04 Joseph François Hervé

5.6.04.04 Joseph François Hervé (1794-1890), 5e génération 

 

En 1794, Marie Louise LeBreton dite Lalancette (1769-1865) donne un deuxième fils à David Louis Dominique Hervé (1764-1837).  Le 16 mars naît à Saint-Roch-des-Aulnaies celui qui allait devenir l’un des premiers colons qui ouvriraient le Saguenay, à l’encontre des volontés des autorités anglaises.  Encore aujourd’hui, on le confond avec l’un de ses frères.  On en fait aussi erronément un centenaire de la Société des Vingt-et-un.  L’enfant vivra longtemps, mais ne sera pas centenaire comme on le verra. 

Le lendemain de sa naissance est baptisé « Joseph François Hervé ».  Il a pour parrain Joseph François Lizote (1770-1836) qui deviendra un lointain cousin par alliance.  En effet, dans cinq ans Lizote épousera Geneviève Ouellet (1778-1854), dont la mère est Félicité Hamond (1752-1808), la belle-fille de Rose Hervé (1730-1816), tante de David Louis Dominique.  La marraine de l’enfant est sa tante Félicité Perpétue Bouchard (1758-1843), épouse de François Hervé[1].

Comme « Joseph François » verra naître un frère se prénommant François, il portera uniquement le prénom de Joseph tout au long de sa vie.  Il a huit ans quand il quitte Saint-Roch-des-Aulnaies pour Murray Bay avec sa famille. 

La guerre de 1812


En 1811, les Britanniques sont en guerre contre Napoléon depuis un certain temps.  Au sud, les Américains discutent de la possibilité d’en profiter pour conquérir les colonies de l’Amérique du Nord britannique.  Chez les Hervé tous souhaitent, comme la plupart des autres habitants, ne pas être appelés au combat dans ce conflit qui bouillonne entre anglais. 

Au printemps 1812, en préparation d’une guerre inévitable, les autorités coloniales décident de lever une milice  d’« élite et incorporée » de deux mille hommes qui sera incorporée aux troupes régulières.  Ils sont recrutés à même la milice sédentaire qui regroupe tous les hommes de seize à soixante ans qui ne doivent servir que pour de courtes périodes[2].  Comme les autres hommes de Murray Bay, Joseph François appartient au bataillon de la « milice sédentaire de la Baye St-Paul »; il est de la compagnie du lieutenant-colonel Joseph Dufour de l’Isle-aux-Coudres.  

La nouvelle milice d’élite sera composée d’hommes célibataires tirés au sort parmi ceux qui sont âgés de dix-huit à trente ans ; un premier tirage débute le 28 mai[3].  Comme les hommes ainsi sélectionnés doivent servir activement sur une période d’un à deux ans et que la guerre se prolongera, d’autres tirages auront lieu, mais pour l’heure, la population n’en est pas encore consciente.  Ce sont trente-cinq miliciens ainsi sélectionnés qui s’embarquent vers les camps de miliciens conscrits de Saint-Thomas de Montmagny (21) et de Pointe-aux-Trembles-de-Neuville (14) sur les goélettes réquisitionnées d’Étienne Lajoie, « La Sainte-Anne » et celle de François Sauveur Guay pour aller faire la guerre[4]« Joseph, journalier » de son métier, s’en tire pour cette fois-ci !

Tout indique que l’ensemble de la région s’était agitée au cours des mois qui suivirent le décret de la conscription de 1812 et surtout après l’annonce de la troisième et imposante levée de miliciens.  En effet, fin janvier 1813, c’est cent seize hommes qui seront conscrits, contre trente-cinq en mai et quatre en juillet 1812.  On ne sait pas si, en octobre 1812, Joseph François s’était conformé à l’obligation des miliciens de Murray Bay de prêter un serment d’allégeance et de fidélité au Roi George III, puisque plus du quart d’entre eux ne l’ont pas fait.  Il faut dire que plusieurs éléments, jugés subversifs par les Britanniques, gravitent autour de la famille de Joseph François ; l’un des meneurs, Jean Baptiste Simard à René (1781-1825) épousera, peu de temps après le conflit, Marie Perron (1797-1866), cousine de Joseph François et fille de Félicité Sophie Hervé (1769-1846), sa tante, protégée de son père.  Les troubles sont sérieux, puisqu’au printemps 1813, le lieutenant-colonel Joseph Dufour se voit ordonné par Malcom Fraser, seigneur et colonel de l’armée britannique, de lever une troupe de cent cinquante hommes pour capturer les rebelles.  Rien n’empêchera plus le départ des miliciens conscrits (pour se faire une idée du climat qui règne dans les seigneuries de la région, voir la note de fin de texte, tirée du dossier de « la seigneurie des Éboulements » des archives des frères du Sacré-Cœur de L’Ancienne-Lorette[i]). 

Après l’arrestation et l’emprisonnement à Québec des meneurs de l’opposition à la conscription, on observait la plus grande tranquillité dans les cinq paroisses de la région ; c’est l’allié de la couronne britannique, l’intriguant et parvenu Pierre de Sales Laterrière (1743-1815), juge et seigneur des Éboulements, qui l’affirmait dans une lettre adressée au secrétaire de la province, Herman Witsius Ryland (1759-1838), en ajoutant à la fin de sa missive : « jusqu’aux femmes qui n’osent plus parler ».[5]

Moins de douze mois après le dernier tirage, le vent tourne à la fin de 1813, alors qu’il n’a pas encore vingt ans et est toujours mineur, Joseph François est recruté.  Celui qui fait « cinq pieds neuf pouces et demi, a les cheveux bruns, les yeux gris et le teint blanc » prendra donc part à la guerre anglo-américaine qui avait débuté en juin 1812 et qui oppose les États-Unis à l’Empire britannique.  C’est à compter du 25 février 1814 que Joseph François se joint officiellement au 1er bataillon de la milice d’élite.  C’est à ce même bataillon qu’appartenait Louis Tremblay des Éboulements lorsqu’il fut tué au combat un mois auparavant[6].  La nouvelle de sa mort avait sûrement dû faire grand bruit.  Ce bataillon avait été incorporé à l’armée régulière le 24 octobre 1812 ; il était dirigé depuis par le lieutenant-colonel Thomas-Pierre-Joseph Taschereau (1775-1826)Le 30 mars 1813, c’est sous les ordres du colonel du bataillon de la milice ordinaire de Baie-Saint-Paul Malcom Fraser (1733-1815), malgré l’âge avancé de ce dernier, que sont conduits à Québec les miliciens pour se joindre au 1er bataillon de la milice d’élite dont fait partie Joseph François.  De fait, c’est plus précisément au quartier général du 1er bataillon de la milice d’élite incorporée situé à la Pointe aux Trembles[7], près de Québec, que se rend ce nouveau groupe de miliciens[8].  De Québec, Joseph François quitte le Bas-Canada pour aller se battre aux États-Unis.  À tout le moins, c’est ce qu’il déclarera en 1890 à ses deux petites-filles[9].

