English Version
Aux archives départementales et dans la presse de l’époque on trouve des récits constatant la présence du loup et ses méfaits :
Le 14 septembre 1702, sont inhumés dans le cimetière de Montville, les restes d’un enfant de 4 ans, dévoré par une bête carnassière.
En 1796 la population fait état de ravages dans le canton de Quincampoix et surtout dans la verte forêt et les bois de Préaux et de la Houssaye, ce à quoi l’administration répond en invitant les citoyens Tirebarbe et Frémont, louvetiers habitant Pavilly, à venir faire la chasse à ces animaux…
En 1798-1799, plusieurs loups et louveteaux sont tués dans le canton de Montville. Des chevaux sont dévorés, des cultivateurs demandent que des chasses soient ordonnées le plus tôt possible et que le citoyen Duhalley, louvetier, se rende sur place pour tenter la destruction de ces animaux.
Un témoignage un peu surprenant relate une battue à Clères en février 1842 : “ Des rabatteurs s’acharnent à frapper des lames de faux avec des bâtons, on agite une cloche, on souffle dans des cornes, des clarinettes, un hautbois, on martyrise des cymbales. Trois violons complètent cet étrange orchestre rural ! Ce vacarme pseudo musical parvient à faire fuir cinq loups mais aucun n’est tué .” (Jean Claude Marquis. Loups, sorciers, criminels…Faits divers en Seine Inférieure au 19e siècle. 1993).
Bien d’autres témoignages encore peuvent rendre compte du fléau que représente le loup mais laissons la parole à l’abbé Bertaux :
- Fricheménil, 26 décembre 1781. Monsieur, « .... Vous êtes dans la joie chez vous et dans ce Païs-ci on est continuellement dans la crainte. On a déjà tué deux loups enragés dans le voisinage. Le premier avait mordu des cochons aux étables, la veille de la fête de la Vierge (7 décembre) et le jour de la fête, le matin il mordit et blessa très grièvement trois ou quatre personnes dans une paroisse voisine (Bracquetuit) et il fut tué le même jour. Un autre a attaqué samedi dernier soir un garçon chartier qui conduisait sa voiture et ses chevaux. Le chartier se voyant attaqué et mordu a saisi le loup et l'a terrassé mais avec beaucoup de peine, et après un combat qu'on dit qui n'a pas duré moins de trois quarts d'heure, il a réussi à l'étouffer.
Lundi, il en a passé un dans ma paroisse, mais il n'a point fait de mal. Vendredi ou samedi, une troupe de bûcherons en ont vu dans les bois de Clères. Ils ont approché pour le chasser, il n'a pas fui et ils n'ont pas osé l'attaquer; ils ont été obligé de le laisser sur place et de se retirer. On ne parle dans ce paîs-ci que de loups et de chiens enragés, et on est d'autant plus craintifs que ces animaux sont très forts, puisque le premier attaqua un garçon fort et il lui engeulla un bras et (le) lui cassa. Un bras cassé met bientôt hors de combat. C'est un fléau pour le païs. Dieu veuille le faire cesser ....
Votre humble et très obéissant serviteur ». Bertaux, curé de Frichemesnil.
(Lettre envoyée au curé de Bolbec, ville où Bertaux curé de Frichemesnil fut vicaire. Document cité par P. Dardel dans son « Histoire de Bolbec » Rouen, 1933. Repris par L.R. Delsalle dans Le Bulletin de l'Arrondissement de Rouen du 6 janvier 1989).
Le loup, dans notre région, a donc été chassé pendant le 18e et le 19e siècle. Le dernier,en théorie, qui a été tué, est une louve abattue en 1911 en forêt de Roumare. Sa dépouille, naturalisée, se trouve en exposition au muséum de Rouen. En 1999, une statue de bronze, de Jean-Marc de Pas, représentant un loup, est érigée en lisière de la forêt de Roumare à Canteleu. Cette statue rappelle l’origine du nom Canteleu, chant du loup (hurlement), et lieu d'abattage du dernier loup. De plus en plus d’apparitions d’animaux, venant de l’est, se produisent dans notre région.
Pour aller plus loin :
Patrice Bizet : Canton de Clères - Les loups
France Bleu Normandie du 11 janvier 2021 : Retour des loups en seine maritime ?