English version
Georges Lanfry et le château Sanlaville (Collection paticulière)
L'histoire d'Esteville est intimement liée à celle de la famille Sanlaville. Leur saga, qui s'étend sur plusieurs générations, est un récit d'ascension sociale, de dévouement communautaire, et d'un attachement profond à leur terre d'adoption.
Tout commence avec Nicolas Sanlaville, un homme dont l'existence, bien que peu documentée, marque le point de départ d'une longue lignée. Né en 1705, il est le patriarche d'une famille qui, au fil des décennies, allait s'implanter durablement à Esteville. Son descendant, Benoît Sanlaville, né en 1741, embrasse la profession de notaire royal. Ce dernier, en épousant Jeanne Marie Teillard, donna naissance à huit enfants, assurant ainsi la continuité de la famille. Parmi eux, Marc Antoine Sanlaville, né en 1781, devint notaire impérial à Beaujeu. Il se maria par deux fois, la première avec Jeanne Marie Durieu du Souzy, puis avec Marie Forest. Cette branche de la famille évolue dans le monde juridique et notarial de la région, assurant la transmission du nom et des valeurs.
C'est au XIXe siècle que l'histoire des Sanlaville prend une nouvelle dimension avec l'arrivée de Marc Antoine Sanlaville (né en 1813). Négociant de son état, il y meurt en 1889. Ses deux mariages ont aussi marqué son parcours, d'abord avec Françoise Eugénie Chanel, puis, fait important, avec Mathilde Pauline Durnerin, une veuve ayant des liens étroits avec Esteville. C'est par cette union que les Sanlaville établissent une connexion directe avec le village, et leur présence devient synonyme de stabilité et de prospérité. C'est à cette époque qu'ils deviennent propriétaires du Château Sanlaville, une demeure du XVIIIe siècle qui, plus tard, prendrait une place particulière dans l'histoire locale.
Les Sanlaville ne se sont pas contentés de prospérer ; ils ont aussi contribué activement à la vie communautaire d'Esteville. Leur générosité s'est particulièrement manifestée envers l'église St-Firmin, à travers de nombreux dons. Claude Marc Ferdinand Sanlaville (1853-1928), docteur en droit et avocat à Paris, mais aussi propriétaire à Esteville, fut, avec sa famille, un grand bienfaiteur. Les vitraux qui ornent aujourd'hui l'église témoignent de leur piété et de leur générosité. Offerts en 1873 pour le chœur, puis en 1899 pour la nef, ils illuminent l'édifice et rappellent le rôle important joué par la famille Sanlaville dans la vie religieuse du village. Ces vitraux représentent:
Sainte Eugénie et Saint Ferdinand, offerts par Fernand Sanlaville.
Sainte Rose de Lima et Saint Claude, offerts par Mme Durnerin.
Saint Marc et Sainte Mathilde, offerts par Mme Sanlaville.
En 1899, Mme Vve Sanlaville fit un autre don : un vitrail représentant Saint Antoine de Padoue.
Outre ces dons matériels, la famille Sanlaville se distingua par son engagement dans la vie locale. Lors de la tragique catastrophe ferroviaire de Critot en 1870, les Sanlaville, aux côtés de la famille Bauche Magnier, furent parmi les premiers à porter secours aux victimes. Cette action témoigne de leur solidarité et de leur sens du devoir.
L'héritage des Sanlaville ne se limite pas à des dons matériels ou à des actes de solidarité ponctuels. Le Legs Sanlaville, mentionné dans le testament de Claude-Marc-Ferdinand Sanlaville en 1924, est un bel exemple de leur vision à long terme. Ce testament prévoyait un don de 10 000 francs à la commune d'Esteville pour l'entretien du caveau familial, et de 1 000 francs au bureau de bienfaisance local. Des dispositions pour les Académies de Rouen et de Lyon, d'abord facultatives, sont devenues obligatoires, témoignant d'une volonté de promouvoir la culture et l'éducation.
Enfin, le Château Sanlaville connut une transformation significative en 1964 lorsqu'il fut donné, par Georges Lanfry, à la fondation Emmäus. Il devient alors la "Halte d'Emmaüs", un lieu d'accueil pour les compagnons et les familles. Ce geste symbolique prolonge la volonté de la famille de donner un caractère social et humanitaire à leur héritage.