La tombe de l'Abbé Pierre

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En 1966, Georges Legay, le tout premier compagnon d’Emmaüs décède en région parisienne. Il est inhumé à Esteville, puis d’autres compagnons sont enterrés dans les deux cimetières que compte la commune, celui situé autour de l’église d’Esteville et celui du hameau de Touffreville.

Il y a presque une centaine de compagnons d’Emmaüs qui y sont inhumés. Certains ont fini leurs jours dans la maison Emmaüs d’Esteville (qui a été maison de retraite de 1972 à 1999). D’autres en ont fait la demande pour être auprès de l’abbé Pierre.

En janvier 2007, l’abbé Pierre est inhumé dans ce cimetière modeste mais chargé de sens pour lui, ainsi que pour des milliers de personnes en France et dans le monde. Il a souhaité être inhumé comme il a vécu, auprès des compagnons d’Emmaüs, sous un Christ allongé humblement sur le sol, que des compagnons ont récupéré lors d’un ramassage de ferraille.

Georges Legay, le premier compagnon, est un ancien bagnard libéré pour bonne conduite en 1949. De retour à Paris après vingt années passés à Cayenne en Guyane, il ne réussit pas à trouver le chemin d’une vie heureuse. Malade et alcoolique, sans famille unie pour l’accueillir, Georges veut mourir en se jetant à l’eau.

Des proches appellent l’abbé Pierre en octobre ou novembre 1949 afin d’aider cet homme désespéré. En écoutant son récit de vie, l’abbé Pierre a une idée. Il propose à Georges de venir vivre et travailler avec lui, dans sa maison de Neuilly-Plaisance à l’est de Paris. Au lieu de lui proposer des solutions immédiates et classiques, en faisant l’aumône par exemple, l’abbé Pierre lui offre de s’associer à lui et de secourir d’autres personnes dans le besoin : « Viens m’aider à aider les autres » lui dit-il. C’est la phrase qui fonde le principe de la communauté Emmaüs et du rôle des compagnons. Aujourd’hui, des centaines de communautés accueillent des milliers de femmes et d’hommes qui deviennent des sauveurs d’autres personnes. Ils vivent et travaillent ensemble, souvent grâce aux métiers de la récupération, pour construire une société plus juste et fraternelle.

En 1982, Lucie Coutaz décède et est inhumée dans le cimetière du village. Cette femme a joué un rôle très important aux côtés de l’abbé Pierre et dans l’aventure d’Emmaüs. Laïque consacrée, elle appartient pendant la guerre au même réseau de résistants que l’abbé Pierre à Grenoble. Avec d’autres, ils animent une filière de passeurs vers la Suisse pour sauver des juifs ou des résistants pourchassés par les nazis. Ils créent également un maquis dans le Vercors, avec des réfractaires au service du travail obligatoire. A la Libération, Lucie Coutaz devient l’assistante parlementaire de l’abbé Pierre, alors député de Meurthe-et-Moselle. Ensuite, elle le seconde pendant plus de trente ans dans la création et le développement du Mouvement Emmaüs en France et dans le monde, devenant ainsi « cofondatrice d’Emmaüs ».