On ne sait pas précisément où fut cantonné celui que l’on appelle le « private Joseph Harvey », ni où il livra bataille pendant toute la période de son service militaire.  On sait par contre que sa compagnie, celle de James Hincks, rejoint son bataillon par la rivière Richelieu jusque dans la région de Lacolle au sud de Montréal, à quelques kilomètres de la frontière américaine. 

Pendant les treize mois où Joseph Fançois fut conscrit, on peut situer le théâtre des opérations du 1er bataillon au sud de Montréal, le long du Richelieu et sur les rives du lac Champlain.  C’est là que se déroulera la Seconde Bataille du moulin de Lacolle le 30 mars, bataille qui mis fin à la dernière tentative américaine d’envahir le Bas-Canada le long de la rivière Richelieu.  C’est aussi dans cette région qu’eut lieu la Seconde série d’escarmouches d’Odelltown tout au cours du printemps et de l’été.  Finalement, c’est au cours de cette période que l’on prépara la Campagne du lac Champlain, là où les troupes du « 1er bataillon de la Milice d’Élite et Incoporée » seront engagées[10], entre le 30 août et le 12 septembre 1814, tout se terminant avec la bataille de Plattsburgh dans l’État de New York. 

Bien que le bataillon de Joseph François ne figure dans aucune bataille rangée, il prit tout de même part à une escarmouche au cours de laquelle Joseph François subira une blessure par balle à une jambe[11].    

Le conflit se termine le 12 février 1815.  « Joseph Harvé, du premier bataillon de la Milice d’Élite et Incoporée », est démobilisé le 6 mars 1815 à Charlesbourg près de Québec[12]Joseph François reçoit alors une paye pour la période de son service et un supplément couvrant vingt jours de paye entière additionnels, le temps de se refaire une vie. On ne sait pas ce que Joseph François fit de sa nouvelle fortune, mais elle ne l’amènera pas à se caser très rapidement, car il demeurera célibataire pour encore dix ans.

Après la fin de la guerre, diverses mesures sont prises afin de récompenser les miliciens ayant fait partie de « la Milice d’Élite et Incoporée ».  Au début, des terres sont distribuées à certains miliciens, dans le Haut-Canada et dans les Eastern Townships, mais cet exercice est fort limité au Bas-Canada parmi les conscrits « canadiens », entraînant par le fait même une vague d’insatisfaction.  Dès lors, les conscrits entreprennent une série de démarches pour se faire indemniser ; ces doléances prendront trente ans avant d’aboutir.  Évidemment, Joseph François n’a pas bénéficié de cette première distribution.

Joseph François est le seul Harvey québécois à avoir combattu dans cette guerre selon les Archives du Canada[13].  Sur les trois cent trente-cinq mille habitants du Bas-Canada, outre les troupes régulières, six mille hommes ont été embrigadés dans cette guerre et un faible nombre de ceux-ci étaient francophones.  Joseph François, sous le joug des deux seigneurs écossais de sa région, croyait comme bien d’autres, aller se battre contre les Anglais, comme en fait foi sa déclaration de 1890 à ses petites-filles « J’aurais voulu tous les tuer tout seul ces Anglais »[14].  

À son retour de la guerre en 1815, Joseph François retourne vivre chez son père où il passera au moins encore dix ans[15].  Il s’investit dans les activités de son père dans le commerce du bois dès son retour.  C’est vraisemblablement dès 1817, alors qu’il a vingt-trois ans, qu’il débute à son compte dans ce même commerce.  Il s’engage en septembre à livrer du bois de pinière qu’il aura bûché durant l’hiver à Amable Bélair (1781-1841)[16].  Bélair est un marchand de la baie Saint-Paul, devenu depuis peu beau-frère des deux seigneurs de Mount Murray par son mariage à Anne Fraser (1792-1877), la sœur aînée de ces derniers.  Amable Bélair est également procureur général de la seigneurie de Mount Murray et il en brasse déjà large dans la région dans le domaine de l’exploitation forestière.  Afin de pouvoir contracter une telle obligation, Joseph François avait fait l’acquisition d’une terre à bois avec son pécule accumulé par sa participation à la guerre.  C’est justement cette même terre qu’il échange avec celle de son frère François dans une transaction devant le notaire le 11 février 1820[17].

Une conjointe de l'Isle-aux-Coudres

Bien après son retour de la guerre, alors âgé de trente et un ans, « Joseph Harvé domicilié à la Malbaye, fils majeur de » David Louis Dominique chez Dominique épouse « Marie Marthe Desbien » le 8 novembre 1825 à l’Isle-aux-Coudres.  Marie Marthe, née « Débien » le 29 mai 1800 est âgée de vingt-cinq ans[18].  Elle est une fille de Louis (1775-1851) et de Marie Gagnon (1766-1837) ; elle est aussi la sœur jumelle d’Ursule (1800-1869).  La distance n’empêchera pas l’obligation pour les tourtereaux d’obtenir une dispense pour consanguinité du troisième degré, car la mère de Marie Marthe est la tante du père de Joseph François, étant fille de Marguerite Rosalie Hervé (1728-1818)[19]

On ne peut savoir comment Joseph François s’est trouvé une épouse à l’Isle-aux-Coudres, lui qui a passé son enfance à Saint-Roch-des-Aulnaies et son adolescence à Saint-Étienne de la Malbaie.  Par contre, on sait que la pratique de venir se chercher une épouse dans la famille à l’Isle était fort répandue à l’époque pour les jeunes gens de la Malbaye, alors que les goélettes possédées par des natifs de l’Isle faisaient régulièrement la navette entre les deux endroits.  Il faut aussi noter que les deux nouveaux mariés ont un arrière-grand-père commun, Sébastien Hervé (1695-1759)

Le couple aura sept enfants connus, trois garçons et quatre filles : Marie Phébée le 25 octobre 1826, Didié le 9 août 1828, Marie le 29 juillet 1830, François le 14 août 1832, Louise le 1er octobre 1834, Joseph le 12 janvier 1837 et Marie Vitaline le 8 février 1842.  Tous les enfants de Joseph François naîtront à Saint-Étienne de la Malbaie sauf la dernière qui naîtra en hiver au Saguenay.


