Maxime Hervai

6.6.09.2.04 Maxime Hervai (1830-1906), 6e génération

Maxime Hervai de la sixième génération, partira travailler à Lowell dans l’État du Massachusetts vers 1880, après un parcours long et particulier pour un Harvey de cette génération.  Né le 25 août 1830 à La Malbaie, il sera le premier Harvey de souche française à débarquer dans cette ville.  Lorsque Louis (1854-1933) son aîné s’établira à Lowell avec sa famille, il est probable que Maxime n’y fera que travailler par épisodes pour quelques années avant de venir s’y établir à demeure.  Maxime Hervai est le quatrième enfant, troisième mâle et cadet des fils de Pierre Hervez (1799-1867) à Dominique Isaïe (1775-1851) chez Dominique Hervé (1736-1812).  Maxime sera de cette génération de cadets pour qui, faute de terre, la migration ne fut pas un choix.  Journalier de son état, il sera toujours en mouvement.  En 1856, il ne sera pas le premier Harvey à quitter Charlevoix, d’autres l’ayant fait bien avant lui, mais aucun Harvey de souche française n’avait atteint Montréal depuis Sébastien Hervet le migrant en 1687.  Maxime sera apparemment le premier, car c’est là qu’il partira vivre avant de faire le grand saut en Nouvelle-Angleterre, près de trente ans plus tard.  Ce besoin de bouger pour assurer sa survivance et d’aller voir ailleurs si la vie pouvait y être meilleure n’est pas propre à Maxime dans la famille.  Oncles et tantes ont fini leurs vies aux quatre coins de la province et au Maine; il en sera de même pour toute sa fratrie et l’une de ses sœurs partira même pour Brosseau en Alberta, un hameau fondé par un Québécois.

Ses débuts

Le couple formé de Pierre Hervez et Marie Tremblay avait déjà eu trois enfants dont deux étaient encore vivants au moment de la naissance, le 1er juillet 1823, de celui qui sera nommé Maxime Hervai, lequel fut baptisé le jour de sa naissance à La Malbaie[1].  Six autres frères et sœurs naîtront avant que Maxime atteigne l’âge de quinze ans.


La vie des enfants de journaliers durant la première moitié du XIXe siècle est peu documentée.  On peut par contre présumer que malgré le fait que son père ne soit pas cultivateur, Maxime doit travailler la terre du père, à tout le moins pour les besoins familiaux.  Il sera journalier lui aussi à un très jeune âge, passant presque toute son adolescence dans les chantiers, tout comme son père.  Le canton de Settrington où il habite est surtout, à l’époque, une zone d’exploitation forestière. 

C’est à vingt ans, le 26 mai 1851, que Maxime Hervai se marie.  Il épouse Sophie Leboeuf âgée de vingt-deux ans[2].  Le célébrant inscrit le patronyme Vaucelle plutôt que Leboeuf à son registre, car c’est ainsi que son père se fait nommer au canton de Settrington[3]Sophie est la fille d’Antoine Leboeuf (1801-1881) et de Marie Mercier (1806-1860) arrivée dans la région vers 1830 en provenance de Saint-Timothée dans la seigneurie de Beauharnois.  La mère de Sophie étant d’une famille des Éboulements, les Leboeuf s’en seront rapprochés.   La cérémonie se déroule dans l’église de Saint-Irénée puisque le canton ne compte pas encore d’église[4]; Saint-Hilarion-de-Settrington ne sera érigé qu’en 1864, tant civilement que canoniquement.

À la fin de l’été Joséphine, sœur aînée de Maxime, s’unit aussi avec un membre la famille Leboeuf dite ici Vaucelle.  Elle épouse Thadée, l’aîné des garçons de cette famille[5].  Les deux familles seront donc très liées.


Le canton de Settrington

Maxime une fois marié demeurera dans la maison de son père le temps de se construire sur un lopin voisin de la terre familiale.  Il sera entouré des siens puisque son frère aîné Louis et sa famille ainsi que sa sœur Joséphine mariée à Thaddée Leboeuf demeurent sur des terres contiguës[6]

Sophie et Maxime ne tarderont pas à engendrer des enfants.  Ils en auront trois dans le canton de Settrington : Eléonore (1852), Louis (1854) et Héli (1855).


