L'arbre de la liberté de 1848

English version

Voici ce qu’en rapporte Adélaïde Bauche dans son journal :

L'arbre de la liberté qui avait lieu à Esteville le 14 mai, c'était l'instituteur monsieur Acher qui avait mis l'affaire en train, aussi nos paysans qui, le voyant déjà de mauvais oeil à cause de ses opinions républicaines, lui en voulaient encore plus, depuis qu'il était question de l'arbre de la liberté. Le malheureux arbre avait d'ailleurs été une occasion de désunion entre le nouveau maire [Pierre Cordier], et les autres cultivateurs qui n'avaient pas voulu aller le chercher chez lui.

Monsieur le curé [l’abbé Bertin] prononça un discours qu'on trouvera ci-après puis il bénit l'arbre. “J'ai crié (me disait-il) vive la république ! Il le fallait bien, on avait crié vive la religion ! Monsieur le Comte n'a pas crié, mais il a donné 10 francs pour la fête et du vin pour la collation qui a suivi...

Après la plantation de l'arbre, Monsieur Acher entonna des chants patriotiques, entre autres le chœur des Girondins. Monsieur le curé ne jugea pas à propos d’assister à cette partie du programme. Cependant, la pluie continuait de tomber, le tonnerre grondait, de sorte qu'au lieu de collationner sur la place, où des tables avaient été dressées, on se réfugia dans les bergeries et sous la chartrie d'un des principaux cultivateurs ; la collation fut suivie d'un bal champêtre. Monsieur de Bonvouloir vint passer quelques instants au milieu de cette assemblée. On le reconduisit au château en entonnant “vive Monsieur le Comte! vive la République ! “. Noter que la Nouvelle République a commencé comme la première par abolir les titres nobiliaires, nos paysans n’en amalgamaient pas moins ces deux vivas peu en harmonie l'un et l'autre.”

La discorde est toutefois bien grande : l’arbre de la liberté est coupé quelques jours plus tard. Comme le rapporte le maire, Pierre Cordier, dans sa lettre du 25 mai, cela entraîne sa démission : "Ayant proclamé publiquement que j’en ferai replanter un le lundi suivant, les deux membres de la commission municipale dont j’ai déjà fait le rapport au Commissaire, m’ont attaqué devant le public et m’ont dit les dernières sottises. Pourquoi, ne voulant me trouver en réunion avec ces mêmes aristocrates, j’adresse ma démission de maire au Commissaire. Cordier maire."