Murray Bay

Cinq ans après son mariage, « Jos Hervay », Marie Marthe et leurs trois premiers enfants sont bien établis à la seigneurie de Murray Bay, dans la concession de la rivière Mailloux, sur une terre de quatre-vingt-huit arpents dont trente-six sont en culture.  Tout comme la plupart de ses voisins, son butin agricole n’est pas énorme avec ses deux bêtes à cornes, son cheval, ses six moutons et cinq cochons[20].  Il faut dire que l’agriculture n’est pas son principal moyen de subsistance.  Alors que quatre ans avant la naissance de Joseph François, la région où il est maintenant établi ne comptait qu’environ deux cent cinquante personnes, on en trouve maintenant près de quatre mille quatre cents pour l’ensemble des deux seigneuries[21].

Les premières concessions dans les seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray s’étaient effectuées d’abord sur les meilleurs sols, le long des rivières Malbaie et Mailloux, en débutant tout au long des estuaires des deux rivières.  Au moment de l’établissement de Joseph François et de Marie Marthe dans le secteur, les terres disponibles étaient maintenant très éloignées du fleuve et leurs sols de bien moindre qualité.  Cela influencera sans aucun doute le choix de la famille de partir, car dans quelques années, Joseph François abattra les barrières du Saguenay imposées par la très puissante Hudson’s Bay Company de connivence avec le gouvernement du conquérant[22].

C’est déjà depuis le début des années 1800 que la presque totalité des meilleures terres arables de la région a été concédée.  Celles qui le sont maintenant, en raison de la pauvreté du sol, permettent à peine à une famille de subsister.  Un été pluvieux ou trop sec et s’en est fait des récoltes dans ce sol peu profond et rocailleux[22a].  Quelques années après son mariage, Joseph François est donc signataire de la pétition de 1829 qui demande au gouvernement d’ouvrir la région du Saguenay à la colonisation[22b].  Il sera également signataire de l’accord du 9 octobre 1837, du 19 février et du 21 août 1838 qui mène à la colonisation du Saguenay.  Contrairement à ses jeunes frères François et Louis Denis, faute de moyens sans doute, tout comme son frère Pierre Lumina, il n’investira pas dans la Société des Pinières du Saguenay, ce qui ne l’empêchera pas d’être parmi les premiers à s’installer au Saguenay et à y demeurer.

Tout comme son père et ses jeunes frères, Joseph François vivra principalement de ce qu’il peut tirer de la forêt.  Comme on le verra, ses frères Pierre Lumina, François et Louis Denis sont également largement investis dans l’exploitation de la forêt.  Ainsi, le 24 février 1834, Joseph François passe chez le notaire Edouard Tremblay pour une « Vente de madrier » que lui et Marcel Maltais (1793-1867) font au marchand et petit cousin André Hervé (1804-1893).  Ce seront « six mille madriers de pin rouge de douze pieds de longueur sur six pouces de largeur et trois pouces d’épais (la norme de l’époque) qui seront livrés à l’acquéreur au mois de juillet prochain à bord des goélettes désignées par ce dernier à la Malbaie au lieu appelé l’îlet pour leur transport à Québec.  Le prix que Joseph et Marcel Maltais en obtiendront est fixé à cinq livres argent courant pour chaque cent madriers de la description et de la qualité convenue.  Dans le cas où les vendeurs voudraient faire “culler” lesdits madriers ledit acquéreur leur paiera six livres pour cent »[23].    La coupe en forêt et la livraison de six mille madriers de pins rouges une fois amenés au moulin n’est pas une mince affaire.  Joseph et Marcel Maltais avaient dû en trimer dur pour organiser le chantier, réunir les hommes nécessaires, acquérir les équipements, les chevaux et les provisions essentielles à l’opération.

L’associé de Joseph François dans cette affaire n’est pas un inconnu puisqu’il est le frère d’Olive Maltais (1802-1870) mariée à André Couturier (1796-1755), ami d’enfance de Joseph François et beau-frère de Pierre Lumina, son frère marié à Modeste Couturier (1798-1868), la sœur d’André.  De plus, Marcel Maltais et la femme de Joseph François ont également des liens familiaux ; la grand-mère maternelle de Marie Marthe, Marguerite Rosalie Hervé (1728-1818), était mariée à Joseph Gagnon (1730-1815), le beau frère de Jean Baptiste Malteste (1728-1801) et grand-père de Marcel[24].  Marthe et Marcel ont grandi sur la même île et ont participé aux mêmes veillées familiales.  Ce n’est donc pas un hasard si Joseph François est associé aux Maltais, car outre les nombreux liens familiaux, les associés ont également combattu au sein de « la Milice d’Élite et Incoporée » lors du conflit ayant opposé Britanniques et Américains de 1812 à 1814.

Bien que Joseph François soit propriétaire censitaire d’une terre à Murray Bay, on sait qu’il fut également batelier à une certaine époque, un métier qui devait faciliter le transport de son bois d’œuvre.  Lors du baptême de son fils Joseph en janvier 1837, le curé l’inscrit comme tel au registre alors qu’en 1834, au baptême de Louise, il était toujours cultivateur, mais cela en soi ne prouve rien puisque c’est ainsi que les curés qualifiaient le plus souvent les individus, glorifiant par le fait même le domaine agricole[25]. Il est probable qu’il ait poursuivi ce deuxième métier en parallèle de celui de cultivateur comme tant d’autres que la terre ne suffisait pas à faire vivre[26].  Son frère François est également navigateur et il possédera plusieurs goélettes au cours de sa vie.

L’année 1837 avait débuté dans la joie avec la naissance d’un fils, mais le printemps allait amener de grandes tristesses.  Alors que l’on vit l’aboutissement du conflit politique larvé qui existait depuis le début du XIXe siècle entre la population civile et l’occupant militaire colonial, c’est tout au début de la rébellion des Patriotes que Marie Marthe perd sa mère le 18 mars.  Cette dernière s’éteint à l’âge de soixante-dix ans[27].  Joseph François aussi sera affecté durant cette année trouble par la perte de son père trois mois plus tard[28].  