La municipalité de paroisse de Sainte-Cécile

Une partie de sa belle-famille quitte le canton de Settrington pour Montréal en 1852.  Maxime suivra quelques années plus tard, mais habitera plus au sud-ouest, dans la nouvelle municipalité de paroisse de Sainte-Cécile érigée en 1855[7].  À l’arrivée de Maxime et sa famille en 1856, bien que l’endroit compte déjà près de deux mille personnes, Sainte-Cécile n’est encore qu’une mission desservie par le curé de Saint-Timothée jusqu’en 1858[8].  La région compte un grand nombre de porteurs du patronyme Leboeuf, mais ce sont de lointains cousins de Sophie.  Les membres de sa famille ayant quitté Charlevoix sont toujours à Montréal.  À Sainte-Cécile, maintenant de retour dans sa région d’origine et surtout loin de son père, Sophie épousera le patronyme de Leboeuf à nouveau.  Le chamboulement qu’entraîne ce grand changement pour la famille aura peut-être raison du petit Héli dit Élie qui décède à Sainte-Cécile le 15 mars 1857[9].

Le couple aura trois enfants dans le village de Sainte-Cécile où Maxime est journalier.   Aucun d’entre eux par contre n’atteindra vingt-quatre mois : Telesphore (1857-1859), Marie Louise dite Severine (1860-1861) et Alexandre (1863-1863).


En 1861, Maxime, Sophie et leurs trois enfants toujours vivants habitent toujours la maison de Sainte-Cécile qu’ils ont acquise[10] et les parents de Sophie sont de retour dans la région.  Ils se sont établis à Saint-Timothée, dans leur village d’origine, à une douzaine de kilomètres de chez Maxime[11].  On ne saura jamais si le retour du beau-père y est pour quelque chose, mais lors du baptême de son fils Alexandre, Sophie reprendra le patronyme de Beauseigle alors qu’aucun Leboeuf ne porte ce patronyme dans la région.  D’ailleurs, dans toute la province du Canada-Est, il n’y a que deux Beauseigle, tous deux de la fratrie de Sophie, l’un à Baie-Saint-Paul et l’autre à Chicoutimi[12].

Montréal Ouest, le faubourg Sainte-Anne

Après la mort de leur dernier fils le 9 avril 1863[13], Maxime, Sophie et les enfants Eléonore et Louis quittent Sainte-Cécile pour aller vivre à Montréal.  Il faut dire que le couple avait perdu quatre enfants en six ans à Sainte-Cécile, une motivation suffisante sans doute pour laisser les malheurs derrière eux.  La famille s’établit dans le faubourg très anglophone de Sainte-Anne, le fief des Irlandais.  Avec les francophones comme Maxime, ces Irlandais partagent la religion, le statut économique et un milieu de vie ouvrier.  Avec les anglophones, ils ne partagent qu’une langue.

Maxime est embauché au chantier naval d’Augustin Cantin à l’ouest de la rue Canning.  L’atelier de marine du Canada, de son nom véritable la Augustin Cantin Canada Marine Works, laquelle, avec ses deux cales sèches et sa fabrique d’énormes machines à vapeur, produit une part très importante des luxueux bateaux, mus par d’énormes roues à aubes sur les côtés, qui assurent les liaisons entre Québec, Montréal, Ottawa, Kingston et Toronto, sans parler de la production de multiples laquiers à marchandises[14].  Comme Maxime est charpentier de navire, il emménage sur la rue du Basin, entre les rues Richmond et Saint-Martin, à un jet de pierre de son travail.     Il vit donc dans la partie Griffintown du faubourg Sainte-Anne, tout à côté de l’église irlandaise St. Ann’s Church et à deux cents mètres de l’église Saint-Joseph; c’est à moins de deux kilomètres de la paroisse mère où trône la basilique Notre-Dame.  Il y restera une dizaine d’années[15].  Ce quartier ouvrier est alors reconnu pour ses loyers modiques et la disponibilité des emplois pour les travailleurs non qualifiés.  La population francophone du faubourg n’est que de vingt-cinq pour cent alors que les Irlandais comptent pour cinquante pour cent; les autres résidents du quartier sont d’origine anglaise et écossaise.  Ce faubourg occupe alors tout le sud-ouest du territoire de la ville de Montréal.   La puissance hydraulique générée par les écluses du canal Lachine avait favorisé l’installation des premières grandes usines de Montréal et les ateliers ferroviaires du Grand Tronc, celles-ci offrent à Maxime de multiples possibilités d’emplois dans ce quartier au visage industriel et ouvrier[16]

