11. Marcel Harvay

6.6.11.3.11 Marcel Harvay (1854-1931), 6e génération 


Marcel Harvay, sixième fils de Germain Hervé (1808-1902) et Archange Desbiens (1812-1887), naît le 5 février 1854.  Joseph Dufour (1832-c.1875), un neveu et fils du voisin est le parrain et Domitilde Caron (1816-1885) est la marraine.  Domitille, originaire de Saint-Roch-des-Aulnaies sur la Côte-du-Sud est marié à un Tremblay cultivateur du Cap-à-Labranche.  On ne lui connaît aucune parenté avec Germain ou Archange outre une lointaine cousinade; le grand-père de son mari, Bernard Tremblay (1808-1888), était cousin de Sébastien Dominique Hervé (1736-1812), le grand-père de Germain.  Le père, souvent absent en hiver, assiste à la cérémonie en plein mois de février.

Comme on l’a vu, la fréquentation de l’école du Cap était importante pour le père de Marcel puisque l’un de ses frères avait fait médecine et que c’est ainsi qu’il avait été élevé.  Pendant son enfance fréquentera donc la maison d’école du Cap à Labranche, mais n’y apprendra pas à lire et écrire. Comme les enseignements premiers étaient les notions du petit catéchisme, il faut croire qu’il ne se rendit pas à un apprentissage avancé de la langue, car il ne saura jamais ses lettres.  Alors que la plupart de ses frères et sœurs tenteront à tout le moins de mimer un semblant de signature, lui qui se mariera très vieux aura alors cessé de faire semblant et ne signera jamais.  Ce ne sera pas la faute des parents, car dans ce milieu familial de cultivateur où les bras étaient essentiels sur la ferme, on acceptait volontiers dans cette famille que les enfants fréquentent l’école à un âge avancé pour l’époque.  Phébé qui a treize ans et Germain fils qui en a onze sont encore sur les bancs d’école plutôt que de travailler au champ ou comme domestique[1]

Marcel passera son enfance, son adolescence et une bonne partie de sa vie adulte à travailler à la ferme de son père qui deviendra celle de Paul, son frère aîné[2].  En 1871, alors qu’il est âgé de dix-sept ans, il perd un premier frère : Didier.  Il contribuera sans doute à soutenir sa veuve et ses trois orphelins tout comme le reste de la famille le fit, car très jeune il vivra pour l’essentiel de son travail de débardeur au port de Montréal, alors qu’il quittait l’Isle tôt au printemps pour n’y revenir qu’à l’automne.

En 1874, Marcel a vingt ans quand il est choisi par son frère Ferdinand et sa belle-sœur Zénobie Bouchard pour être le parrain de leur premier fils, Germain Didier Harvay (1874-1933), lors du baptême qui a lieu le 28 juillet. 

La vie d’un cultivateur-débardeur, célibataire endurci, laisse peu de traces dans les archives civiles comme religieuses.  On voit Marcel apparaître au recensement tous les dix ans et c’est à peu près tout.  Sa vie est d’une routine monotone vue du vingt et unième siècle; il travaille toujours sur la terre avant de repartir au printemps pour Montréal comme travailleur saisonnier[3].

Les années 1885 et 1886 feront exceptions dans la routine de Marcel alors que son frère, le forgeron Hercule, fera de lui le parrain de l’une de ses filles en avril 1885[4] et que sa sœur Caroline fait de même en juin 1886[5].  Cocasserie du temps, les deux enfants seront nommés Marie Mathilda Harvey.  Gageons que l’une d’entre elles aura la coquetterie de modifier son prénom pour se donner un peu de particularité.

C’est en 1887 que les bouleversements seront les plus grands dans la vie monocorde de Marcel.   En avril, son frère Joseph de douze ans son aîné, meurt en laissant derrière lui neuf orphelins aux mains de sa femme.  Puis, le 14 octobre 1887, Marcel perd sa mère alors qu’il a déjà trente-trois ans.