L’émigration vers les États-Unis prend un rythme important pour les fils des francophones du Bas-Canada et elle est révélatrice d’un problème grave.  Le domaine cultivable pour les colons d’ascendance française n’augmente pratiquement pas malgré une démographie grandissante. 

À l'assaut du Saguenay


Dans la région, l’absence de terres disponibles provoque l’éclatement des vieilles barrières psychologiques qui avaient toujours empêché de regarder vers les terres situées plus au nord, au Saguenay et au-delà au lac Saint-Jean, terres qui étaient monopolisées par la Hudson’s Bay Company.  Justement, à l’automne 1837, les frères cadets de Joseph François forment, avec d’autres censitaires, la Société des Pinières du Saguenay, aussi appelée « Société des Vingt-et-un »[29], pour entreprendre la coupe du bois dans les Postes du Roi[30].  L’idée première des membres de la « Société des Vingt-et-un » est de pénétrer dans ce pays fermé pour y établir des familles et pour certains de faire le commerce du bois d’œuvre.  Dans ce contexte, le ton monte dans la région tout comme aux alentours de Montréal avec le mouvement des Patriotes.  Le curé, issu du peuple, a-t-il pris le parti des autorités britanniques tout comme les évêques de Montréal et Québec en suivant les directives sévères de l’Église ou s’est-il montré solidaire des enfants de ses paroissiens ? On peut croire la deuxième hypothèse puisque l’histoire raconte qu’il bénira la goélette qui amènera les premiers colons lors de son départ.     

Un hiver passa, puis au printemps 1838, le fils de feu David Louis Dominique, Joseph François, remonte le Saguenay sur la « goëlette » de Thomas Simard avec vingt-six autres colons-défricheurs.  Bien que ce soient ses frères cadets qui sont associés à la « Société des Vingt-et-un », ces derniers, qui sont plus cultivateurs-marchands que colons, ne seront pas du voyage et ne s’établiront jamais au Saguenay comme la grande majorité des actionnaires de la Société d’ailleurs ; seulement six membres de la Société des Vingt-et-un s’y établiront.  Bien que déterminante pour la colonisation, la « Société des Vingt-et-un » n’a pas colonisé le Saguenay.  Seuls six de ses membres y ont élu demeure.  Ces six membres ont par contre ouvert la voie aux Charlevoisiens puisque ces derniers représenteront quatre-vingts pour cent des immigrants de la région avant 1870.  Joseph François est l’un des premiers. 

Les premiers colons s’installeront aux Petites Îles et à l’Anse-au-Cheval dans le fjord, alors que le 11 juin Joseph François et dix compagnons choisiront le fond de la Grande Baie contre la volonté de la Hudson’s Bay Company qui détient le monopole de la région [31].  Joseph François et Pierre Lumina y participent à l’exploration et à l’évaluation du potentiel de la forêt.  Jusqu’au début de l’automne de la même année, c’est cette poignée d’hommes qui construit une première écluse sur la rivière Ha ! Ha ! et érige le premier moulin à scier.  Leurs femmes et enfants suivront durant l’automne [32].  

La période de la grande défiance vient de débuter[33].  Selon Laure Harvey (1873-1947) « au petit Joseph » (1837-1899), la petite-fille de Joseph François, ce dernier à son arrivée dans la baie des Ha ! Ha ! pris possession des terres situées au nord-est à partir du pont enjambant la rivière qu’occupera en 1935 Liguori Bergeron (1863-1941) et une partie du rang Saint-Jean de la Grande-Baie[34] longeant la rivière Ha ! Ha ! 

Peu après que l’Acte d’Union ait céé la province du Canada, comprenant le Canada-Ouest (l’actuelle province de l’Ontario) et le Canada-Est (l’actuelle province de Québec), les législateurs conviennent, en septembre 1841, du besoin de tenir un recensement. Ce dernier devait être complété avant le 1er février 1842.  Bien qu’un district du Saguenay soit compris à ce recensement, seuls les villages près du fleuve de ce qui est connu comme la région de Charlevoix aujourd’hui ont été dénombrés.  Les énumérateurs du gouvernement colonial ne se sont pas aventurés aux confins du Saguenay.  On sait par contre que Joseph François et sa famille sont bel et bien installés sur les rives de la baie des Ha ! Ha ! car Marie Marthe y accouchera d’un enfant.

En effet, le 8 février 1842, « Marthe Desbien » accouche de son dernier enfant, le premier hors de la Murray Bay.  Faute de prêtre résident en cet hiver 1842 à la mission du Saguenay, on devra attendre le passage d’un missionnaire de Murray Bay pour que Marie Vitaline soit baptisée au début de l’été.  L’enfant aurait-elle pu être laissée sans baptême pendant plusieurs mois ? Difficile de le croire, car si elle fut certainement ondoyée par une sage-femme ou quelqu’un d’autre, on se sera bien gardé d’en parler au missionnaire, car il ne baptise pas l’enfant sous condition[35]. 

À la suite de la Rébellion de 1837, pour calmer le jeu et répondre aux doléances des conscrits de la guerre de 1812-1814, les autorités britanniques coloniales laissent entrevoir la possibilité de les compenser en accordant les terres promises lors de cette guerre.  Ce ne sera qu’en 1844 que les autorités coloniales britanniques décideront d’accorder, après toutes ces années, des actions provisoires (scripts) ayant une valeur monétaire équivalant à un nombre d’acres de terrains.  Pour obtenir la compensation dont on parle, « Joseph fils de David », devra attendre le résultat de bien des démarches[36].  Le 15 octobre 1838, il confie d’abord à un écuyer écossais le soin d’obtenir son dû sous la forme d’une terre de cent acres tels que promis.  La démarche n’obtient pas le succès espéré, car les autorités n’ont encore rien réellement décidé.  Par procuration, une deuxième fois en 1845, il confie ses doléances à Léon-Charles Clément (1814-1882), notaire public des Éboulements, marié à la belle Éléonore D’Estimauville de Beaumouchel (1821-1898), celle qui fut accusée de complicité pour le meurtre de son premier mari, le fils de la seigneuresse de Kamouraska, mais cela, Joseph François ne le sait pas[37].  C’est donc le notaire Clément qui se voit confier le soin de demander et recevoir « la récompense » à laquelle Joseph François aurait droit en vertu de la proclamation du 20 février 1844 du gouverneur général de la Province du Canada.  Finalement, le 12 août 1845, ledit notaire reçoit du « Crown Lands Office », la somme de « Twenty Pounds » en lieu de la terre promise à son enrôlement en 1814.  L’histoire n’a pas retenu le montant de la commission du notaire des Éboulements pour ses services et la date où Joseph François reçut finalement son émolument alors qu’il demeure au fond de la Grande Baie au Saguenay. 