Quand le travail de charpentier de navire vient à manquer, il sera simplement «carpenter», car dans le langage des maîtres du coin, la langue de Molière n’est guère respectée.  Son fils Louis, âgé de dix-sept ans y est «turner» (tourneur)[17].  Ainsi lorsque naîtra son cinquième fils Joseph Benjamin, en février 1865, Maxime ira le faire baptiser à la basilique Notre-Dame plutôt qu’à l’église irlandaise St. Ann’s Church au cœur de Griffintown tout à côté de chez lui, au coin des rues Basin et de la Montagne[18].  Il faut dire que les Irlandais avaient obtenu ce lieu de culte pour cesser d’avoir à en partager un avec les francophones.

Maxime et Sophie ne sont pas seuls dans le faubourg Sainte-Anne, car d’autres membres du clan Leboeuf y sont aussi; en autres, les beaux-frères Aldéric et Damase Leboeuf.  Aldéric demeure d’ailleurs dans le même immeuble qu’eux[19].

C’est en septembre 1872 que se marie l’aînée, laquelle a maintenant vingt ans.  Eléonore Hervey épouse Joseph Brière, résidant du même faubourg qu’elle et sa famille[20]

Sophie Leboeuf ne vivra pas un autre déménagement; elle décède à l’âge de quarante-trois ans le 28 décembre 1872[21]Eléonore ayant quitté le logement du faubourg après ses épousailles, Sophie laisse deux enfants à Maxime, Louis qui a dix-huit ans et Benjamin sept.  Louis ne vivra pas avec son père très longtemps, car dix jours après le décès de sa mère, ce fils aîné épouse Arthémise Legault dit Deslauriers, une résidente de la paroisse également.  Lors du mariage, le célébrant nous apprend que Maxime est toujours charpentier.  De fait, il est        «charpentier de navires»[22].  La cérémonie se déroule à deux cents mètres de chez lui dans l’église Saint-Joseph, l’un des plus anciens temples catholiques de l’ouest de l’île de Montréal.   


À Montréal, Maxime ne quittera jamais le West End et louera plusieurs logements du faubourg Sainte-Anne, dans un rayon de deux kilomètres.  Les Irlandais catholiques de Griffintown s’approprient progressivement le secteur de l’église Sainte-Anne, occupant les rues Basin et McCord (actuelle rue de la Montagne), ainsi que les trois pâtés de maisons à l’est jusqu’à la rue Prince, entre Wellington et William[23]Maxime se sentant à l’étroit dans cette mer anglophone déménagera de quelques rues plusieurs fois, comme le font déjà les ouvriers de Montréal.  Il se rapprochera d’abord de l’église Saint-Joseph de Montréal pour un certain temps, puis il échouera dans un logement un peu plus à l’ouest, aux portes de Saint-Henri.  Il résidera également au village de Sainte-Cunégonde à deux pas de l’église du même nom et ailleurs aussi. 