Marcel comme d’autres parents à l’Isle rêve d’un avenir meilleur.  Aussi se laisse-t-il entraîner dans les projets de ses frères Ferdinand et Hercule et part coloniser le lac Saint-Jean.  Les trois frères devaient avoir mûri leur plan depuis quelques années autour d’une grosse bière Molson à la sortie des quais à Montréal.  Alors que son frère Ferdinand s’arrêtera à Roberval, Marcel ira défricher une terre à Saint-Félicien tout comme son frère Hercule

Au moment de son départ au printemps 1895, Marcel a déjà quarante et un ans.  Pour lui, cultiver la terre ne sera pas nouveau puisque ce fut sa vie jusqu’à maintenant.  Lorsqu’il choisira Saint-Félicien à son arrivée au lac Saint-Jean c’est que sa nièce de vingt-huit ans, Marie Éléonore dite Olivine Harvay (1866-1933), la fille de son frère Didier décédé vingt-quatre ans plus tôt, son époux et leurs six enfants sont du voyage et s’installent eux aussi sur une ferme de Saint-Félicien.  Outre son frère et sa nièce, sa petite-cousine Marie Césarine Harvé (1841-1911) à Joseph chez Louis et son mari François Leclerc, ont aussi choisi l’endroit.

Embarqué sur une goélette d’un parent avec ses frères et un certain nombre d’autres jeunes de l’Isle aux Coudres, Marcel se rend à Québec pour y prendre la nouvelle liaison ferroviaire de la Quebec and Lake St-John Railway qui relie Québec à Roberval depuis 1888.  La troupe se disperse à son arrivée au terminal du chemin de fer à Roberval.  Alors que son frère Ferdinand et sa famille n’iront pas plus loin, Marcel et Hercule partent s’établir à Saint-Félicien, probablement pour y ouvrir une terre comme Olivine et son mari qui en cultiveront une toute leur vie dans ce village [6].

La paroisse et le village de Saint-Félicien où s’établit Marcel sont tout jeune.  Les premiers colons n’y sont installés que depuis une trentaine d’années.  Beaucoup étaient du même coin de pays que Marcel, comme Toussaint Bouchard (1822-1892) de Petite-Rivière-Saint-François qui avait établi le bureau de poste en 1871 et Philomène Savard (1838-1905) qui accueillit les premiers enfants à l’école primaire en 1872.  Le père de cette dernière était d’ailleurs un parent de l’Isle aux Coudres.  Il y avait aussi Séraphin Villeneuve marié à Marie Elisabeth Hervai (1822-1865), la fille de son grand-oncle Thimothé Hervé (1790-1867). 

L’année avant l’arrivée de Marcel en 1894, on venait tout juste de construire une première scierie avec une roue à vent à Saint-Félicien.  La courte vie de Marcel à Saint-Félicien sera imprégnée de la forêt omniprésente qui alimente cette scierie et celle à vapeur qui y sera construite trois ans plus tard.  Grâce au déboisement rapide, le sol riche de la région se couvre assez rapidement de fermes prospères.

D’autres insulaires se joindront au groupe à Saint-Félicien par la suite.  Par exemple, Marie Harvey (1845-1921) l’Irlandaise de l’Isle viendra s’y installer avec sa famille.  Marie est cette jeune orpheline de la grande migration irlandaise des années 1840 qui fut recueillie à l’Isle aux Coudres par les familles Boudreau et Hervé et qui adoptera leurs patronymes[7].  Comme on l’a vu, après avoir passé quelques années chez les Boudreau, elle passera le reste de son enfance et son adolescence chez Archange Hervé (1806-1888), la tante de Marcel.  Mariée à Louis Dallaire (1849-1931) en 1874, elle arrive donc à Saint-Félicien avec son mari et plusieurs enfants[8].