Il est difficile de déterminer si la proximité que connaissait les frères Joseph François et Pierre Lumina du temps où ils vivaient voisins, dans la concession de la rivière Mailloux, s’est poursuivie une fois arrivé au Saguenay.  Rien par contre ne laisse présager un quelconque changement d’autant plus qu’ils sont les seuls de la fratrie à y être établis.  Du temps où Pierre Lumina demeurait à Saint-Alphonse, ils étaient pratiquement voisins, mais après le départ de ce dernier à Chicoutimi quelque part après 1853 qu’en est-il ? Joseph François est toujours à la Grande Baie et il y a que quatre lieues qui séparent les deux endroits.  Bien qu’en hiver on va et viens d’un endroit à l’autre sans problème, comme il n’y a pas encore de chemin reliant les frères, l’été c’est seulement par voie d’eau que Joseph François pouvait aller visiter son frère malade[38].   

Quelques années après la mort de sa femme, le père de Marie Marthe s’était amené dans la Grande Baie.  Il n’aura pas survécu très longtemps à cette vie de misère des premiers colons du Saguenay, car le 11 décembre 1851, Louis Débien décède à l’âge de soixante-seize ans[39].

Joseph François, continue de bûcher plus souvent qu’à son tour et transporte le produit de son labeur comme celui des autres.  Par contre, il n’a pas délaissé l’agriculture sur sa terre faisant face à la rivière Ha ! Ha!.  En janvier 1852, il habite le lot numéro cinq du rang huit dans le « township de Bagot », une terre de soixante-neuf acres (quatre-vingt-deux arpents), sans aucun doute la même qu’il s’était appropriée à son arrivée à la Grande Baie.  C’est cette terre qu’il devra acheter du « Crown Lands Office » pour un montant de trois livres et neuf shillings le 31 mars de la même année ; de squatter comme le considérait la couronne britannique depuis 1838, il devient véritable propriétaire[40].  Comme la couronne ne se réserve pas de droits hydrauliques sur les rivières à cette époque, Joseph François est donc propriétaire de la chute sur la rivière Ha ! Ha ! Il ne faut donc pas se surprendre si son fils Didier y a construit un moulin à scie.

Seules ses filles Marie Phébée et Marie ont quitté la maison après s’être mariées, la première en 1842 et la seconde en 1849.  Joseph François a sous son aile sa nièce Zénobie Hervai (1829-1909), la fille de son frère Pierre Lumina qui est voisine.  Avec trois fils en âge de travailler et seulement trente des soixante-neuf arpents de terre en culture, ils ne vivent assurément pas essentiellement de la ferme ; avec huit bêtes à cornes, deux chevaux, dix-huit moutons et trois cochons, il s’agit d’une terre de subsistance pour la famille.  

Comme le Saguenay est encore largement un pays d’exploitation forestière, il est sans doute scieur-cultivateur comme la plupart, du moins une certaine partie de l’année.  Avec trois garçons non mariés, déclarés journaliers et demeurant toujours à la maison, il ne fait aucun doute qu’ils sont au chantier[41].  On sait que pour sa part, son aîné Didier vient de construire et exploite, sur les terres de Joseph François, sur la rivière Ha ! Ha ! un moulin à scie avec le marchand Louis Mathieu, favorisant ainsi les colons du Saguenay qui se sont fait scieurs-cultivateurs « d’un moyen convenable pour les rendre libres et indépendants de pouvoir faire le commerce de bois d’exportation...[42] »  Il a donc ce qu’il faut pour occuper ses deux frères et son père qui a près de cinquante-huit ans.  En permettant la construction d’un moulin sur sa terre, c’est un peu la façon pour Joseph François de s’opposer au monopole de la William Price and Company.

En 1854 Joseph François, dont le fils possède un moulin, nous révèle peut-être qu’il n’a jamais abandonné son autre source de revenus qu’il avait en 1837, celle de batelier.  Le 6 janvier, à une assemblée générale des colons de l’intérieur du Saguenay qui se tient en la salle publique de la paroisse de Saint-Alphonse de la Grande-Baie, dans le townnship de Bagot du comté du Saguenay, il propose la résolution suivante :

 « 11o.  Que c’est l’opinion de cette assemblée que le gouvernement, en nommant un greffier pour le circuit de Tadoussac, nomme en même temps un officier de douane pour recevoir et expédier les vaisseaux qui entrent dans la rivière Saguenay, en lui accordant un salaire raisonnable pour le temps qu’il emploierait aux devoirs de cet office, qui seraient minimes vu le peu d’affaires qui se font en cet endroit aujourd’hui ; par ce moyen on éviterait les inconvénients qui peuvent résulter de ce que l’officier de douane actuel est employé de la maison Price. »

Bien que ce ne soit qu’une hypothèse, il est possible que Joseph François navigue toujours et assure le transport de marchandises sur le Saguenay.  Peut-être le faisait-il avec son frère François qui lui possède plusieurs goélettes et en a fait son métier.  Transportait-il le bois sorti du moulin de son fils Didier que ce dernier venait de construire avec le marchand Mathieu ? Cela expliquerait sa proposition.  Il devait être assez gênant de sortir du bois du Saguenay et être contrôlé par un employé de la William Price and Company qui en détenait le quasi-monopole et qui prenait tous les moyens pour éliminer la concurrence.  Si cela était le cas, sa proposition faite à une assemblée qui visait essentiellement à exposer au gouvernement les griefs des colons à l’égard du monopole de la William Price and Company tomberait sous le sens[43].

En 1861, la situation de Joseph François et de Marie Marthe n’a guère changé ; la famille demeure toujours au même endroit.  Didier, François et Louise ont quitté la maison après s’être mariés, alors que Marie est revenue habiter la maison familiale avec ses enfants après le décès de son mari, avec comme conséquence qu’il y a autant de bouches à nourrir, alors que Joseph François a maintenant soixante-sept ans[44].