En novembre 1873, Louis, fais baptiser son premier enfant; on choisit comme parrain et marraine Maxime et Louise Leboeuf, la sœur de feu Sophie[24], lesquels s’épouseront le 5 décembre 1873 dans l’église Saint-Joseph[25]Louise, née Marie Louise Beauseil dans Charlevoix, a trente-six ans[26]

En 1874, Maxime et Louise sont toujours sur la rue Basin[27].  C’est dans ce logement que Louise met au monde son seul enfant le 10 juin 1875, enfant qui sera prénommé Maxime comme son père lors de son baptême le lendemain[28].   Le manque d’espace dans le logement se fait alors sentir.  En 1876, Maxime loue donc un nouvel appartement sur la rue Lusignan à trois coins de rue.  La famille y sera au moins trois ans[29].  Comme ils se sont toujours suivis, Maxime se rapprochait ainsi de son fils Louis, tourneur dans la construction de bateaux[30]

Vers la fin de la décennie 1870, Maxime n’est plus à Montréal.  C’est probablement à compter de 1878 qu’il semble avoir fait quelques allées retours entre le faubourg où il vit et la ville de Lowell au Massachusetts pour aller y gagner son pain et faire vivre sa famille.  Ces incursions présumées pour venir travailler à Lowell devaient avoir été faites avec deux de ses beaux-frères, Damase et Uldéric dit Danric Leboeuf.  Ses beaux-frères s’installeront à demeure à Lowell en 1880[31].  D’ailleurs, il y a à Lowell des Leboeuf apparenté à Louise sa femme depuis 1860[32].  

Le rêve américain, Lowell au Massachusetts

Donc, après avoir roulé sa bosse comme charpentier dans Griffintown, Maxime quitte le pays, temporairement du moins, car il ne louera plus de logement à Montréal de 1878 à 1881.  La Nouvelle-Angleterre de l’autre côté des montagnes ayant été le lot de ces cadets de famille à la recherche de survivance, Maxime et Louise partent s’établir à Lowell au Massachusetts en 1880[33].  Les fils Benjamin et Maxime sont du voyage.  Louis l’aîné, sa femme et leurs quatre enfants Marie Clarinda, Eléonore, Louis et Damase se joignent également à l’aventure[34].  Faute de débouché à titre de menuisier, on peut présumer, Maxime se trouve un emploi de journalier dans l’un des moulins de la ville.  Il fallait donc qu’il commence ses journées à six heures le matin pour n’en finir que douze heures plus tard.  Comme il fallait bien faire vivre la famille et compenser l’heure du repas du midi non payée, il travaillait le samedi matin, jour de paye qu’il recevait à midi moins cinq[35].

Maxime retournera à Montréal à certaines périodes pendant lesquelles la production des moulins de Lowell sera en baisse.  C’est ce qui explique pourquoi, à certains documents il sera mentionné qu’il est arrivé en 1880 alors qu’à d’autres c’est plutôt 1889[36].  En fait, il est de retour à Montréal en 1881 et loue alors un logement de la rue Turgeon, un peu plus à l’ouest que par le passé, dans la nouvelle municipalité de Saint-Henri[37].  Comme tout bon ouvrier montréalais, Maxime le charpentier déménage à nouveau l’année suivante et loue un logement au 657 de la rue Saint-Joseph (aujourd’hui Notre-Dame)[38]

Ses fils, Louis et Benjamin, qui étaient demeurés à Lowell tout ce temps ne s’acclimatent pas à la vie américaine.  Ils reviennent donc au pays en 1883 et s’établissent tous deux dans la paroisse Saint-Clément de Beauharnois[39].  Le premier y continuera son métier de tourneur de bois et le second, celui de menuisier comme son père. 

En mars 1883, Maxime signe un dernier bail en plein cœur du village de Saint-Cunégonde pour une durée d’un an à compter de mai et il ne le renouvellera pas.  Ce dernier logement au pays était au «second étage d’une maison de bois lambrissée en briques à deux étages» située «en arrière du numéro cent vingt neuf de la rue Labonté ayant son passage par la ruelle Labonté»[40]

Maxime sera de retour à Lowell dès la fin du printemps 1884, mais avant de partir, il se rend assister au mariage de son fils, le mineur Benjamin qui épouse à Saint-Clément de Beauharnois, Christiane Faubert, une fille du coin[41].  Le couple aura sept enfants.  Benjamin y fera sa vie comme meublier.  Il décédera à Beauharnois en 1905 à l’âge de quarante ans.