Marcel et les autres insulaires établis à Saint-Félicien avaient connu le terrible tremblement de terre de 1870 à l’Isle aux Coudres, mais le 5 juillet 1897 il goûte à une médecine qui leur était jusque-là inconnue alors que s’abat une tornade sur Saint-Félicien, laquelle cause d’importants dommages matériels, dont le clocher de l’église qui ne sera reconstruit qu’après le départ de Marcel du village.  «Des granges, des maisons, des clôtures et l’église subissent des dommages évalués» à vingt-cinq mille dollars courants.  Le curé se démènera pendant longtemps afin d’obtenir une aide du gouvernement pour les victimes.  Félix-Gabriel Marchand et ses troupes libérales viennent tout juste d’être élus en mai et ils tarderont à répondre aux doléances de l’abbé Tremblay.  Entre-temps, plusieurs cultivateurs auront décidé de quitter sa paroisse.  On ne sait pas si Marcel et Hercule furent parmi les nombreux sinistrés, ce qui expliquerait leur départ de Saint-Félicien.  Heureusement, tous s’en sont sortis sains et sauf[9].

Marcel qui a maintenant quarante-quatre ans est qualifié de cultivateur domicilié à Saint-Félicien[10], au moment de son mariage avec Adèle Morin le 8 novembre 1898 à l’église Notre-Dame-du-Lac–Saint-Jean de Roberval.  De son nom véritable, Marie Delphine Emma Morin[11], celle qui se fait appelée Adèle depuis son adolescence[12], de quatorze ans la cadette de Marcel, est native de Saint-Étienne de la Malbaie.  Sa famille, après avoir vécu à Saint-Fidèle de Mont Murray, est venue s’établir il y a quelques années à Roberval où son père travaille comme journalier.  Après la publication des usuels trois bans de mariage faite au prône de messes dans les deux paroisses, c’est avec son frère Ferdinand comme témoin que Marcel s’unit à Adèle[13].  Le père de Marcel est toujours vivant, mais à quatre-vingt-dix ans, on ne pouvait tout de même pas s’attendre à ce qu’il fît ce long voyage de goélette et de train.

Marcel, qui a aidé son frère Ferdinand à s’établir à Roberval à leur arrivée au lac Saint-Jean, a peut-être rencontré cette jeune femme à ce moment ou lors des nombreuses visites qu’il devait lui faire au cours des trois années où il a cultivé la terre à Saint-Félicien.  La distance les séparant n’était que de vingt-cinq kilomètres, et plusieurs vapeurs assuraient déjà le transport des passagers entre Saint-Félicien à Roberval comme on l’a vu.

 

Marcel ne semble pas être demeuré cultivateur à Saint-Félicien à la suite de son mariage.  L’été suivant, il est définitivement installé au village de Roberval où il travaille comme journalier, alors que sa femme accouche de leur premier enfant le 7 août 1899.  On n’a pas perdu de temps.  Neuf mois, jours pour jours après le mariage, le baptême de «Joseph Francq Harver» est célébré.  Didier (1874-1933), le fils aîné de son frère Ferdinand et «cousin de l’enfant» agit comme parrain.  «Léda Morin» fille de Thomas le frère aîné d’Adèle, une «cousine de l’enfant» est choisie pour marraine.  Francq sera tantôt appelé François et plus souvent Frank au cours de sa vie adulte.  Marcel et son neveu ne peuvent signer le registre[14].

 

Bien que journalier au village de Roberval, Marcel à un emploi stable contrairement à sa situation lorsqu’il vivait à l’Isle aux Coudres.  Au cours de l’année 1900, il a travaillé douze mois complets.  Tout comme son frère Ferdinand, ses gages ont été de trois cents piastres[15].

