L'ancien boulevard Gambetta

Du Moyen-âge au 18ème siècle, la ville de Rouen, pour sa sécurité, est ceinturée de murailles devenues inutiles avec le temps compte tenu de l’évolution de l’artillerie et gênant de plus son expansion. En 1765, l’intendant Thiroux de Crosne entreprend la suppression de ces remparts et de leurs portes. 20 ans plus tard, au-dessus des fossés comblés, ce sont des boulevards qui ceignent à leur tour la ville.

La construction vers 1780 du boulevard allant du Prés-aux-Loups, près de la Seine, à l’ancienne porte Saint-Hilaire, s’accompagne de l’assainissement du quartier. Contrairement aux autres boulevards, Il s’écarte largement de l’ancienne muraille.

Passant à proximité des ateliers de production de salpêtre, il est d’abord nommé boulevard de la Nitrière, puis “de la Liberté” pendant la Révolution, puis Martainville plus tard et enfin Gambetta à la fin du 19ème siècle. Il honore Léon Gambetta (1838-1882), homme d’état, président du Conseil, célébré pour avoir déclaré la République après la chute du Second Empire en 1870 et s’être évadé de Paris assiégé en ballon.

Outre l’extension du quartier près de la Seine, est édifiée, en 1776, la caserne Martainville dont la cour est fermée par un mur longeant l’Aubette, détournée, et le nouveau boulevard. Elle devient plus tard la caserne Jeanne d’Arc puis le siège de la Région Haute-Normandie jusqu’en 2015. En face, de l’autre côté de la voie, elle est complétée, 5 ans plus tard, par le Champ-de-Mars dont le sol, marécageux, est relevé de plus de deux mètres. Comme son nom l’indique, il est affecté aux exercices militaires.

Un certain nombre d’évènements vont s’y dérouler :

  • En 1784, 6 mois avant sa traversée réussie de la Manche par les airs, la première de tous les temps, Jean-Pierre Blanchard s’y envole pour Versailles avec son ballon à hydrogène. Les vents, peu coopératifs, l’emmènent au nord de Rouen, loin de la direction envisagée. Perdu, sans cartes, l’aéronaute atterrit une heure plus tard à 20 km au nord de Rouen, accueilli par des paysans armés de fusils et de fourches.

  • La proclamation de la Constitution en 1791.

  • Diverses revues de troupes par : le général Bonaparte en 1802, Louis-Philippe en 1833 et Napoléon III, alors Président de la République, en 1849.

  • La plantation en 1848, comme ailleurs, de l’arbre de la Liberté, coupé deux jours plus tard.

  • La tenue de plusieurs grandes expositions dont celle de 1871 qui accueille près de 3000 exposants, la dernière ayant lieu en 1896 pendant 5 mois.

En remontant le boulevard vers la place Saint-Hilaire, on y trouve une prairie abandonnée à la ville en 1870 par un certain Thuilleau pour en faire un jardin. Il est nommé officiellement « jardin Martainville » mais appelé par les habitants « jardin Thuilleau ». Quelques années plus tard, un kiosque y abrite une source d’eau ferrugineuse très prisée des habitants. Le square est aménagé en terrain de sports en 1947.

Un peu plus au nord, l'espace laissé libre entre le boulevard et les anciens remparts, le long de l’Hospice Général, est utilisé par ce dernier pour y installer des jardins potagers (lien vers les jardins) nécessaires pour assurer la subsistance des pensionnaires et “convalescents”. Avec l’extension de l'hôpital, les jardins disparaitront à la fin des années 1950 pour laisser place au pavillon de Pédiatrie.

En face, la Gare Martainville, terminus de la ligne Amiens-Rouen, est mise en service en 1867. Elle est dédiée essentiellement au fret, le boulevard étant alors emprunté par de lourds chariots hippomobiles assurant le transport des marchandises entre la gare et la rive droite du port. Le prolongement des voies ferrées, vers 1890 vers le port, mettra fin à ce trafic.

Lors d’une nouvelle extension du Chu dans les années 1980, la gare est démolie et le boulevard détourné pour lui donner sa configuration actuelle, assurant ainsi une meilleure desserte de l’hôpital.