Si Maxime et Louise ont choisi d’aller vivre à Lowell c’était pour se créer une vie meilleure. On peut penser que s’ils ne sont pas revenus, c’est que celle qu’il vivait à Montréal était moins bonne.  Si à Lowell Louise pouvait bichonner le seul fils qu’elle ait eu et qui n’avait pas encore dix ans, Maxime pour sa part devait être quelque peu déchiré, sa fille aînée étant à Montréal et deux de ses fils à Beauharnois.  Néanmoins, le couple a dû, pour se faire un meilleur futur, se construire une nouvelle identité à travers un milieu moins homogène que celui du «P’tit Canada» qui prend forme, car ils vivent à un kilomètre et demi au sud de ce bastion francophone.  Pour Maxime qui avait vécu plus de vingt ans dans un quartier anglophone de Montréal en travaillant sous les ordres des foreman qui étaient pour la plupart d’origine irlandaise, la lange anglaise à Lowell devait ne pas être une barrière comme pour d’autres Harvey qui arriveront, par exemple, de Charlevoix ou du Saguenay.  Contrairement à bien des familles d’anciens agriculteurs qui avaient choisi Lowell, le couple n’avait pas eu à quitter une terre, avant d’entreprendre le voyage.   Eux qui déménageaient tous les deux ans en moyenne ne devaient pas avoir eu besoin de vendre trop de meubles qu’ils ne pouvaient emporter et l’habitude d’une vie mouvementée permet à Maxime de s’intégrer facilement à cette nouvelle communauté franco-américaine de l’endroit.   

Avec trois enfants dans la région de Montréal, Maxime reviendra au pays de nombreuses fois pour leur rendre visite.   Il faut dire qu’avec les trains de la Boston and Lowell Railroad le trajet n’est que d’une journée; les Québécois originaires de la grande région de Montréal demeurant à Lowell l’empruntent régulièrement.  C’est le 29 avril 1885 que Maxime reçoit un télégramme lui apprenant le décès de son aînée Eléonore, laquelle demeurait toujours à Montréal.  À nouveau, il prend donc le train le lendemain pour assister à l’inhumation de sa fille dans le cimetière Saint-Clément de Beauharnois où on s’était résolu à l’enterrer[42].  


Maxime est impliqué dans la communauté canadienne-française de Lowell.  Le 23 mars 1889, lorsqu’est créée la Corporation Saint-André, une société de secours mutuels, il fera partie de son premier conseil d’administration à titre de sous trésorier.  Son beau-frère Damase Lebœuf sera quant à lui l’un des directeurs.  Ce sera donc tous les jeudis soirs à sept heures trente, dans la salle de l’Union Saint-Joseph au 265 de la rue Dutton, que les beaux-frères assisteront aux réunions de la Corporation.  Maxime sera encore au conseil d’administration de la Corporation en 1896[43].

En 1889, la vie de Maxime qui est toujours journalier suit son cours normal à Lowell; son fils Maxime travaille comme tourneur sur bois depuis un certain temps au complexe de la Boott Cotton Mills où on produit des textiles, contribuant ainsi au bien-être de la famille dont les revenus ne sont guère élevés, car la famille de Maxime et Louise est atypique avec un seul enfant.  Si leurs voisins du 55 de la rue Cushing, où la famille demeure peuvent compter sur de nombreux salaires pour éponger leurs dépenses, il en est tout autrement pour eux[44]

Pendant ce temps, dans le sud-ouest de Montréal où Louis, le fils aîné est revenu vivre depuis 1886, un drame se déroule[45].  En 1899, les conditions de vie et d’hygiène de la partie sud de ce faubourg ouvrier, Pointe-Saint-Charles, le plus ancien quartier de Montréal après le Vieux-Montréal n’ont rien à envier à Lowell.  On a beau être en ville, la mortalité infantile y est plus grande que dans les campagnes.  En moins de trois mois, Louis perd trois enfants coup sur coup[46].  C’en est assez pour lui et Arthémise son épouse.  Le couple décide de repartir pour la Nouvelle-Angleterre avec leurs cinq enfants, probablement avant la période des fêtes[47].  Ils seront déjà installés à Lowell en septembre de l’année suivante où Arthémise mettra au monde un autre enfant[48].  Après une dizaine d’années passées à Lowell, Louis finira sa vie à Lawrence au Massachusetts à moins de trente kilomètres au nord-est de Lowell.  Il y décédera en 1933.

