Auguste Harvay

7.6.11.3.06.1 Augustin dit Auguste Harvay (1868-1949), 7e génération


Augustin dit Auguste Harvay de la septième génération, quittera l’île aux Coudres en 1892, à l’âge de vingt-deux ans, pour aller tenter sa chance sur les bords du fleuve Merrimack à Haverhill au Massachusetts.  Né sur l’île le 20 septembre 1868, il part rejoindre quelques familles de l’Isle-aux-Coudres et de Baie-Saint-Paul, lesquelles vivent à Haverhill depuis quelque temps.  Auguste est le fils aîné de mon arrière-grand-père Joseph Harvé (1842-1887) à Germain Hervé (1808-1902) à Joseph Hervé (1782-1867) chez Dominique Hervé (1736-1812).

Lorsque le 10 avril 1887, Joseph Harvé meurt dans sa forge à l’Isle-aux-Coudres à l’âge de quarante-quatre ans, il laisse derrière lui une veuve avec huit enfants, dont le cadet, mon grand-père[1].

Bien que la forge ait pu être le gagne-pain d’Auguste, il en sera tout autrement.  Après avoir contribué à faire vivre la famille grâce à la forge du père pendant près de cinq ans, Auguste s’en sortira différemment.  Il n’est pas le seul forgeron sur l’île et la construction de goélettes se faisant un peu partout dans Charlevoix, ce qui rend la rentabilité de la forge précaire par moment.  

Au printemps 1891, Auguste est toujours forgeron à l’Isle-aux-Coudres[2], mais plus pour longtemps, car la tradition orale raconte qu’il aurait fait une première saison de travail comme forgeron en Nouvelle-Angleterre en 1891 et qu’il soit revenu pendant l’hiver 1891-1892.  Il faut dire que les insulaires, dont les goélettes se rendaient à Québec tous les jours, pouvaient se rendre par train en moins d’une journée en Nouvelle-Angleterre à partir de Québec; ils leur étaient donc possible de rendre visite régulièrement à leur famille comme a pu le faire Auguste en 1891.  

Quoi qu’il en soit, au moment où sa tante Denyse Tremblai (1837-1898) veuve de l’oncle Didier (1840-1871) et ses cousins repartent pour Lowell au Massachusetts, où ils avaient vécu quelques années, il choisit de partir avec eux au printemps 1892.  Les filatures opèrent à plein régime et embauchent tout le surplus de jeunes gens auquel le Québec ne peut offrir de meilleures perspectives d’avenir. 


S’il sa tante et ses cousins débarquent du train à Lowell en 1892, Auguste continue plutôt son chemin jusqu’à Haverhill au Massachusetts où il trouvera rapidement du travail comme Brick maker, faisant fonctionner une machine de moulage de briques à la Savignac Brickyard d’Haverhill[3].  Cette ville est située sur le même fleuve Merrimack, à une trentaine de kilomètres de Lowell. 



Les premiers Canadiens français à Haverhill apparaissent au recensement de 1850.  Un grand nombre d’entre eux sont briquetiers et vivent dans la paroisse du nord de la ville et dans la petite ville voisine de Plaistow au New Hampshire où la fausse d’argile de la Savignac est située.  Auguste ne demeure qu’à trois kilomètres de son travail.  Charles Savignac, le propriétaire de la briqueterie, avait émigré du Québec en 1859.  Après avoir appris l’art de faire de la brique, il était rapidement devenu l’un des plus grands fabricants de briques de la région.  Il est probable que ce fut son fils Frank qui embaucha Auguste en 1892[4]

Auguste se joint donc à l’importante communauté canadienne-française qui y fleurit depuis les années 1850.  À son arrivée à Haverhill, la population est majoritairement constituée d’immigrants et dans une large part de Canadiens français.  À cause de l’afflux de travailleurs d’usines, un débat fait rage parmi les Américains qui là comme ailleurs, craignent l’envahissement.  Le Massachusetts, comme d’autres états, adopte des politiques répressives à l’égard des autres langues, dont le français, en limitant par exemple le droit de vote aux seuls citoyens compétents en anglais[5].  De plus, en 1896, les élus d’Haverhill réalisent la fusion avec la ville voisine de Bradford, dont la population est essentiellement américaine rendant ainsi la nouvelle ville majoritairement anglaise à nouveau.  Bien que les Canadiens français vivaient largement dans un ghetto au nord de la ville, c’est dire à quel point les infimes relations entre les communautés étaient tendues.


Auguste rencontre une fille native de la baie Saint-Paul dont la famille a émigré à Haverhill au Massachusetts à la même époque que lui.  Il est possible que les amoureux se fussent connus à Baie-Saint-Paul avant d’émigrer.  C’est donc le 10 avril 1893 qu’il y épouse Marie Lavoie (1870-1946)[6]. Comme on l’a vu, plusieurs Québécois sans terre ont émigré en Nouvelle-Angleterre pour travailler dans les manufactures depuis le milieu du XIXe siècle.  Ce déplacement de milliers des nôtres à la recherche d’emploi suscitait alors le rêve d’un deuxième Québec, érigé en sol nord-américain, qui, comme le premier, jouirait d’un épanouissement perpétuel en raison des nombreuses naissances.  Ces Franco-américains, catholiques et français croyaient pouvoir y vivre prospères dans leur langue et leur religion[7].  Les parents de Marie Lavoie qui sont de Baie-Saint-Paul devaient être de ceux-là.