Deux ans après son premier accouchement, Adèle Morin donne naissance à un second fils le 15 mars 1901.  Marcel, dans son milieu ouvrier au lac, est souvent prénommé «Mars», comme lors de la cérémonie du baptême de «Joseph Louis Harvey» le lendemain.  Il faut dire qu’avec la renommée de Mars Simard (1806-1862), l’un des principaux colonisateurs du Saguenay, il n’y a pas que la rivière «à Mars» qui est affublée d’un tel nom.  Plusieurs colons ont prénommé ainsi leur enfant.  Le curé aura mal compris, ou peut-être a-t-il compris ce qu’il voulait entendr
e.  Le parrain de l’enfant est cette fois-ci le fils aîné de Fernand, le frère d’Adèle, alors que la marraine est Claudia Brassard[16], fille du voisin immédiat de Denis Harvez (1852-1905).  Marcel n’est pas le seul Harvey au village de Roberval.  Outre son frère, ses neveux et ses nièces, il s’y trouve également ce Denis, un petit-cousin à peu près du même âge et qui est lui aussi journalier.  Ils ignorent sûrement être parents.  Qui plus est, il s’agit peut-être d’une première rencontre de ces deux lignées de Hervé depuis cent ans.  De fait, le grand-père de Marcel était le demi-frère de l’arrière-grand-père de Denis.  Marcel a pour grand-père Joseph Hervé (1782-1867), l’aîné du deuxième lit de Sébastien Dominique Hervé (1736-1812).  Marcel et ses deux frères étaient les premiers de sa famille à quitter l’Isle aux Coudres pour le lac Saint-Jean en 1895 et leur trajet les amenèrent à passer à l’ouest de Québec pour rejoindre Roberval.  Denis Harvey a, quant à lui, Dominique Isaïe Hervé (1775-1861) comme arrière-grand-père.  Ce dernier était le cadet du premier lit de Sébastien Dominique.  Les quatre garçons issus de la première union entre Sébastien Dominique et Geneviève Savard avaient tous quitté l’Isle et deux d’entre eux s’étaient établis à Saint-Étienne de la Malbaie.  Pierre Hervez, le grand-père de Denis, vécu à Saint-Hilarion de Settrington.  Son père Louis (1828-1917) était parti de la région de la Rivière-Malbaie en remontant le Saguenay pour s’établir à Saint-Michel-de-Mistassini au lac Saint-Jean.  Les deux cousins ont une chose en commun : ils ignorent tout de leur origine française et se déclarent d’origine écossaise lors du recensement de 1901[17].


À l’été 1903, Hercule s’amène avec sa famille à Roberval, ce village qui vient tout juste de devenir une ville.  Lui qui est maintenant forgeron pour les chemins de fer à Québec aura dû bénéficier des rabais consentis aux employés pour revenir au lac afin de visiter ses frères et leur famille ainsi que les enfants de son frère Didier décédé, Louis Dominique à Roberval et Olivine à Saint-Félicien. 

 

C’est aussi à l’été 1903 qu’Adèle, régulière comme pas une, donne naissance à un troisième fils le 17 juillet.  Lors du baptême de «Joseph Marcel Armand Harvey» le lendemain, ce sera donc «Marie Harvey», l’une des quatre filles d’Hercule prénommées Marie, qui sera choisie comme marraine.  En effet, Hercule eut cinq filles qu’il prénomma Marie.  L’une est décédée et la plus jeune n’est pas en âge d’être marraine ce qui laisse donc trois possibilités[18].  Dans le cas du parrain, c’est plus clair, il s’agit d’un journalier du village qui a vingt-deux ans, un nommé «David McNicoll» [19].  

Alors que la femme de Marcel était en douleur le 17 juillet et que ce dernier s’apprêtait à voir naître un troisième enfant, son neveu Louis Dominique Harvay (1871-1939) enterrait son fils Joseph Louis Arthur Dominique qui n’avait que quatre mois[20].

 

Marcel a déjà cinquante-deux ans quand, en mars 1906, Adèle accouche de leur quatrième fils et dernier enfant.  Il ne vivra que quelques minutes.  Suffisamment longtemps en revanche pour permettre à la sage-femme de l’ondoyer à la maison avant que peu de temps par la suite son père n’amène l’enfant vers le cimetière paroissial où le curé bénit sa sépulture[21].  L’accouchement dut être particulièrement difficile, car Adèle, à trente-huit ans, n’enfantera plus.

