11-02. Les Harvey colonisateurs

Cette section du chapitre sur les Histoires diverses relatives aux Harvey d’Amérique présente des récits traitants de Harvey qui ont contribué à ouvrir de nouvelles régions et de nouveaux villages au Québec et ailleurs. 

Dans plusieurs de ces endroits, ils n’étaient pas les premiers puisque plusieurs individus nomades, membres des Premières nations, y étaient déjà passés.  Néanmoins, ces Harvey furent les premiers descendants européens à s’y établir de façon sédentaire.

N’enlevant en rien au mérite de leurs efforts, si plusieurs des endroits que nous visiterons se sont « construit(s) par la force des bras, avec du cœur au ventre »[1], c’est que nos ancêtres n’avaient pas toujours le choix.  Ces Harvey, souvent issus de familles nombreuses, ne pouvaient plus assurer leur avenir en raison du trop-plein d’enfants que les rives du Saint-Laurent ne fournissaient plus à nourrir et dont les terres avaient déjà été partagées plus d’une fois.

La transmission du patrimoine chez les Harvey

Sous le régime français, la coutume de Paris invitait à l’égalitarisme quand venait le temps de transmettre le patrimoine ce qui encourageait l’émiettement du patrimoine.  Cependant, les pratiques des censitaires visaient la plupart du temps à remembrer les biens familiaux et, par conséquent, à favoriser certains héritiers au détriment des autres habitants.   Le migrant Sébastien Hervet (1642-1714) n’avait pas eu à vivre cette situation, il était marchand et un seul fils lui avait survécu.  Sébastien Hervé (1695-1759) quant à lui avait ainsi favorisé son aîné pour s’assurer que la terre familiale demeure intacte avec comme conséquence, que ses deux autres fils s’étaient rabattus sur leurs belles-familles pour se créer un patrimoine.  Pierre Hervé (1733-1799), comme son père, avait privilégié l’un de ses fils et son frère Dominique (1736-1812), lequel avait accumulé un important patrimoine foncier à l’Isle aux Coudres, en avait favorisé deux.  À leur décharge, il faut bien dire que la petite île n’avait plus de terre à offrir.   Les dix autres fils de cette troisième génération n’eurent donc d’autres choix que d’aller voir ailleurs pour s’établir.  Heureusement pour ces exclus, la colonie possédait encore une abondance de terres neuves. 

Partir, occuper de nouveaux espaces, se battre contre le climat, lutter contre la forêt et forcer la terre à donner ses fruits n’avaient donc généralement pas été leur choix.  Si la société du temps avait tracé le chemin pour faire de ces Harvey une race de défricheurs et d’agriculteurs, plusieurs ont tout de même choisi d’autres avenues contrairement à ce que l’on a longtemps voulu nous faire croire.

Cette section présentera donc ceux, parmi les nôtres, qui sont partis de leur région d’origine pour aller vers de nouveaux horizons.  Si certains l’ont fait par choix, d’autres, la grande majorité, ont été poussés par la force des choses.   Parmi eux, certains abandonnant tout derrière eux pour tenter leur chance d’un avenir meilleur.

Voici quelques-uns de ces récits complétés ou en préparation.  Ceux qui ont été complétés sont soulignés.  Un simple clic sur le nom d'une région soulignée (caractères bleus) vous amènera au texte en question  :

01 — Bas-St-Laurent

Bordée au nord par le fleuve Saint-Laurent, la région s’étend aujourd’hui jusqu’à l’État du Maine et jusqu’au Nouveau-Brunswick.  À l’époque où nos ancêtres Hervé y ont mis les pieds, il en était tout autrement.  D’abord, la frontière américaine était encore mal définie au début des années 1800 et la nouvelle colonie britannique du Nouveau-Brunswick (1784-1866) ne s’étendait pas aussi loin au nord qu’aujourd’hui.  Le Bas-Canada qui englobait alors le Bas-Saint-Laurent s’étendait jusqu’aux rives du fleuve Saint-Jean.  La région que l’on qualifiait autrefois de Côte-du-Sud et qui s’étend de Sainte-Anne-de-la-Pocatière à l’ouest jusqu’à Matane à l’est, fut la seconde a attiré les Hervé/Harvey dans notre histoire.  Après avoir résidé 15 ans à Saint-Roch-des-Aulnaies, l’un des fils de la 4e génération qui avaient quitté l’Isle aux Coudres pour venir vivre sur la Côte-du-Sud acquiert une terre à Sainte-Anne-de-la-Pocatière en 1799, village voisin, mais localisé dans la région connue aujourd’hui comme le Bas-Saint-Laurent.  Outre deux de ses enfants de la 5e génération qui feront leur vie à Sainte-Anne de la Grande-Anse, tous les autres migreront aux portes de la Gaspésie, à Sainte-Flavie.  Peu d’autres Hervé y viendront avant la deuxième moitié des années 1800.  La région est traversée d’est en ouest par la chaîne des Appalaches limitant ainsi le développement agricole aux rives du fleuve.  Cependant, deux vallées à vocation forestière vont du nord au sud, celle du Témiscouata et celle de la Matapédia. C’est dans cette dernière que s’amènera une poignée de Harvey principalement attiré par l’industrie forestière et l’économie qui en découle.