C’est en 1894 que le cadet Maxime épouse la jeune Agnès Ashmore, dix-sept ans, en l’église Saint-Jean-Baptiste du «P’tit Canada».  Agnès est originaire de la municipalité de canton de Melbourne dans le Val-Saint-François.  Son père est descendant d’un loyaliste arrivé dans les Eastern Towniship en 1799 et sa mère est une francophone de cette région; ils ont aussi migré à Lowell pour le travail[49].  Le couple aura treize enfants et Maxime fils décédera au nord de Boston à Somerville en 1955.  Avec le départ du cadet, il n’y a plus que le salaire de Maxime pour subvenir aux besoins du couple et déjà la compagnie en prend une bonne partie pour le loyer.

Si le cadet Maxime est reçu citoyen américain en 1896, il semble que son père n’ait jamais entrepris les démarches pour obtenir sa citoyenneté, du moins on n’en trouve pas de trace.  Ce sont ses deux beaux-frères, arrivés à Lowell en 1880, qui parrainent son fils dans l’obtention de sa citoyenneté[50].  

Au tournant du siècle, Maxime et Louise ne sont pas seuls sur la rue Cushing de Lowell.  Leur fils Maxime y est également tout comme ses beaux-parents d’ailleurs.  Les beaux-frères Damase et Uldéric Leboeuf y sont également.  De fait, ils habitent tous dans un même édifice-appartements où logent une quinzaine de familles[51].  En plus de ses proches, Maxime côtoie près de vingt-cinq mille Canadiens français établis à Lowell[52].


La fin d’une vie au Rhode Island

C’est un peu après le début du siècle, probablement en 1901, que Maxime quitte Lowell pour aller vivre dans la ville de Pawtucket au Rhode Island, à la frontière du Massachusetts, tout juste au nord de Providence, la capitale de l’État.  L’homme de plus de soixante-dix ans suit son fils cadet Maxime ; c’est là que lui et Louise habiteront dorénavant.  Maxime fils continuera d’y être tourneur sur bois[53].

Maxime travaillera jusqu’à sa mort le 17 août 1906 dans cette ville de Pawtucket à moins de cent kilomètres au sud de Lowell.  Il aurait eu soixante-seize ans huit jours plus tard.  De ses huit enfants, seuls son aîné Louis et son cadet Maxime lui auront survécu.

On ne saura jamais ce qui a poussé Maxime à quitter Charlevoix pour aller vivre aussi loin, à l’extrême sud-ouest du Québec au départ.  Tous ses frères et sœurs ayant atteint l’âge adulte ont, comme lui, quitté la région pour des terres lointaines : Joséphine vers Saint-Thècle en Mauricie, Louis à Mistassini, Philomène aussi au lac Saint-Jean et Marie Louise encore plus loin, à Brosseau en Alberta; pas un n’est resté à Saint-Hilarion de Settrington.  Le désir de se sortir d’une certaine misère n’explique pas tout.  Si la réputation d’homme «pas commode» de son grand-père est parvenue jusqu’à nous[54], se pourrait-il que le père ait été un peu semblable? Est-il possible que son père, le bedeau Pierre Hervez ait été, parmi les six Pierre, porteurs du même patronyme à l’époque et demeurant dans la région, le Pierre qui avait laissé un souvenir amer dans le canton de Settrington à cause d’une arnaque qui coûta cher aux futurs résidents du canton et dont parlera Nérée Tremblay cent ans plus tard en 1948[55]? Si cela s’avérait, on pourrait comprendre le départ de tous ses enfants, dont Maxime

Maxime Hervai, ses enfants, données généalogiques — 7e génération

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 25 août 1830.

[2] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Timothée, 3 mai 1829.

