Le Tôt : le cailey

Les cressonnières du Tôt

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Ce cailier ou caillay ou callier, que l’on appelle cailly à Rouen, que  l'on peut trouver sur les étals des marchés parisiens jusque vers le début du 19e siècle, est le nom donné au « cresson des fontaines » ou  « cresson d’eau des officines » pour le différencier du « cresson des jardins » (appelé alors alenoy). 

Il est cultivé uniquement dans les seules cressonnières du Cailly et de la Clérette.

Ce cresson, très recherché car plus petit, très tendre, d’un goût excellent, a été de tous temps d’une grande renommée.

En 1545 Antoine Truquet, rimailleur, lui consacre un quatrain :

« Pour gens desgoutez, non malades,

J'ay du beau cresson de calier, 

Pour un peu leur cueur escallier. 

Il n'est rien meilleur pour sallade. »

repris par Alfred Franklin

« J’ai de bon cresson de callier 

Pour un peu vos cœurs écailler »

A la même époque, Abraham Couturier, auteur de la pièce « Chambrière à tout faire » fait dire à son personnage principal :

« Je scay , - · · · · · · · · · . 

Faire ballets pour foeter pages 

Et laquets lorsqu'ils ont failly. 

Avec du cresson de Cailly 

Et puis quelques herbettes fades, 

Feray cent sortes de salades 

Pour rejouyr les compagnons. 

Jesgay accoustrer champignons, 

Truffes, panets, courges, concombre, 

Mettre mon petit cas à l'ombre »

Vers 1805, le comte de Lasteyrie tente sa culture dans les environs de Paris, sans succès et c’est en 1810, qu’un dénommé Cardon, s’inspirant des cressonnières allemandes, qui ont elles-mêmes emprunté leur technique à Cailly, la réalise avec succès à Saint Léonard dans l’Oise. Dès lors, elle se répand dans la région parisienne et le lent déclin du cresson du Cailly commence.

Si le nom de cailly est encore conservé dans les traités de botanique et les catalogues de ventes (Vilmorin par exemple) jusqu’au début du 20e siècle pour désigner le cresson des fontaines, sa culture disparaît presque entièrement du paysage des deux vallées. Quelques rares cressonnières sont encore en activité à Fontaine le Bourg, Cardonville, Montville au 20e siècle et au Tôt, hameau de Clères. Seule, celle du Tôt perdure encore aujourd’hui.

Les cressonnières du Tôt appartiennent à la famille Réalle depuis la fin du 19e siècle. Dans ses mémoires, Mme Germaine Dauzou raconte : « Je me dirige vers les cressonnières de M. Réalle qui approvisionne la ville de Rouen par charrette à cheval et exporte son cresson vers l’Angleterre par la gare de Clères. D’après son petit-fils, c’est ce M. Léon Réalle (1883-1941) qui a creusé avec son propre père des bassins et développé l’exploitation à la fin 19e siècle - début 20e.

M. et Mme Philippe Désert exploitent les cressonnières de 1980 à 2021. En 2022, un jeune cressiculteur, M. Etienne Bouquet reprend l’exploitation et en devient aussi le propriétaire. Il continue à proposer son cresson, comme le faisaient ses prédécesseurs, sur les marchés de Mont St Aignan, de Dieppe, de Rouen (Clos St Marc), et dans des épiceries de la région. Espérons que cette dernière cressonnière du Haut Cailly continue à nous offrir longtemps cet « or vert ».


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