Lucie Coutaz naît en 1899 à Grenoble. Sa mère est gantière, son père cantonnier. L’exode rural a poussé ses parents, savoyards, à venir travailler en ville. « Luce » grandit dans un faubourg ouvrier. Elle fréquente le patronage paroissial, se forme sur le catholicisme social. Elle obtient un diplôme de sténodactylo, commence à travailler comme secrétaire chez Lustucru à quinze ans.
En 1915, elle est atteinte de tuberculose osseuse, maladie alors incurable. Elle passe de longs mois alitée, avec quelques périodes d’amélioration. En 1918, elle contracte la grippe espagnole, sa sœur aînée en meurt, Lucie survit. En 1921, les jeunes filles du patronage se cotisent pour l’envoyer en pèlerinage à Lourdes, elle revient guérie.
Considérant que sa vie aurait pu s’arrêter deux fois, elle décide de la donner. Elle milite aux syndicats libres féminins de l’Isère, un syndicat catholique monté par des femmes, pour les femmes. D’autre part, elle entre successivement dans deux sociétés religieuses de femmes consacrées, vivant dans le monde, sans signe extérieur particulier. En 1936, son syndicat rejoint la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens). Lucie Coutaz est la seule femme parmi les sept permanents du département. Elle négocie des conventions collectives, développe un tempérament de chef.
Avant même juin 1940, Lucie Coutaz s’engage résolument dans la lutte contre le nazisme. Elle camoufle la ronéo (duplicateur) du syndicat à son domicile, reproduit et distribue des feuillets de résistance, organise des conférences clandestines avec les jésuites de Lyon. Ceux-ci la mettent en relation avec l’abbé Pierre. Ils organisent ensemble un maquis, le bureau de Lucie Coutaz devient une plaque tournante de la Résistance grenobloise. Elle est décorée de la croix de guerre avec étoile de bronze.
A la Libération, l’Abbé Pierre, sollicité pour faire campagne aux élections législatives en Meurthe et Moselle, lui demande de devenir sa secrétaire. Ils ne cesseront plus de travailler ensemble. En 1949, alors que Lucie Coutaz gère une auberge de jeunesse internationale à Neuilly Plaisance, dans une grande maison louée par l’abbé Pierre, ils accueillent un désespéré, Georges Legay : la première communauté Emmaüs est née.
Comme secrétaire personnelle de l’Abbé Pierre, Lucie Coutaz accompagne le développement d’Emmaüs : l’accueil des premiers compagnons et la construction des premiers logements, l’insurrection de justice et de bonté de 1954, les communautés itinérantes et les camps de jeunes, ainsi que l’internationalisation du mouvement Emmaüs à partir de 1955 et sa structuration qui s’accélère dans les années 1970.
Frère Lucie, Lulu la terreur, la vigie, la chèvre… Les surnoms de Lucie Coutaz décrivent une femme forte, qui sait se faire respecter, notamment par les compagnons d’Emmaüs. D’autres témoignages évoquent une femme douce et attentionnée et profondément chrétienne.
Dès 1964, elle a plaisir à séjourner le plus souvent possible à Esteville, où s’organise une communauté qui devient en 1972 une maison de retraite pour compagnons âgés. Elle a toujours été proche de la nature et aime beaucoup les fleurs. Elle lance l’initiative des « carrés de laine », invitant les « trois et quatre fois vint ans » à tricoter plus de 2 000 couvertures pour les pays en développement. Victime d’un accident vasculaire cérébral en 1980, elle vit ses dernières années à Charenton (Val-de-Marne), où elle s’éteint le 16 mai 1982. Selon sa volonté, elle repose au cimetière d’Esteville, sous les bras du Christ posé au sol.