Onezime Hervai

6.6.04.05.12 Onezime Hervai (1836-1897), 6e génération 

C’est le 26 juin 1836 que Modeste Couturier accouche de son premier fils et sixième enfant.  Malgré le fait que l’on soit dimanche, Pierre Lumina, le père, est encore absent lors de la cérémonie du baptême qui a lieu le jour même.  La mère a recours à Agapit Bélanger (1813-1898) comme parrain d’Onezime Hervai.  Modeste (1820-1911), née d’un premier lit et sœur aînée de l’enfant, est marraine[1].

Comme ses sept sœurs qui se sont mariées jusqu’à présent, Onésime Harvay, dix-neuf ans, n’est pas majeur lors de la cérémonie qui, le 6 mai 1856, l’unit à Geneviève Gagnon (1830-1908), une jeune fille de six ans son aînée.  C’est Louis Simard (1804-1866), un confrère du père au moulin de la Rivière-à-Mars et un voisin à Saint-Alphonse, qui sert de témoin au marié.  On peut présumer que la santé du père commence à lui faire défaut puisque, pour assister au mariage de son fils, il ne fait même pas la courte distance entre Saint-Alphonse et Saint-Alexis où réside la mariée.  Onésime demeurait toujours chez ses parents à Saint-Alphonse de la Grande-Baie au moment de son mariage[2].

Onésime et Geneviève auront dix enfants, dont huit survivront à leur naissance : Marie Flore le 16 mars 1857, Marguerite le 15 mars 1858, un enfant mort-né le 8 avril 1860, Célanire le 10 mars 1861, laquelle se fera religieuse, Alfred le 13 octobre 1863, Louis né le 17 août 1865, Marie Flore dite Fleur le 19 janvier 1868, Joseph le 5 juin 1870, un second enfant mort-né le 13 janvier 1874 et finalement Thomas le 24 janvier 1876.  Comme Onézime est journalier, les enfants seront baptisés à tout vent, tantôt à Saint-Alphonse de Bagotville ou à Saint-Alexis de la Grande Baie, mais aussi à Roberval et à Sainte-Anne de Chicoutimi.

Avant sa mort en 1858, le père d’Onésime lui avait légué un poulain pour tout héritage[3] ce qui n’en fera pas pour autant un cultivateur puisqu’il sera journalier toute sa vie.  Il faut dire que le père avec ses cinq bêtes à cornes, son unique cheval, ses quatre moutons et cinq cochons n’avait pas une richesse à distribuer[4].  Bien que certains recensements le qualifient de cultivateur, comme pour la plupart des individus, il est assurément journalier de son métier puisqu’il est ainsi qualifié lors de la trentaine de cérémonies religieuses impliquant sa famille.

Après son mariage, Onésime demeure au Saguenay et s’établit dans le canton de Bagot où il est recensé en 1861 avec son épouse et leur premier enfant.  Il est probable qu’il travaille à la scierie voisine qui appartient à Damase Laberge (1804-1880), le gendre d’Alexis Simard (1788-1875), l’un des Vingt-et-un[5].  Ce moulin ne fera pas long feu et notre journalier devra aller là où il peut offrir ses bras.  Le 27 avril 1871, dix ans plus tard, on le retrouve avec sa famille dans l’immense canton de Roberval où il est toujours journalier cultivateur[6].  Il demeure tout près du village de Roberval depuis un certain temps puisque Geneviève y avait accouché d’un enfant au printemps 1870 et l’enfant avait été baptisé le jour même de sa naissance.  Onésime n’y est pas seul puisque sa demi-sœur Sara (1824-c.1895), qui fut marraine, y demeure également avec sa famille[7]

L’aventure de la famille au lac Saint-Jean sera de courte durée ; ils sont déjà de retour au Saguenay, plus précisément à Saint-Alexis de la Grande Baie, dès 1873.  Il semble que Geneviève supporte mal les grands dérangements, car pour une seconde fois après le déplacement de la famille, elle met au monde un enfant mort-né[8].    

Hochelaga

Tôt au printemps 1881 le journalier et sa famille sont toujours à Saint-Alexis, mais plus pour bien longtemps[9]Onésime migre dans l’île de Montréal avec sa famille et celle de sa fille Marguerite peu de temps par la suite, probablement ce même été.  Il est possible que l’épreuve du décès de Fleur, leur fille de treize ans ait influé sur la décision de départ du Saguenay, mais la recherche d’emploi pour les enfants semble avoir conditionné le choix de la destination[10].  Il se dirige donc vers la municipalité d’Hochelaga qui ne fait toujours pas partie de la Ville de Montréal.  Cette municipalité s’étend alors de la rue d’Iberville à l’ouest, au faubourg Longue-Pointe à l’est. 