1865 allait être une année tumultueuse pour Joseph François. Il perd sa mère le 22 janvier, mais ne l’apprendra probablement que lorsque le couvercle de glace sur le Saguenay aura disparu ou qu’un traîneau aura ramené la poste.

C’est à l’automne que Joseph François perd aussi sa compagne de vie.  « Marthe Desbiens, épouse de Jos Harvey », décède à son tour au Grand-Brûlé le 27 octobre 1865.  Elle est inhumée deux jours plus tard dans le cimetière de Notre-Dame de Laterrière[45].  Joseph Hudon, le troisième curé de la paroisse, connaît bien la famille, car il prénomme Joseph François du surnom de     « Jos » qu’on utilisait tous les jours.  On sait qu’à l’époque, Marie Phébée et François vivent au Grand-Brûlé[46].  Marie Marthe Desbiens devait être chez l’un de ses deux enfants pour y recevoir des soins que « Jos », à soixante-quatorze ans, ne pouvait plus lui prodiguer.

Après la mort de son épouse et considérant le décès de son aîné en 1868[47], Joseph François finira sa vie chez son cadet Joseph et sa famille à Saint-Alexis de la Grande Baie où il avait toujours vécu depuis son arrivée au Saguenay[48]. 

Au début de la décennie de 1870, on discute de la possibilité d’offrir aux vétérans de la guerre de 1812 une somme forfaitaire.  Le geste du nouveau gouvernement du Canada est bien symbolique puisque la plupart des combattants sont décédés depuis longtemps.  Le 21 février 1874, Joseph François de Grande Baie transmet un relevé de ses services comme milicien, ayant participé à la guerre en 1812, afin de lui permettre d’obtenir une pension en vertu d’un décret royal qui accordera des gratifications pour les vétérans de la guerre de 1812.  Deux ans plus tard, il recevra 20,00 $ pour ses loyaux services[49].

On ne sait pas si celui qui avait combattu les Américains et qui « aurais voulu tous les tuer tout seul ces Anglais »[50] fut affecté par la décision sa fille aînée de partir avec sa famille pour s’établir dans le comté de Cumberland au Maine vers 1881.  Ironie de l’histoire, Phébée finira sa vie dans l’État de New York, à moins de cinquante kilomètres du secteur où son père avait combattu ; par la loi, Phébée Harvai avait pris le nom de son mari au Maine, de Phébée Levesque, elle s’est éteint Phoebe Bishop[51].

Né en 1794, « Joseph Harvez » meurt à la Grande Baie le 10 décembre 1890, ce qui n’en fait pas un centenaire comme certains l’ont prétendu[52].  Il fut le seul Harvey québécois à combattre pendant la guerre anglo-américaine de 1812 qui avait opposé les États-Unis au Royaume-Uni, entre juin 1812 et février 1815.

 Joseph François Hervé, ses enfants, données généalogiques — 6e génération

[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 17 mars 1794. 

[2] LACOURSIÈRE, Jacques.  Histoire populaire du Québec : 1791-1841.  Vol. 2.  Québec, Les éditions du Septentrion, 1996, page 146.

[3] CHRISTIE, Robert. The Military and Naval Operations in the Canadas during the late war with the United States.  New York, Oram & Mott, 1818, page 55.

[4] LALANCETTE, Mario. « Les “assemblées révolutionnaires" de La Malbaie », Revue d’histoire de Charlevoix, Nos 76-77, 2014, pages 10-22 et « Les assemblées révolutionnaires de La Malbaie : Profil des rebelles et des loyaux sujets », Revue d’histoire de Charlevoix, Nos 93-94, octobre 2019, pages 3-16.  Aussi tirés en partie des travaux de recherches que Donald Maltais de Québec menait en 2020 pour la rédaction d’un livre.  Il a généreusement accepté de m’en partager les fruits se rapportant à la conscription de La Malbaie.  Six de ces trente-cinq miliciens déserteront début juillet du camp de Pointe-aux-Trembles (Neuville).

[5] LALANCETTE, Mario. « Les assemblées révolutionnaires de La Malbaie : Profil des rebelles et des loyaux sujets », Op.cit. 

[6] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame-de-LaPrairie-de-la-Madeleine, La Prairie, 17 janvier 1814.  « ... a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse le corps de Louis Tremblay de la paroisse des Eboulements, Milicien du Premier Bataillon de la Milice d’élite incorporé décédé d’avant hier… »

[7] Aujourd’hui Neuville.

[8] GUITARD, Michelle. Histoire sociale des miliciens de la bataille de la Châteauguay.  Parcs Canada, 1979, page 29.  Pointe-aux-Trembles et Laprairie demeureront les deux points de rendez-vous pour les miliciens recrutés jusqu’à la fin de la guerre.

[9] Société historique de Saguenay, fonds Mgr Victor Tremblay, série dossiers No 77, pièce 1, famille Harvey, verbatim de conversations menées avec Laure Harvey (1873-post.1935) le 9 février 1935 et Émilie dite Émélia Harvey (1869-post.1935) le 25 février 1935, toutes deux petites-filles de Joseph François.  On doit la découverte de ce document à Jean-Michel Harvey, un généalogiste de Montréal intéressé dans l’histoire de cette lignée de Harvey.  Les deux petites-filles, dans leurs déclarations, avancent que leur grand-père fut à la guerre pour une période de vingt mois, les dossiers militaires ne supportent pas ces affirmations.  Joseph ne fut impliqué dans le conflit que pour une période de treize mois.

[10] IRVING, Lukin Homfray.  Officers of the British Forces in Canada during the war of 1812-15.  Welland, Welland Tribune Printer, Canadian Military Institute, 1908, page 117.  

[11] PROVOST, Honorius.  « Taschereau, Thomas-Pierre-Joseph ». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1987, 15 volumes, volume VI (Décès de 1821 à 1835).  Et : Société historique de Saguenay, fonds Mgr Victor Tremblay, série dossiers No 77, pièce 2, famille Harvey.

[12] BAnQ. Québec, E21-S64-SS4, Demandes de terres des miliciens de la guerre de 1812, 1960-01-038/335, dossier 7703 7704, Joseph Harvay.  Les diverses informations relatives à la période d’enrôlement et la description physique de Joseph Harvé ont été obtenues du document de sa décharge datée du 6 mars 1815 obtenu de Donald Maltais de Québec.

