4. Graphie et fréquence

Graphie et fréquence du Québec ancien à aujourd’hui

En 1914, le journaliste, historien, médecin, linguiste et bibliothécaire québécois Narcisse-Euthrope Dionne (1848-1917) disait :

« Le nom de famille, c’est nous-mêmes. Nous le reconnaissons partout où il se rencontre [...] C’est donc une chose qui nous est chère, puisqu’elle est de nature à réveiller en nous des souvenirs souvent agréables, surtout lorsqu’il est question de sa propre famille. »  

Soumis tout naturellement aux lois et coutumes de la France de l’Ancien Régime, les habitants de la Nouvelle-France aux XVIe et XVIIIe siècles portaient tous nom et prénom.  Les enfants héritaient du patronyme de leur père, et les garçons le transmettaient à leur tour à leurs enfants.  Les femmes mariées conservaient leur patronyme de naissance, du moins dans les documents religieux, administratifs ou légaux.  Ces habitudes ont joué en faveur de ceux qui, comme moi, ont fouillé pour trouver leurs racines.  

La généalogie québécoise se heurte néanmoins à des problèmes pratiques et particulièrement en ce qui a trait au patronyme Harvey qui n’apparut ici qu’en 1824.  En effet, l’orthographe n’était pas fixée, et les noms pouvaient être écrits de plusieurs façons différentes.  Le dépouillement de manuscrits anciens pose des difficultés de lecture, plusieurs lettres pouvant être confondues, problème d’autant plus redoutable que plusieurs noms se ressemblent — Harvay et Harvey, par exemple.  

L’état de certains registres paroissiaux et de l’encre délébile qui a fondu les lettres en traits les a rendues difficiles à distinguer.  Que l’on prenne par exemple l’état du registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle-aux-Coudres qui a subi l’humidité et dont l’encre de certaines pages s’est imprégnée sur la page suivante.  On sait qu’à la veille de la Conquête le registre de l’Isle fut transporté à la baie Saint-Paul pour y être protégé, mais comme la population s’était réfugiée dans les bois, le registre dû y être amené également puisqu’il ne fut pas utilisé par le curé de la baie Saint-Paul au cours de ce long été de violence.  Même si l’état de conservation d’un tel document est tout de même remarquable dans les conditions auxquels il a pu être exposé, il n’en demeure pas moins que d’en tirer une information précise s’avère souvent difficile, parfois impossible ; deux pages endommagées peuvent constituer une bonne partie d’une année entière.  Au moins trois descendants du migrant Sébastien Hervet (1642-1714) sont nés dans cette période où le registre peine à être déchiffré.  Que dire de la disparition du registre dans l’incendie du presbytère de Saint-Étienne de la Malbaie qui a consumé l’inscription des baptêmes d’un nombre encore plus grand des nôtres nés entre le 7 décembre 1802 et le 21 octobre 1803 ? Bref, remonter le temps n’est pas toujours une sinécure. 

Considérant que la majorité des gens étaient illettrés, leurs noms nous parviennent ainsi par l’entremise d’un scribe intermédiaire (souvent les prêtres, les notaires et les énumérateurs engagés par le pouvoir britannique après la conquête lors des recensements ; dans ce dernier cas, ils furent souvent anglophones ou de descendance anglophone) et donc soumis aux aléas des prononciations, accents régionaux, et limites des anglophones à comprendre notre langue, et cetera. 

On ne s’étonne alors pas qu’un patronyme soit susceptible, sinon d’être confondu avec un autre, du moins d’être écrit de nombreuses façons.  Ainsi en 2014, le nom Harvey était reconnu sous vingt-deux différentes graphies parmi les 700 000 actes de naissance que contenait alors la base de données du Programme de recherche en démographie historique (PRDH) de l’Université de Montréal. Ces vingt-deux différentes graphies couvrant les variations usuelles — Hervé, Hervet, Harvé et Harvay, etc., et ce que certains ont pu considérer comme des erreurs — Arvée, Ervey —, etc., mais qui n’étaient en fait que la transcription de ce qu’entendait le scribe de la bouche de nos ancêtres[1] :

Un autre problème de dénomination concerne l’utilisation de surnoms.  Ceux-ci abondent dans l’histoire nominative du Québec ancien.  Leurs origines sont multiples : surnom militaire, sobriquet lié à une caractéristique physique, lieu d’origine de l’immigrant, nom de la mère, prénom du père, etc.  Certains remontent à l’ancêtre, d’autres sont introduits par des descendants ; certains se transmettent, d’autres pas.  

Dans le cas de notre patronyme, les Hervé dits… sont peu nombreux.  Les Hervé dit Laliberté et les Hervé dit Saint-Jean viennent en tête :  

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[1] Le tableau suivant amalgame les données détenues par le PRDH pour les Harvey avec les données supplémentaires contenues dans ma propre banque de données.  Cette dernière est constituée des registres de baptême de tous ceux portant notre patronyme depuis Sébastien Hervet jusqu’en 1940 alors que le patronyme Harvey était normalisé partout à travers le Québec.