La chapelle Sainte Austreberthe

Convertir les égarés. Au IVe siècle, le christianisme gagne très lentement l'ensemble de la population normande. Des ermites évangélisateurs et des évêques s'investissent dans un combat contre le paganisme, notamment dans les campagnes où les paysans restent attachés à leur ancienne croyance. Ceux qui ne croient pas en Dieu sont dits païens.

 

Si la séduction l'emporte sur la contrainte, en agissant par la parole et par l'exemple, quelques-uns des missionnaires du christianisme emploient néanmoins la manière forte. Dans un premier temps, le clergé voit d'un mauvais œil l'intérêt que portent les paroissiens au culte des eaux et s'évertue à détruire les fontaines dites miraculeuses. Il se ravise pourtant, préférant attribuer à chaque fontaine le nom d'un saint local et favoriser l'élévation d'une chapelle à proximité.

 

Voici donc l'une des clés de l'énigme du Petit-Tendos. 


Un oratoire dédié primitivement à Saint-Ansbert. Ce Saint est invoqué contre la fièvre dont il fut lui-même guéri en s'appliquant le linge qui avait enveloppé les reliques de Saint-Ouen. Il n'est pas étonnant alors que l'on retrouve son nom attaché à cette petite chapelle et que l'on attribue un effet positif à l'eau miraculeuse qui coulait à proximité. La terrible peste noire de 1347-1348. Ramenée de Crimée par des marins génois en 1347, la peste se propage en Europe le long des voies commerciales terrestres, maritimes et fluviales. Elle arrive à Rouen et dans sa région durant l'été de 1348 et provoque la mort de milliers d'habitants. 


Tendos, comme tous les villages, est décimé par l'épidémie. C'est pour remercier Dieu de les avoir épargnés de la peste bubonique que les seigneurs du Bosc, édifièrent une chapelle. Si l’édifice actuel atteste le XVIIe siècle, la connaissance d’une origine plus ancienne de l’édifice laisse penser que nous sommes en présence d’une construction profondément modifiée.

 

Un précieux document daté de 1683, adressé à Monseigneur l’archevêque de Rouen par le procureur TURGIS, indique en effet : « des sieurs de Tendos étant propriétaires d’un héritage assis à la paroisse de Tendos doyenné de Clères sur lequel au milieu d’un grand clos il y a une chapelle dédiée à la gloire de Dieu et de Ste Austreberthe construite il y a plus de deux cents ans » D’hier à aujourd’hui, cinq siècles de pèlerinages. Jadis fêtée le 10 février, la célébration est portée au 3 février au XVIIe siècle, puis au 16 février en 1860. 


Jusqu’au XIXe siècle, le pèlerinage demeure une initiative populaire surveillée par le clergé. Les processions sont toujours suivies avec assiduité et dévotion tout d’abord le lundi de Pâques puis le lundi de Pentecôte. Le dernier a lieu le 4 juin 1979, sous l’autorité de Roger LECHEVALLIER, curé de la paroisse de Fontaine-le-Bourg. Après l’imposition des évangiles et le cantique chanté en l’honneur de la Sainte, les paroissiens déposent ou nouent de petits rubans blancs au pied de sa statue. Tous aiment ensuite recueillir dans un petit flacon l’eau bienfaisante de la source miraculeuse toute proche. Elle guérit des fièvres, des maladies de peau, ou bien encore de l’hémophilie selon les témoignages. 


Cette tradition ancestrale du culte des fontaines miraculeuses découle directement du culte païen des eaux ; une transmission immémoriale faite de rituels codifiés, de dieux et de déesses.


Alain Dugard