[3] Antoine Leboeuf utilisera plusieurs patronymes au cours de sa vie.  À cet égard, voir l’encart le concernant.  Les différents patronymes qu’il a utilisés ont été puisés aux registres suivants : registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 16 février 1831, 21 décembre 1832, 10 mai 1840 et 7 octobre 1842; registre de la paroisse Sainte-Agnès, 22 février 1835 et 26 février 1837; registre de la paroisse Saint-Irénée, 7 mai 1845 et 25 septembre 1847; registre de la paroisse Notre-Dame de Montréal, 23 décembre 1852.  Également le recensement de 1861 pour la paroisse Saint-Thimothée, microfilm 4108671_00547.

[4] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Irénée, 26 mai 1851.

[5] Ibid., 8 septembre 1851.

[6] B.A.C., G., Recensement de 1851, comté de Saguenay, Canton Settrington, pages 2 et 3.  Et TREMBLAY, Nérée. Monographie de la paroisse de Saint-Hilarion. Québec, Édition Charrier & Dugal, 1948, page 8.

[7] Le village de cette municipalité de paroisse sera incorporé sous le nom de ville de Salaberry-de-Valleyfield le 28 janvier 1874.

[8] MAGNAN, Hormisdas. Dictionnaire historique et géographique des paroisses, missions et municipalités de la Province de Québec. Arthabaska, Imprimerie d’Arthabaska inc., 1925, page 181 et dans : CONSEIL EXÉCUTIF DE LA PROVINCE.  Subdivisions du Bas-Canada en paroisses et Townships : en réponse à l’adresse ci-jointe de l’Assemblée législative. Québec, E.-R. Fréchette éditeur, 1853, page 272.

[9] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Timothée, 16 mars 1857.

[10] B.A.C., G., Recensement de 1861, Sainte-Cécile, microfilm 4108671_00667.

[11] B.A.C., G., Recensement de 1861, Saint-Timothée, microfilm 4108671_00547.

[12] B.A.C., G., Recensement de 1861, Saint-Timothée, Sainte-Cécile, Baie-Saint-Paul et Chicoutimi.

[13] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Cécile, 9 avril 1863.

[14] HANNA, David B.  Griffintown : Son histoire et son cadre bâti. Montréal, ville de Montréal, 2007, pages 9, 20 et 72.

[15] MacKay’s Montréal Directory for 1865, page 310 et The Montréal Directory for the year 1871, page 333.  Maxime Harvey, shipwright Basin.  Aujourd’hui rue des Bassins.

[16] MUSÉE MCCORD. Le quartier Sainte-Anne ou l’évolution d’un quartier irlando-montréalais : 1792-1970. [En ligne]. http://collections.musee-mccord.qc.ca/scripts/explore.php?Lang=2&tableid=11&tablename=theme&elementid=113__true&contentlong [page consultée le 7/11/2021].

[17] B.A.C., G., Recensement de 1871, Montreal-West, division 79, page 64.

[18] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Montréal, 9 février 1865.

[19] The Montréal Directory for 1872, page 78

[20] Ibid., 16 septembre 1872.

[21] Ibid., 31 décembre 1872.

[22] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Joseph de Montréal, 7 janvier 1873.

[23] RONDEAU, Sylvain, Les Irlandais du quartier Sainte-Anne à Montréal, sources et institutions : 1825-1914, Rapport de recherche de M.A. (histoire appliquée), Université du Québec à Montréal, 2010, 113 pages.

[24] Ibid., 25 novembre 1873.

[25] Ibid., 5 décembre 1873.

[26] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Agnès, 26 février 1837.

[27] The Montréal Directory for the year 1874, page 398.  Maxime Harvey, carpenter Bassin.

[28] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Joseph de Montréal, 11 juin 1875.

[29] Lovell's Montréal Directory for 1877, page 444. 43 Lusignan. Et : Lovell's Montréal Directory for 1878, page 392, 43 Lusignan.

[30] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Cunégonde de Montréal, 9 juillet 1876.

[31] 1900, Recensement fédéral américain, État du Massachusetts, comté de Middlesex, ville de Lowell, page 10.

[32] 1930, Recensement fédéral américain, État du Massachusetts, comté de Worcester, ville de Worcester, page 20.

[33] 1930, Recensement fédéral américain, État du Massachusetts, ville de Lawrence, page 1.  Maxime n’apparaît pas au recensement canadien de 1881.

