La syphilis ou vérole apparaît à l’époque de la Renaissance et se répand rapidement en Europe à cause du mouvement des armées. Pendant longtemps le traitement de la syphilis se résumera à l’emploi du mercure en onguent (le fameux onguent napolitain) ou en injection.
Pour lutter contre le péril vénérien (venerum venant de Vénus), on pratique une politique d’enfermement des filles publiques. C’est le cas au XVIIème siècle avec la création par Louis XIV en 1681 de l’Hôpital Général « pour le renfermement des pauvres mendiants de la ville et des faux bourgs de Rouen ». Afin de faire respecter l’ordre public, l’Hôpital Général sert également de maison de réclusion pour les femmes débauchées. Au XIXème siècle, les administrateurs des Hospices Civils reconnaissent les conditions déplorables d’hébergement des vénériennes. Guy de Maupassant dans une nouvelle qu’il situe en 1870 nous fait pénétrer dans « cet asile de la misère, de la souffrance et de la mort » (« Le lit 29 » publié en 1884). En cette fin de siècle, faute de traitement efficace, la lutte contre le péril vénérien est limitée à la surveillance des maisons closes que vient visiter deux fois par semaine un médecin désigné par l’administration. Il est chargé de délivrer un permis de travail aux femmes saines. Dans le cas contraire, les prostituées sont temporairement hospitalisées à l’office XII. Elles y retrouvent les filles publiques raflées par la police pour délit de racolage sur la voie publique.
L ‘office XII est de sinistre mémoire ; les femmes y vivent dans la promiscuité et dans des conditions d’hygiène douteuse. Mal considérées pour des raisons de morale et à cause des dépenses que leur prise en charge coûte à la société, elles sont sous la surveillance d’une religieuse. L’indiscipline règne, les bagarres sont fréquentes, les femmes rebelles sont enfermées au pain sec et à l’eau dans une loge (cabanon). L’atmosphère qui y règne est racontée par le Docteur René Dubuc dans un roman graphique aux savoureuses caricatures : « Des poules dans une cage ». Charles Nicolle, nommé Chef de service en 1900, s’insurgera contre ce régime disciplinaire imposé aux femmes syphilitiques.
Plusieurs découvertes vont se succéder au début du XXe siècle : isolation du germe responsable (1905), mise au point d’un test pour le diagnostic (1906), traitement par injection intraveineuse d’un dérivé de l’arsenic : le Novarsenobenzol. Après la première guerre mondiale qui voit une recrudescence du fléau, le Docteur Joseph Payenneville (1877-1949), médecin-chef du service de dermato-vénéréologie des hôpitaux de Rouen est chargé de la réorganisation du dispensaire municipal de salubrité, mais il faudra attendre l’année 1928 pour que soit construit un bâtiment entièrement neuf.
Pour aller plus loin :
- Histoire de la lutte contre les maladies vénériennes à Rouen, Karl Feltgen - GHHR - 2003
- René Dubuc, Nouveau dispensaire de salubrité de Rouen, Thèse de médecine, 1922