 

On entendra plus parler de Marcel et de sa famille à Roberval ou dans la région du lac par la suite.  Il faut dire que de grands bouleversements dans l’économie locale surviennent au cours des années qui suivent : l’incendie en 1907 d’un des bateaux à vapeur œuvrant sur le lac, celui de l’hôtel Roberval en 1908 et de l’Island House en 1909. 

 

Marcel et sa famille ont déjà quitté Roberval à l’été 1909.  On le verra agir comme témoin de sa nièce «Marie Edile Hervé» en l’église Saint-Grégoire de Montmorency[22].  La fille de son frère Hercule qui habitait toujours chez son père partira vivre pas très loin de chez lui dans le nouveau quartier Limoilou de Québec.  

On retrouve la famille résident au numéro 96 de la cinquième rue dans le quartier Limoilou à Québec en 1910.  La municipalité de Limoilou vient tout juste d’être annexée à la ville de Québec l’année précédente et connaît un boom économique et démographique.  À l’arrivée de Marcel avec sa famille, ils sont plus de trois mille cinq cents habitants dans ce quartier de la capitale.  Cependant, ce n’est pas l’économie florissante de Limoilou qui attira Marcel à Québec.  Sans doute aidé de son frère Hercule qui travaille déjà comme forgeron sur la ligne de chemin de fer, Marcel s’y trouve un emploi de journalier.  Le travail exige de lui soixante heures par semaine, ce qui n’est pas bien différent des autres journaliers.  Tout comme à Roberval, il a vécu le plein emploi tout au cours de l’année 1910 lui valant un salaire global de quatre cent trente-six dollars[23]

Il y a également une autre hypothèse que certains indices de la vie de Marcel comme celles de ses frères Ferdinand et Hercule rendent plausible.  Les trois travaillaient peut-être pour le chemin de fer depuis belle lurette.  S’étaient-ils embauchés au service de la ligne de chemin de fer à Roberval; Ferdinand d’abord, et au début du siècle, les deux autres frères après avoir abandonné leur exploitation agricole de Saint-Félicien? Hercule aurait pris l’emploi de forgeron pour la compagnie du côté de Québec alors que les deux autres frères seraient demeurés à Roberval comme journalier pour le chemin de fer.  Ne pouvant fouiller les archives de cette vieille compagnie de chemin de fer aujourd’hui disparue, on en restera là.  


Limoilou, où la famille s’installe, avait été reconstruite après un incendie à l’exemple des quartiers quadrillés de la ville de New York, avec des rues (est-ouest) et des avenues (nord-sud).  Les immeubles résidentiels comme le leur étaient souvent en brique et de plus de trois étages.

La 5e rue où ils habitent ne fait que six cents mètres, soit quatre pâtés de maisons, et s’ouvre à l’est sur le parvis de l’église Saint-Charles, ce qui est utile pour Marcel qui s’approche de la soixantaine, âge à laquelle, à cette époque, on s’approchait un peu plus des questions spirituelles.  À l’autre extrémité, à l’ouest, la rue donne sur la rivière Saint-Charles tout près de l’endroit où, à l’époque de la Nouvelle-France, un passage à gué permettait de traverser à Québec et où tous convergeaient surtout pour aller approvisionner les marchés de la ville.  La famille de Marcel vivra donc près du pont Drouin dont l’ouverture est prévue pour 1912 et qui se dressera sur la rivière à l’endroit ce passage à gué. Ce nouveau pont de fer à bascule permettra au tramway de se rendre tout près de leur résidence.  