02 Saguenay–Lac-Saint-Jean

Trop importante dans l’avancé des Hervé/Harvey sur le territoire, cette région sera divisée en deux pour bien marqué leur progression dans la colonisation du pays.

Saguenay

Bordant la région de Charlevoix d’où les Harvey de la 5e génération sont partis, le Saguenay en a accueilli des dizaines qui ont contribués à fonder de nombreux hameaux et villages le long de la rivière Saguenay : Les Petites-Îles, l’Anse-aux-Foins, le Grand-Brûlé, Jonquière pour n’en nommer que quelques-uns.

Le Lac-Saint-Jean

À moins de 200 kilomètres au nord de Québec, les Harvey seront parmi les premiers descendants européens à fonder des villages autour du lac.  Ils contribueront à donner au Lac-Saint-Jean sa réputation de population à l’accent unique.  Il faudra aussi attendre les enfants de la 5e génération de Charlevoix avant de voir un Harvey s’établir dans cette région.


03 — Capitale-Nationale (Québec)

Berceau de la civilisation française en Amérique, le migrant Sébastien Hervet avait passé les vingt-sept dernières années de sa vie dans la Capitale sans pour autant y laisser une descendance porteuse du patronyme.   Les premiers Harvey à Québec par la suite seront des conquérants britanniques qui également n’y laisseront aucune descendance.  La présence des premiers hôpitaux de la colonie et l’ouverture d’usines et de manufactures attireront les premiers Hervé/Harvey.  Ce seront également des enfants de la 5e génération, ceux-là en provenance de villages rapprochés de la Côte-du-Sud, Saint-Roch-des-Aulnaies et L’Islet, qui arriveront dans la capitale les premiers à la fin des années 1830.

04 — Mauricie

Cette région située entre celle de Lanaudière et celle de la Capitale-Nationale s’étend du fleuve Saint-Laurent jusqu’à la forêt boréale.  Plutôt que de partir par Trois-Rivières, sa ville centre, elle fut conquise par les nôtres principalement par le revers.  Le chemin de fer reliant Québec à Roberval sur le lac Saint-Jean amènera les Harvey du Saguenay et du lac Saint-Jean dans cette région limitrophe maintenant accessible.  La Haute-Mauricie de nos ancêtres fut de trois ordres.  D’abord celle des Harvey cheminots voués à la construction, l’opération et l’entretien du nouveau chemin de fer dont la réalisation s’étendra sur 20 ans à compter de 1869.  Puis celle des Harvey travailleurs de chantier que l’ouverture des scieries avait attiré dans une région entièrement forestière.  Finalement, dans ce territoire désormais accessible parsemé de lacs, le chemin de fer favorisa la création de nombreux clubs de chasse et pêche réputés sur tout le continent tout le long du trajet ce qui attira de nombreux Harvey travailleurs de toutes sortes, attachés à ces clubs privés; parmi eux on retrouvera quelques Harvey métissés, tous descendants d’une même Harvey s’étant uni à un fils d’une première nation.

08 — Abitibi-Témiscamingue

Cette région s’est développée en deux temps.

Le Témiscamingue

Au début des années 1900, à plus de 800 kilomètres des régions où sont ancrés les Hervé/Harvey et à plus de 2000 kilomètres des Hervy/Harvey des Îles-de-la-Madeleine, le premier Hervé/Harvey s’établira au Témiscamingue vers 1910 au Témiscamingue.  Puis, 30 ans plus tard, un nombre appréciable de Hervy/Harvey ayant d’abord passé par le Labrador québécois puis la Beauce s’amèneront dans cette région.   

L’Abitibi

Ce ne sera vraiment qu’après la fin de la construction du chemin de fer qui traversera l’Abitibi que débutera l’arrivée des Harvey dans cette région.  Si l’économie de la région s’appuie alors principalement sur l’exploitation des ressources naturelles, les promesses de rêve agricole des plans de colonisation gouvernementaux inciteront plusieurs Harvey à s’amener sur le territoire.  Pour une grande majorité des nôtres, après des années à trimer dur sur leur terre l’été et dans les chantiers l’hiver, ils finiront leur vie dans l’une des nombreuses petites villes nées du boum minier.  