[34] 1900, Recensement fédéral américain, État du Massachusetts, comté d’Essex, ville de Lawrence, page 1.

[35] LANE, Brigitte.  «Histoire orale des Franco-Américains de Lowell, Massachusetts : mémoire, histoire et identité(s)». Francophonies d’Amérique, n° 5, 1995, pages 160-161.

[36] Lors du recensement de 1900, son fils Louis déclarera être arrivé aux États-Unis en 1880 alors que lors de la demande de naturalisation américaine de son frère Maxime faite en 1896, il mentionne l’année 1889. 

[37] Lovell’s Montréal Directory for 1881, page 743, 62 rue Turgeon.

[38] Lovell's Montréal Directory for 1882, page 366, 657 rue Saint-Joseph.  Il n’y a que deux autres Maxime Harvey au Québec à cette époque, Maxime Hervai (1822-1892), maire et conseiller municipal de Saint-Louis de l’Isle-aux-Coudres qui y a toujours vécu et Maxime Désiré Harvé (1839-1920), navigateur de la même île et également conseiller municipal.  Ce dernier n’a jamais porté le prénom de Maxime, mais plutôt celui de Désiré.

[39] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Clément de Beauharnois, 16 septembre 1883.

[40] A.N.Q., GN. Minutier Eusèbe Laliberté, no 77, 19 mars 1883.  Aujourd’hui rue Barré.

[41] Ibid., 27 mai 1884.  L’inscription au registre laisse entendre que les parents de Benjamin sont de la paroisse Saint-Clément, une erreur sans doute puisque l’on sait que le père est de Lowell et qu’aucun Harvey n’a été choisit comme parrain ou marraine de l’un des sept enfants de Benjamin.

[42] Ibid., 1er mai 1885.

[43] BOURBONNIÈRE, Avila. Les Canadiens-Français de Lowell, Mass : recensement, valeur commerciale, valeur immobilière, condition religieuse, civile et politique, noms et adresses, suivis de la constitution et des règlements de l’Union franco-américaine. Lowell, Massachusetts, les Éditions A. Bourbonnière, 1896, page 53-57.

[44] Sampson, Murdock and Co., The Lowell City Directory for 1889 & The Lowell City Directory for 1890. 55 Cushing.  Le fils cadet sera tourneur sur bois toute sa vie.  Au moment d’écrire ces lignes en 2021, le président de l’Assocation des Tourneurs sur Bois du Québec était également un Harvey, Steve Harvey.

[45] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Montréal, 6 octobre 1886. Sépulture de Raymond Harvey.

[46] Ibid, 5 août 1889, sépulture d’Ernestine Harvey; 16 octobre 1889, sépulture de Cyprien Harvey; 13 novembre 1889, sépulture de Napoléon.

[47] 1910, Recensement fédéral américain, État du Massachusetts, comté d’Essex, ville de Lawrence, page 33.  L’année de la deuxième arrivée de Louis à Lowell est inscrite 1889.

[48] State of Massachusetts. Record of Birth for Lowell, 15 septembre 1890. 

[49] Archives de l’état du Massachusetts, comté de Middelsex, Lowell. Record of mariage for Maxime Harvey, 29 avril 1894.

[50] Dossiers de naturalisation fédérale et d’État, Massachusetts, Maxime Harvey, 14 novembre 1896.

[51] 1900, Recensement fédéral américain, État du Massachusetts, comté de Middlesex, ville de Lowell, pages 10-12. 

[52] LAVOIE, Yolande.  L’Émigration des Québécois aux États-Unis de 1840 à 1930. Québec, Conseil de la langue française, 1981, page 62.

[53] Pawtucket, Rhode Island, City Directory fot the years 1902-1906.

[54] TREMBLAY, Victor Mgr. «Mémoires d’un ancien - Monsieur Napoléon Harvey», Saguenayensia, volume 15, numéro 2 (mars-avril 1973), page 56. 

[55] TREMBLAY, Nérée, ibid., pages 5-13 et 26.  Pour les détails de cette histoire, voir la vie de son père.