Onésime, comme bien d’autres, est attiré par les importantes industries qui s’y trouvent, dont la compagnie des Moulins à coton Victor Hudon, la Filature Sainte-Anne qui s’amalgamera à la première et la fabrique de tabac W.C. McDonald.  Les opportunités d’emplois ont provoqué l’afflue de journaliers canadiens-français dans Hochelaga ces dernières années pour ceux qui ne se voyaient pas émigrer en Nouvelle-Angleterre afin de travailler dans les manufactures de cotons.  De plus, les filatures engagent les enfants[11] ; comme Onésime et Geneviève en ont plusieurs, dont quatre fils qui discutent sans doute déjà du rêve américain, Onésime ne dut pas hésiter très longtemps quand le travail se fit rare à nouveau à la Grande Baie.

Leur fille Célanire entre dans les ordres dès l’arrivée de la famille à Hochelaga.  Sœur Marie Palémon n’habite pas très loin de ses parents tout de même, puisque le couvent des Sœurs des Saints Noms de Marie et de Jésus est situé dans la paroisse de la Nativité de la Sainte-Vierge.  La plupart des quatre fils d’Onésime et Geneviève se marient à des Montréalaises au cours des dix années qui suivirent leur arrivée sur l’île.   

En 1891, Onésime et sa famille sont toujours dans Hochelaga.  Tout comme ses fils et son gendre qui est voisin, il travaille toujours comme journalier fileur à « la Hudon » comme les gens de Hochelaga nomment toujours cette manufacture de coton malgré plusieurs fusions[12].  La filature, où il travaille soixante-quatre heures et quarante-cinq minutes par semaine, est à deux pas de la maison ; érigée dans la rue Notre-Dame, à l’angle de la rue Dézéry.  Il semble bien[13] que la famille habite l’un des nombreux logements des « maisons de compagnie », érigées par la filature de coton de Victor Hudon pour loger ses employés entre 1881 et 1885.  La crise économique de 1874 avait amené une immigration massive des gens de la campagne comme Onésime et sa famille et avait provoqué un manque criant de logements à Montréal à cette époque.  Les appartements comme celui où la famille habite avaient été construits pour permettre aux ouvriers de l’usine Hudon d’avoir un toit en période de crise du logement[14]

Celui qui était né  Onezime Hervai et s’était marié Onésime Harvay fut porté à son repos éternel comme Onésime Harvey quatre jours après son décès le 28 février 1897, à l’âge de soixante ans[15].  Onze ans plus tard, le 10 septembre 1908, Geneviève Gagnon, veuve Harvey, s’éteint à l’âge de soixante-dix-huit ans dans un logement de la paroisse du Très-Saint-Nom-de-Jésus de la ville de Maisonneuve, une partie de la municipalité d’Hochelaga qui avait refusée de s’annexer à Montréal en 1883[16].  C’est chez sa fille aînée qu’elle demeurait depuis la mort de son mari.  Elle n’était pas déménagée très loin puisque cette dernière avait toujours été sa voisine depuis leur arrivée sur l’île de Montréal[17].

Ses petits enfants allaient courir les rues d’Hochelaga, devenu un quartier de la ville de Montréal, pour bien des années puisque c’est dans ce faubourg que sa fille aînée et ses quatre fils eurent leurs enfants et firent leur vie.  Seul son fils Thomas se fera cultivateur dans la paroisse Saint-Rémi du Lac-aux-Sables dans le comté de Portneuf après le décès de sa femme en 1927.   

Onezime Hervai, ses enfants, données généalogiques — 7e génération

 

[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 26 juin 1836. 

[2] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Alexis de la Grande Baie, 6 mai 1856. 

[3] A.N.Q., GN., Minutier Ovide Bossé, no 694, 28 janvier 1858. 

[4] B.A.C., G., Recensement agraire du Bas-Canada de 1851, district du township de Bagot, page 99. 

[5] B.A.C., G., Recensement du Canada-Est de 1861, township de Bagot, Chicoutimi comprenant les rangs, microfilm 4108689_00142. 

[6] B.A.C., G., Recensement du Canada de 1871, township de Roberval, division No. 2, page 36. 

[7] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame-du-Lac, 5 juin 1870.  Baptême de Joseph Harvey. 

[8] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Alexis de la Grande Baie, 15 janvier 1874. 

[9] B.A.C., G., Recensement du Canada de 1881, district de Chicoutimi & Saguenay, sous-district de Saint-Alexis, microfilm, e008152743. 

[10] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Alexis de la Grande Baie, 9 février 1881. 

[11] CHARBONNEAU, Réjean et al. De fil en aiguille, Chronique ouvrière d’une filature de coton en 1880. Montréal, Atelier d’histoire Hochelaga-Maisonneuve, 1985. 

[12] B.A.C., G., Recensement du Canada de 1891, quartier Hochelaga, microfilm 30953_148198-00124. 

[13] Le recensement de 1891 ne donne pas le numéro d’immeuble des personnes recensées.  Par contre, les recensements suivants et les voisins communs permettent de localiser la famille et celle de Marguerite, la fille d’Onezime

[14] BENOÎT, Michèle et Roger GRATTON. Pignon sur rue : les quartiers de Montréal. Montréal, les éditions Guérin, 1991, page 142. 

[15] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Montréal, 4 mars 1897. 

[16] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Montréal, 12 septembre 1908. 

[17] B.A.C., G., Recensement du Canada de 1901, Ville Maisonneuve, microfilm z000148347.