09 — Côte-Nord

Cette région côtière avec sa faible densité de population et ses paysages maritimes d’une grande beauté, située à l’ouest du Labrador d’aujourd’hui, s’étend sur un vaste territoire commençant à Tadoussac, au nord-est de la rivière Saguenay, et s’étirant jusqu’au Labrador. 

Haute-Côte-Nord

Les Hervé/Harvey de Charlevoix de la 5e génération se sont amenés dans cette région dans la même période où ils ont conquis le Saguenay.  Après avoir fait tomber les barrières du Domaine du roi et le monopole de la Hudson Bay Company sur le territoire, venant de l’ouest, ils ont progressivement occupé les nombreuses baies qui longent les rives de la Haute-Côte-Nord et y ont peuplé les hameaux en développement.  Les Hervé/Harvey y vivront essentiellement d’une agriculture rudimentaire tout en œuvrant dans l’industrie forestière.  Un petit nombre exploiteront également les pêcheries. 

Basse-Côte-Nord

Presque en parallèle, dès les années 1850, arrivant des îles de la Madeleine, les Hervy/Harvey ont occupé le territoire de la Basse-Côte-Nord qui, encore à l’époque, englobait le Labrador alors qu’il était toujours revendiqué par le Québec.  D’ailleurs, toute la Basse-Côte-Nord avait pour dénomination le Labrador.  Les Hervy/Harvey en revanche ne vivront que de la pêche ce qui entraînera la migration plus à l’ouest d’un bon nombre d’entre eux après plusieurs années où la ressource ne se sera pas présentée dans leurs filets.

12 — Chaudière-Appalaches

Bordée au nord par le fleuve Saint-Laurent et au sud par la frontière américaine alors mal définie, la région de Chaudière-Appalaches sera la première où iront s’établir des Hervé/Harvey lorsqu’ils quitteront l’Isle aux Coudres.  Les Hervé y seront attirés très tôt dans notre histoire.  De fait, contrairement à la croyance générale que les Hervé de l’Isle aux Coudres étaient d’abord partis vers La Malbaie (1784), c’est plus de trente ans plus tôt que certains partiront vers le village de Saint-Roch-des-Aulnaies tout en face de l’île qui les avaient vus naître.  Du berceau des Hervé de l’Isle aux Coudres, ils seront plusieurs à mettre les voiles vers la Rive-Sud.  Dès les années 1750, l’ancêtre de la grande majorité des Harvey au Québec, Sébastien Hervé (1695-1759), l’un des dix premiers colons de l’île aux Coudres, partira finir sa vie dans ce village de la Rive-Sud après environ trente années passées sur l’île.  Deux de ses enfants (3e génération) s’y établiront également au tout début des années 1750.  Dans les années 1780, trois enfants de la 4e génération de Hervé laisseront l’île et viendront également s’établir à Saint-Roch-des-Aulnaies.  Ce seront les Harvey de la 5e génération qui essaimeront vers l’est à L’Islet et jusqu’à Québec alors que d’autres iront dans le Bas-Saint-Laurent vers l’ouest dans de nombreux villages de la côte dont Saint-Fabien et Rivière du Loup, au Témiscouata et aussi loin qu’aux portes de la Gaspésie.  Il faudra attendre la deuxième moitié des années 1800 avant que d’autres ne viennent s’y établir principalement attirés par l’industrie forestière.

Les Harvey en Ontario

Une quinzaine de familles de Harvey partiront vers le nord de l’Ontario.  Ils seront attirés pour la plupart par la découverte de gisements miniers de toutes sortes ainsi que par la demande en travailleurs forestiers.  Certains quitteront les régions du Bas-Saint-Laurent, de Charlevoix, du Lac-Saint-Jean et de Montréal.  Cependant, bon nombre d’entre eux viendront du Témiscamingue et de l’Abitibi où ils s’étaient d’abord établis.

Les Harvey dans l’Ouest canadien

Les prairies canadiennes paraissent propices à la colonisation aux yeux des Canadiens français, qui, au début du siècle dernier,  considèrent alors l’Ouest comme faisant partie du patrimoine hérité de leurs ancêtres.  Au cours de la première moitié du siècle dernier, avant la Grande Guerre, l’Ouest canadien attirera au moins quatre Hervé/Harvey : Marie Louise (1841-1934) et Louis (1862-1916) ainsi qu’Hermias (1852-post.1931).   Plus tard, après la Grande Dépression, il y aura également Jules Roméo (1908-1990) qui y fera un court passage. 

[1] TREMBLAY, Paul. Les arrivants à Mistouk 1882. Delisle, Édition du Centenaire, 1982, page VII.