La vie de Marcel et sa famille ne changera guère au cours de la décennie qui s’entame.  Ses fils sont trop jeunes pour être conscrit dans la guerre qui arrive et il continuera de travailler pour la compagnie de chemin de fer; tous demeureront à la même adresse.  Vers la fin de cette décennie, lui et Adèle adoptent «Andrea Sevini», un jeune enfant orphelin dont les parents sont décédés au cours de la traversée en provenance de leur Italie natale.  L’enfant est né en 1918.  En 1921, Marcel maintenant âgé de soixante-sept ans n’a plus la forme qu’il avait.  De journalier qu’il était à la compagnie de chemin de fer, il est maintenant nettoyeur «de chars».  L’inflation est galopante et bien qu’il ait gagné neuf cents dollars l’année dernière il n’est pas plus riche qu’il y a dix ans.  Son fils aîné François travaille pour le chemin de fer du Grand Trunk Railway qui relie Québec à Toronto; il y est charretier.  Armand, le cadet, est journalier aussi pour la même compagnie alors que Jos. Louis est sans emploi.  Adèle et Marcel rejoignent les deux bouts en consacrant l’une des chambres du logement pour des chambreurs.  En juin 1921, le pompier William Lacasse y est «logeur».  Évidemment, Andrea qui n’a que trois ans ne va pas encore à l’école[24]

C’est le 17 février 1925 que Marcel et Adèle voient partir leur premier fils et qui plus est, c’est Armand le cadet qui quitte le logement pour épouser Eva Lemieux.  La cérémonie se déroule dans l’église de la paroisse Saint-Charles de Limoilou puisque la mariée y est aussi résidente.  Eva est la fille d’Elzéar Lemieux et de Lumina Harvey qui sont dans la paroisse depuis le début du siècle[25].  Au moment du mariage, et longtemps par la suite, Armand travaille pour le chemin de fer du Canadien National qui a englobé Grand Trunk Railway depuis 1923[26].  


Les Hervé et les Hervy se rencontrent

L’union d’Armand Harvey et d’Eva Lemieux est le seul mariage que j’ai trouvé à ce jour (2018) où les deux lignées d’origine française de Harvey du Québec se rencontrent. 

Lumina, la mère d’Eva est l’arrière-petite-fille de Jean François Hervy (1791-1881), arrivé de France aux Îles de la Madeleine vers 1816 et dont la descendance fera sien le patronyme Harvey comme on peut le voir au chapitre, Les Harvey des îles de la Madeleine.

En 1928 c’est au tour de l’aîné de trouver l’amour.  Joseph François épouse Marie Esther Lagassé (Lagacé) le 10 avril.  Travaillant dans la paroisse et y résident, Esther est native de Pointe-Verte au Nouveau-Brunswick où s’est parents habitent toujours[27].  Le couple demeurera dans le logement de Marcel et d’Adèle.  Ils y sont toujours en 1931 avec leurs deux enfants; Priscille Lagassé, sœur de Marie Esther, habite également le logement.  Outre François, Joseph Louis est le seul autre enfant de Marcel a demeuré toujours à la maison.     

 

Le grand livre de la vie de Marcel se ferme le 8 novembre 1931 alors qu’il décède dans son quartier d’accueil à Limoilou.  Il avait eu soixante-dix-sept ans l’hiver précédent.  Il est inhumé au cimetière Saint-Charles trois jours plus tard.  Ses fils Joseph Harvay et François dit Frank Harvey signent le registre des sépultures le onze du même mois[28].

 

Un peu plus de sept ans après la mort de Marcel, la Cour supérieure rendait un jugement «ordonnant l’adoption par feu Marcel Harvey et Dame Adèle Morin son épouse de la paroisse de Limoilou,… de Marie Jeanette Harvey née le 31 mars 1924».  Le parrain fut Joseph Louis Harvey, fils de Marcel et d’Adèle Morin.  La marraine quant à elle est Priscille Lagassé, belle-sœur de François dit Frank; cette dernière habitait chez Marcel depuis le mariage de Joseph François dit Frank à Marie Esther Lagassé en 1928.    

Marcel Harvay, ses enfants, données généalogiques — 7e génération

[1] B.A.C., G., Recensement de 1861, district de Charlevoix, Île-aux-Coudres, page 137. 

[2] B.A.C., G., Recensement de 1871, district de Charlevoix, Île-aux-Coudres, page 1. 

