence de loups autour de Clères tout au long des XVIIIe et XIXe siècles.

Nous trouvons par exemple mention, dans les registres paroissiaux de Montville, de « l’inhumation le 14 septembre 1702, dans le cimetière de Montville, des restes d'un enfant de 4 ans, dévoré par une bête carnassière... »

En 1871, l’abbé Bertaux, curé de Frichemesnil, raconte que deux loups enragés sont tués. L’un a mordu des cochons dans leurs étables et deux ou trois personnes de Bracquetuit, l’autre un garçon charretier qui a finalement réussi à le terrasser en l’étouffant après un combat de 3⁄4 d'heure. Il poursuit : « cette même année, une troupe de bûcherons a vu la bête dans le bois de Clères. On ne parle que de loups et de chiens enragés. L’un a attaqué un garçon fort, lui a « engueulé » le bras et le lui a cassé. C’est un fléau pour le pays. » 

Le maire de Saint-Georges-sur-Fontaine  déplore aussi que ces bêtes fauves ne se contentent pas d'attaquer les troupeaux de moutons et de détruire les volailles ; ils attaquent les chevaux et les hommes, même de jour. Il a d’ailleurs lui-même été victime d’un loup énorme qui a attaqué le cheval qu'il montait : il a été désarçonné, et n'a dû son salut qu'à sa vigoureuse défense.

Et encore : le 14 prairial an 4 (2 juin 1796) « les loups ont causé quelques ravages dans le canton de Quincampoix et surtout chez les voisins de la verte forêt, les bois de Préaux et de la Houssaye, qui leur servent de repaires… » Réponse de l'administration du 19 prairial an 4 (7 juin 1796),  « ...nous sommes surpris, citoyens, que les cultivateurs de votre canton ne s'empressent pas de s'unir, avons invité les citoyens Tirebarbe et Frémont louvetiers demeurant à Pavilly à venir faire la chasse à ces animaux... » (ADSM L 468. Canton de Quincampoix).

 

Ce n’est pas fini : en 1798-1799, plusieurs loups ou louveteaux sont tués dans le canton de Montville. Plusieurs chevaux sont dévorés, des cultivateurs demandent que des chasses soient ordonnées le plus tôt possible et que le citoyen Duhalley, louvetier, se rende sur place pour tenter la destruction de ces animaux.

En 1835, trente moutons sont dévorés sur les communes de St Victor l’Abbaye et de Montreuil en Caux. En 1837, ils sont vus dans la campagne du canton de Clères. Un énorme loup est tué dans les bois du Varat, et  une louve à Mont-Cauvaire en 1842.

En 1842 encore, « une battue est organisée par deux des gardes de la terre de Clères, aidés de bon nombre d’habitants de la campagne…  A une heure de l’après-midi, un vieux loup d’une taille énorme et deux louves pleines sont tués dans les bois appartenant à M. de Béarn, et apportés chez M. Toutain, régisseur de la terre de Clères. On n’a pu prendre un quatrième loup, qui a été grièvement blessé ; mais le lendemain, cet animal est retrouvé mort à Claville. » (Journal de Rouen, 15 février 1842)

On pourrait presque en rire : à Clères, en février 1842, lors d'une battue, « Des rabatteurs s'acharnent à frapper des lames de faux avec des bâtons, on agite une cloche, on souffle dans des cornes, des clarinettes, un hautbois, on martyrise des cymbales. Trois violons complètent cet étrange orchestre rural ! Ce vacarme pseudo musical parvient à faire fuir cinq loups mais aucun n'est tué. » (Jean-Claude Marquis. Loups, Sorciers, Criminels ... Faits divers en Seine Inférieure au 19e siècle. 1993)

« Une magnifique louve de trois ans a été tuée, ces jours derniers, dans les bois du Tôt (commune de Clères), par Mr Pascal Alexandre, garde particulier de Mr du Beaumelay. C'est une vraie bonne fortune pour les cultivateurs de la contrée, dont quelques-uns ont leurs fermes à la lisière et même au milieu de ces bois... On y tue probablement un des derniers loups du pays... » (Eugène Noel Journal de Rouen - 17 avril 1864).

Va-t-on voir le loup revenir dans nos campagnes au 21e siècle ?


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