[13] COLLECTIF. Statement showing the name, age and residence of militiamen of 1812-15 who have applied to participate in the gratuity voted by Parliament in 1875, with the name of the corps or division and rank in which they served.  Ottawa, Department of Militia and Defence, 1876, page 42. Et B.A.C., G., Base de données de la guerre de 1812 et patrimoine militaire de l’ère coloniale britannique.

[14] Société historique de Saguenay, fonds Mgr Victor Tremblay, série dossiers No 77, pièce 1, famille Harvey, op. cit.

[15] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada de 1825, district Northumberland, sous-district Malbaie, page 1994. Ce recensement a eu lieu entre le 20 juin et le 20 septembre 1825.  Comme ce recensement n’est pas nominatif, on ne peut que présumer de la présence de Joseph chez son père puisque pour arriver au compte de six personnes sous le toit du père, Joseph devait s’y trouver puisqu’il n’apparaît pas sou son nom. 

[16] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 13 septembre 1817.

[17] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 11 février 1820.

[18] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, 29 mai 1800.

[19] Ibid., 8 novembre 1825.

[20] B.A.C., G., Recensement de 1831, district du Saguenay, sous-district des Éboulements, concession de la Rivière Mailloux, pages 651 et 652.  Le texte de l’encadré est partiellement tiré de : DES GAGNIERS, Jean. Charlevoix, pays enchanté. Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1994, pages 145-149.

[21] VILLENEUVE, Lynda.  Paysage, mythe et territorialité : Charlevoix au XIXe siècle : pour une nouvelle approche du paysage. Sainte-Foy, Presses Université Laval, 1999, page 55.

[22] TREMBLAY, Victor. Histoire du Saguenay — Depuis les origines jusqu’à 1870. Chicoutimi, La librairie régionale inc., 1968, pages 235 et 239.

[22a] BOILARD Louise, op.cit., page 11. 

[22b] BAnQ., COLLECTIF. « Un document historique : Pétition présentée par les citoyens de la Malbaie au sujet des terres du Saguenay en 1829 », Journal Le Progrès du Saguenay. Chicoutimi, volume 40, N0. 24 (4 février 1926), page 3. 

[23] A.N.Q., GN. Minutier Edouard Tremblay, no 617, 24 février 1834.  L’expression « culler les madriers » signifie les mesurer.

[24] Jean Baptiste Malteste est le fils du marchand François Nicolas Malteste et de Marie-Anne Rolland.  Il arriva en Nouvelle-France à l’Isle-aux-Coudres en 1740 sur le navire Le Comte de Matignon sur lequel il était mousse.  De son prénom véritable Jean Mary, il est alors âgé de quatorze ans.  Il était entré au service d’une maison dont le maître est accoutumé de nommer ce jeune homme à son service Jean Baptiste.  Ce prénom, il le conservera jusqu’à sa mort le 19 mai 1801.  Il épousa le 13 novembre 1753 aux Éboulements Marie-Josephte Gagnon, la veuve de Jean Gohntier de l’Isle-aux-Coudres qui était déjà mère de six enfants.

[25] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 2 octobre 1834 et 13 janvier 1837.  Il n’est pas clair si le texte du registre de baptême de 1837 indique « batelier » ou « hotelier ».  Lors des recensements de 1842, 1851 et 1861, il est toujours inscrit qu’il est cultivateur, mais cela en soi ne prouve rien puisque c’est ainsi que les énumérateurs qualifiaient ceux qui vivaient principalement du domaine agricole.  Les intérêts qu’il déclarera pour la navigation dans plusieurs années nous portent à croire qu’il fut plutôt « batelier ».

[26] Le terme « batelier » avait à l’époque deux significations : Celui qui conduit un bateau de navigation intérieure destiné au transport des marchandises ou une personne qui conduit des bateaux sur des cours d’eau, spécialement qui fait traverser des passagers d’une rive à l’autre.  Comme des ponts enjambent déjà la rivière Mailloux et la rivière Malbaie près de leurs embouchures respectives depuis près de vingt ans, peut-on conclure que Joseph appartient à la première catégorie et qu’il est conséquemment navigateur ? Peut-être fait-il simplement traverser des passagers d’une rive à l’autre en un lieu plus au nord sur l’une de ces rivières.

[27] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame-de-l’Assomption de la Sainte-Vierge des Éboulements, 20 mars 1837.  Sépulture de Marie Gagnon.

[28] BAnQ., Registre de Saint-Étienne de la Malbaie, 8 juin 1837.

[29] Les frères François Arvé et Louis Denis Hervé, fils de David Hervé et Marie Louise Lebreton dit Lalancette sont associés d’Ignace Murray. Ils sont parmi les fondateurs de la « Société des Vingt-et-un »

[30] Les Postes du Roi (ou Domaine du Roi) étaient, sous le Régime français loué et affermé à des particuliers pour la pêche et la traite des fourrures.  Le territoire du Domaine du Roi s’étendait le long du fleuve « du bas de la seigneurie des Éboulements qui est vis-à-vis la pointe nord-est de l’île aux Coudres jusqu’à la pointe ou cap des Cormorans » (une dizaine de kilomètres à l’est de la rivière Moisie) et à l’intérieur des terres, il rejoignait les terres du bassin de la baie d’Hudson.  Les conquérants en prenant possession de la Nouvelle-France avaient fait ce que les Français avant eux avaient mis en place, en perpétuant le Domaine du Roi qui était devenu britannique.  Tadoussac, les îlets Jérémie, Sept-Îles, Chicoutimi figuraient alors parmi les Postes de Roi.

[31] Certaines sources mentionnent le nombre de quatorze hommes débarquant à la Grande Baie.

[32] BOUCHARD Russel et Jean MARTIN. Ville de La Baie : une fenêtre sur le monde depuis 150 ans.  Chicoutimi, Société historique du Saguenay,‎ 1988, pages 17 et 20.  Un livre traitant des Harvey publié en 2016 mentionne que Joseph était plutôt du premier arrivage de colons à Grande-Baie en octobre 1838 ; je n’ai pas retenu cette hypothèse à la suite de mes recherches considérant que l’auteur n’appuie son énoncé sur aucune source et que les faits qu’il attribue à Pierre Lumina, le frère de Joseph, sont carrément erronés.

[33] BOUCHARD, Russel Aurore. Histoire de Chicoutimi, Volume 1er La Fondation. 1842-1893. À compte d’auteur, Chicoutimi, 1992, page 35.  Et TREMBLAY, Alfred (Derfla). « Histoire du Saguenay. La Grande Baie, Introduction », L’Oiseau-Mouche, Petit Séminaire de Chicoutimi. Volume 1, numéro 7 (25 mars 1893), page 27.

