Le Mont Landrin : un joyau hexagonal du XVIIIe Siècle
La seigneurie du Mont Landrin releva du Roi au XVIe siècle et passa entre les mains de conseillers au Parlement de Normandie, tels Gilles Henry Maignard et Joseph Alexandre Pavyot. Au XVIIe siècle, le domaine fut acquis par les Coignard, une riche famille protestante de Rouen.
Bien que ses origines soient médiévales, le colombier visible aujourd'hui date d'une reconstruction ou d'un remaniement important de 1730. Il se distingue par sa forme hexagonale et sa construction en brique. Il est coiffé d'un toit en poivrière et ne présente qu'une seule lucarne d'envol. Son décor est particulièrement soigné, typique de la richesse cauchoise, orné de losanges en briques vernissées et garni de chaînages de pierres blanches. Aujourd'hui, cet édifice historique est occupé par une association médico-éducative.
Le droit de colombier : preuve de fief et privilège
Dans le Nord de la France, y compris en Normandie (appelé pays de Coutume), le droit d'élever un colombier était un privilège strictement réservé aux propriétaires d'un plein fief. La possession d'un colombier à pied — une construction imposante et indépendante en forme de tour — était une preuve tangible de la richesse et du pouvoir. Le fief, ou chef-moy, était traditionnellement attaché à un manoir seigneurial et incluait le colombier. Les seigneurs s'efforçaient de les faire construire « grand et beau », parfois y faisant graver leurs armoiries au-dessus de la porte d'entrée pour marquer leur statut.
L'enjeu n'était pas seulement symbolique. Les pigeons fournissaient de la chair fraîche (pigeonneaux), un mets apprécié à une époque où l'on consommait beaucoup de salaisons. Plus important encore, la fiente des pigeons, ou colombine, était l'engrais le plus recherché, riche en azote, acide phosphorique, potasse et chaux, procurant un revenu appréciable grâce à l'élevage intensif. Un grand colombier pouvait abriter 1 500 boulins (nids), soit 3 000 pigeons.
Ce privilège était le plus détesté des droits seigneuriaux. Les paysans se plaignaient du tort considérable causé aux récoltes et aux semences, un observateur ayant calculé que quatre pigeons consommaient autant de blé qu'il en fallait pour nourrir un homme. Les Cahiers de Doléances rédigés avant la Révolution réclamaient la destruction des colombiers ou, au minimum, leur fermeture régulière pendant les temps de semailles, par exemple du 15 juillet au 30 août.
Le droit fut aboli dans la nuit du 4 août 1789, exigeant que les pigeons soient enfermés durant les périodes fixées par les communautés. Si les armoiries furent souvent martelées, la majorité des colombiers ne fut pas détruite.
L'Architecture remarquable du Pays de Caux
Le département de la Seine-Maritime est particulièrement riche en colombiers, avec plus de six cents répertoriés. L'âge d'or de ces constructions s'étend du XVIe au XVIIIe siècle. Les formes varient : 51% sont circulaires (favorisant l'installation de l'échelle tournante pivotante qui permet l'accès à tous les boulins), 25% sont carrés et 21% sont polygonaux, comme celui de Frichemesnil.
L'architecture cauchoise se distingue par la richesse de ses décors et de sa polychromie, utilisant une variété de matériaux locaux (brique, silex, calcaire, grès) souvent agencés avec virtuosité. Une caractéristique essentielle est le larmier, un ressaut de pierre qui ceinture l'édifice à mi-hauteur pour empêcher les prédateurs d'atteindre les nids.
Confronté à la disparition progressive de ces monuments jugés onéreux et inutiles, le patrimoine cauchois fait l'objet d'une sauvegarde active. Le Conseil général de la Seine-Maritime a été pionnier dans l'aide à leur restauration. Aujourd'hui, le grand public peut découvrir ces trésors grâce à la « Route des Colombiers Cauchois » (un circuit touristique de 55 km présentant 15 colombiers) ou en visitant le Musée des Colombiers Cauchois, installé dans le colombier restauré du Manoir d'Auffay à Oherville.