Le couple aura un premier enfant à Haverhill le 1er juillet 1894 puis, dès que la mère fut rétablie, Auguste et sa famille quittent les États-Unis ce même été et reviennent s’établir à l’Isle-aux-Coudres chez sa mère pour une courte période. 

Les gens comme Auguste venaient à Haverhill pour des raisons économiques et après quelques années, avec suffisamment d’économies en poche, il retournait au lieu d’origine pour y acheter une ferme ou démarrer un commerce; dans le cas d’Auguste, il reprend la forge de son père à son retour à l’Isle.  Il ne repartira plus pour les États-Unis. 

En septembre, c’est le décès de Napoléon, le fils né aux États-Unis; il n’avait que deux mois[8]Auguste sera navigateur pour quelques années pendant la saison de navigation et forgeron l’hiver.  La plupart du temps, dès que les glaces libèrent le fleuve, Auguste est absent en mer jusqu’à l’automne.  Bien que le couple vive toujours à l’Isle-aux-Coudres, à l’été 1895 Marie Lavoie enceinte se réfugie chez l’une de ses sœurs à Baie-Saint-Paul.  Elle met au monde un second garçon le 19 juillet 1895.  Auguste n’assiste pas au baptême[9]

Dès 1896, la famille s’établit au village de Baie-Saint-Paul.  C’est à cet endroit que naîtront leurs treize autres enfants.  Du total de leurs quinze enfants, seulement sept survivront à leur enfance. 

Peu avant le tournant du siècle, les parents de Marie Lavoie sont, eux aussi, revenus de Haverhill, leur rêve d’un deuxième Québec érigé en sol nord-américain s’était éteint dans la foulée d’une campagne dirigée contre les immigrants Canadiens français, qu’une partie de l’élite américaine considérait comme une menace.   Les beaux-parents s’établissent voisins de chez Auguste et Marie

Auguste pratiquera ses métiers de navigateur et de forgeron encore plusieurs années.  Quand le travail vient à manquer, il se fait ouvrier[10].  Quand la Baie St.Paul Lumber ouvre ses portes au début du siècle, Auguste y trouve un emploi[11].  Pendant ce temps, il demeure tout de même forgeron avec une petite boutique qui a pignon sur rue à Baie-Saint-Paul, son emploi principal après la fermeture de la Baie St.Paul Lumber dans les années 1920[12].  Pendant l’entre-deux-guerres, Auguste alors dans la soixantaine, devait avoir voté du bon bord puisqu’il se dégotte un emploi politique, il sera garde-chasse[13].

À soixante-treize ans, Marie Lavoie décède le 30 avril 1946. Auguste lui survivra trois ans; il s’éteint le 28 mai 1949 à Baie-Saint-Paul[14].  Il n’avait jamais remis les pieds aux États-Unis.

Auguste avait eu le temps de voir l’un de ses fils, Philippe (1905-1974), surintendant du Parc des Laurentides, accéder au poste de conseiller de la ville de Baie-Saint-Paul, mais il n’était plus quand ce dernier était devenu maire du même endroit de 1962 à 1965 et de 1970 à 1972.

Auguste Harvay, ses enfants, données généalogiques - 8e génération

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis de l’Isle-aux-Coudres, 12 avril 1887.

[2] B.A.C., G., Recensement de 1891, district de Charlevoix, Isle aux Coudres, page 32.  Le recensement de 1891 a débuté le 6 avril.

[3] Haverhill, Massachusetts, City Directory for 1894 page 223.

[4] TRAINOR O'MALLEY, Patricia. Haverhill's Immigrants: At the turn of the century. Mount Pleasant, Caroline du Sud, Arcadia Publishing, 1999, page 10 et 22.

[5] AUNGER, Edmund A. «Espérance de vie : diagnostics et pronostics concernant l’avenir des communautés francophones en Amérique», Francophonies d’Amérique, Numéro 26, (Edmonton, Automne 2008), pages 265.

[6] State of Massachusetts, Record of Marriages for the city of Haverhill, 10 avril 1893.

[7] AUNGER, Edmund A., op.cit., pages 269-273.

[8] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis de l’Isle-aux-Coudres, 3 septembre 1894.

[9] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de baie Saint-Paul, 15 juillet 1895.

[10] B.A.C., G., Recensement de 1901, district de Charlevoix, Baie-Saint-Paul village, page 9.

[11] B.A.C., G., Recensement de 1911, district de Charlevoix, Baie-Saint-Paul village, microfilm e002048563.

[12] B.A.C., G., Recensement de 1921, district de Charlevoix, Baie-Saint-Paul ville, page 4.

[13] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Urbain, 24 octobre 1928.  Mariage de Joseph Philippe Auguste Harvey et d’Anna Marie Tremblay.

[14] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Baie-Saint-Paul, 2 mai 1946 et 31 mai 1949.