[34] Société historique de Saguenay, fonds Mgr Victor Tremblay, série dossiers No 77, pièce 1, famille Harvey, verbatim de conversations menées avec Laure Harvey (1873-1947) le 9 février 1935 et Émilie dite Émélia Harvey (1869-post.1935) le 25 février 1935, toutes deux petites-filles de Joseph.  Et : BEAULIEU, Carl. Les Harvey, entrepreneurs polyvalents et citoyens engagés. Chicoutimi : Les Éditions du Patrimoines, 2002, page 357.  L’auteur avance que Joseph parvint à l’âge de cent un ans ; comme bien d’autres, dont le curé qui inscrit cette information à son registre lors de la sépulture, l’historien Beaulieu n’aura pas vérifié l’inscription de la naissance de Joseph en 1794 ce qui lui donnera quatre-vingt-seize ans à son décès.

[35] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 20 juin 1842, quarante-neuvième feuillet avec mention « Missions Saguenay 1842 » au feuillet précédent.

[36] BAnQ. Québec, E21-S64-SS4, Demandes de terres des miliciens de la guerre de 1812, op. cit.

[37] CIMON, Jean.  Ulric J. Tessier : la bourgeoisie francophone au XIXe siècle.  Québec, les éditions du Septentrion, 1997, pages 204-209.  Éléonore D’Estimauville de Beaumouchel fut accusée de complicité pour le meurtre de son premier mari, Achille Taché, fils de la seigneuresse de Kamouraska, par son amant le 18 mai 1843.  Dix-huit mois après son procès, le 21 septembre 1841, elle épouse le notaire Clément le 18 mai 1843.  Le drame de Kamouraska sera exhumé par Anne Hébert dans le roman « Kamouraska » plus d’un siècle plus tard.  L’amant d’Éléonore s’enfuit aux États-Unis et le procès fantoche de la belle ne dura qu’une journée ; elle fut innocentée malgré un solide témoin à charge. 

[38] PILOTE, François.  Le Saguenay en 1851 : Histoire du passé, du présent et de l’avenir probable du Haut-Saguenay au point de vue de la colonisation.  Québec, Imprimerie Augustin Côté et Cie, 1852, page 88.

[39] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Alexis de la Grande Baie, 13 décembre 1851.

[40] BAnQ. Crown Lands Office, livre H, page 193.  Bagot Township, lot # 5, rang 8, 69 acres, Joseph Harvey, 31 mars 1852.  Tout comme à l’époque la terre est aujourd’hui située face à un barrage à la chute de la rivière Ha ! Ha ! sur le Chemin Saint-Jean.  En 1842, l’arpenteur Jean-Baptiste Duberger, mandaté par le gouvernement, rapporte un total de cent soixante et une familles de squatters à la Baie des Ha ! Ha !

[41] B.A.C., G., Recensement personnel et agraire du Bas-Canada 1851, comté Saguenay, sous-district du township de Bagot, pages 59 et 105-107.  Le recensement de 1851 fut tenu en janvier 1852.

[42] A.N.Q., GN. Minutier Louis-Zéphirin Rousseau, no 284, 4 juillet 1853.

[43] MATHIEU, Louis et Louis Z. ROUSSEAU. « Colonisation », Le Courrier de Saint-Hyacinthe. Saint-Hyacinthe, volume I, N0. 99 (14 février 1854), page 2.

[44] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada 1861, district du township de Bagot dans le comté de Chicoutimi comprenant les rangs, page 64.

[45] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Laterrière, 29 octobre 1865. 

[46] En 1846, un père Oblats fonde une mission à l’emplacement du Grand-Brûlé, une grande étendue boisée décimée par le feu en 1841.  On a d’abord donné le nom de Laterrière au canton (1850) puis à la paroisse (1882).  À l’époque de Joseph, le lieu se nommait encore le Grand-Brûlé. 

[47] Ibid., 9 septembre 1868.

[48] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada 1881, district de Chicoutimi et Saguenay, sous district de Saint-Alexis, page onze.

[49] Op.cit., B.A.C., G., Base de données de la guerre de 1812 et patrimoine militaire de l’ère coloniale britannique.  Ce n’est qu’en 1875 que le gouvernement fédéral votera des gratifications pour les vétérans de la guerre de 1812.  Une liste des individus concernés est alors dressée et publiée (Documents de la session [1876], no 7a).  C’est à partir de cette liste que les miliciens comme Joseph seront rétribués.

[50] Société historique de Saguenay, fonds Mgr Victor Tremblay, série dossiers No 77, pièce 1, famille Harvey, op. cit.

[51] Document de naturalisation américaine pour Xavier Levesque, 6 septembre 1888.

[52] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Alexis de la Grande Baie, 12 décembre 1890.  Le curé inscrit bien à son registre « âgé de cent un an ».  Évidemment, ce dernier n’avait pas accès au Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies de 1794.  De plus, son épouse la seule qui aurait probablement pu connaître l’âge de Joseph François était décédée depuis vingt-cinq ans.

[i] En 1813, en vue de l’offensive à venir des troupes britanniques contre les Américains, Malcom Fraser et ses officiers préparent le recrutement pour la milice dite de la Baie-Saint-Paul.  La population des Éboulements qui a perdu au moins un fils et celle des autres seigneuries qui voient revenir les premières hordes de miliciens envoyés au combat en 1812 ne voient pas du même œil les préparatifs de Fraser.  C’est dans ce contexte que des réunions organisés par Jean Pierre de Sales Laterrière (1743-1815), le seigneur des Éboulements, avec pour objet, de «mater» la révolte.

 

Les documents suivants, longtemps oubliés, intitulés «Opinion de Laterrière pour la marche contre les rebelles de la Malbaie datée du 29 mars 1813» et «Procès-verbal d’une assemblée tenue le 26 mars 1813 aux Éboulements concernant l’attitude des rebelles» ont été découverts dans les années 2000 par le chercheur Donald Maltais aux Archives des frères du Sacré-Cœur de L’Ancienne-Lorette grâce à l’amabilité du frère Jean Marc Hains.

 


Opinion de Laterrière pour la marche contre les rebelles de la Malbaie datée du 29 mars 1813

Procès-verbal d’une assemblée tenue le 26 mars 1813 aux Éboulements concernant l’attitude des rebelles