[3] B.A.C., G., Recensement de 1881, district de Charlevoix, sous district de l’Isle aux Coudres, page 21.

[4] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 10 avril 1885. Baptême de Marie Mathilda Harvey à Hercule.

[5] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 27 juin 1886. Baptême de Marie Mathilda Harvey à Caroline.

[6] On ne sait pas si Hercule fit venir le reste de sa famille par la suite, mais on le présume.  Une source non vérifiable mentionne qu’il se serait installé à Saint-Félicien ce qui est possible, car en 1899, son fils aîné y sera parrain au baptême de l’une des filles de sa cousine Marie Éléonore dite Olivine Harvay qui y demeure également.  De plus, Hercule se présentera avec ce même fils devant un notaire en juin 1900 à Roberval pour liquider ses biens avant son départ pour Saint-Grégoire de Montmorency où il ira s’établir avec sa famille au cours de l’été. 

[7] Marie Harvey l’Irlandaise fut aussi dite Boudreau du temps où elle résidait chez Catherine Leclerc (1803-1874) et son mari Vital Boudreault (1783-1866) dans les premières années de son arrivée à l’Isle.

[8] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 29 novembre 1907.  Mariage de Philippe Dallaire et d’Azilda Bouchard.

[9] CÔTÉ, Pierre L. Saint-Félicien, son histoire religieuse. Saint-Félicien, Fabrique de la paroisse de Saint-Félicien, 1984, page 72.

[10] Bien qu’au registre de son mariage il soit qualifié de cultivateur de Saint-Félicien, je n’ai pu trouver d’acte notarié d’acquisition ou de vente d’une terre.  De plus, il abandonne subitement le métier de cultivateur à Saint-Félicien pour devenir journalier à Roberval au lendemain du mariage.  Ce changement soudain était-il relié à la tornade de l’année précédente? S’il avait obtenu une concession de la couronne et que le peu qu’il avait eu le temps de construire avant la tornade était disparu, cela expliquerait l’absence d’acte notarié.

[11] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 22 février 1868.

[12] B.A.C., G., Recensement de 1881, district de Charlevoix, sous-district de Malbaie, page 33.

[13] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame-Immaculée de Roberval, 8 novembre 1898.

[14] Ibid., 8 août 1899.

[15] B.A.C., G., Recensement de 1901, district de Chicoutimi et Saguenay, sous-district de Roberval village, page 7.

[16] Ibid., 16 mars 1901.

[17] B.A.C., G., Recensement de 1901, district de Chicoutimi et Saguenay, sous-district de Roberval village, pages 7 et 11.  Ce recensement a débuté officiellement le 31 mars 1901.

[18] Marie Élise née en 1880, Marie Édile née en 1882, Marie Mathilda née en 1885, Marie Émilie née en 1886 et Marie Élédie dite Marie Élodie née en 1893.

[19] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame-Immaculée de Roberval, 18 juillet 1903. 

[20] Ibid., 17 juillet 1903.

[21] Ibid., 26 mars 1906.

[22] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Grégoire de Montmorency, 5 juillet 1909.

[23] B.A.C., G., Recensement de 1911, district de Québec-Est, sous-district de Limoilou, pages 15 et 16.  Ce recensement a débuté officiellement le 1er juin 1911.

[24] B.A.C., G., Recensement de 1921, district de Québec-Est, sous-district de Limoilou, page 8.  Ce recensement a débuté officiellement le 1er juin 1921.

[25] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Charles de Limoilou, 17 février 1925.

[26] Ibid., 14 novembre 1930. Baptême de Marie Marguerite Thérèse Jacqueline Harvey.

[27] Ibid., 10 avril 1928.

[27a] B.A.C., G., Recensement de 1931, district de Québec-Est, sous-district de Limoilou, microfilms e011593550 et e011593551.

[28] BAnQ., Registre des sépultures, cimetière Saint-Charles, Québec, 11 novembre 1831.